B - Le droit d'accès aux dossiers de la
procédure
L'accès aux dossiers de la procédure est un
droit important car il permet à la victime de préparer avec
minutie ses auditions et ce au même pied d'égalité avec la
personne poursuivie.
Par dossier, il faut entendre « la réunion de
documents, actes de procédure, jugements relatifs à un litige
dont est saisie une juridiction civile, commerciale, sociale, dans un dossier
sur lequel se trouvent mentionnés en outre les divers
événements de la procédure »109. La
victime a donc le droit d'accéder à cet ensemble de documents
relatif à la procédure la concernant et qui constitue le support
de l'action pénale. Le dossier contient les pièces et les actes
de procédure110 dont la victime a droit d'en avoir
connaissance111. Cet accès est possible pendant l'instruction
et devant le juge de jugement.
108 Articles 110 et 135 alinéas 5 et 6 du CPP
109 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), op.cit., p.398
110 Les procès-verbaux et les ordonnances du juge
d'instruction sont respectivement des pièces et actes de
procédure.
111 Ce droit n'était pas classiquement reconnu à
la victime. Il fallait attendre une jurisprudence française ( CA
Aix-en-Provence,23 mai1961, D. 1961, p.484) qui donne la faculté
à l'avocat d'obtenir une copie du dossier. C'est donc à travers
l'avocat que la victime partie civile avait accès au dossier de la
procédure. Mais ce droit a connu une progression en ce sens
qu'aujourd'hui il est possible pour la victime non assistée d'obtenir
des copies relativement à la procédure. Mais cette progression ne
connait pas une application effective dans la législation ivoirienne.
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Pendant la phase d'instruction, la partie civile jouit du
droit de communication du dossier de la procédure. Ce droit est
prévu à l'art. 135 du CPP en ces termes : « elle [la
procédure] est également remise à la disposition du
conseil de la partie civile, vingt-quatre heures au plus tard avant les
auditions de cette dernière ». On peut également citer
l'art. 230 du même code. Selon cette disposition, pendant un délai
de quarante-huit heures en matière de détention préventive
ou de cinq jours en toute autre matière, le dossier, comprenant les
réquisitions du procureur général, est
déposé au greffe de la chambre d'instruction et est tenu à
la disposition des conseils, des inculpés et des parties civiles
reçues au procès.
De la lecture de ces deux articles, deux constats se
dégagent.
D'une part, la partie civile non assistée ne peut avoir
accès au dossier de la procédure puisque les notifications sont
faites aux conseils. De ce fait, la partie civile non assistée, se voit
opposer le secret de l'instruction malgré qu'elle soit une partie au
procès. Ce traitement nous parait inadéquat car il prive la
partie qui n'a pas pu payer les honoraires d'un avocat et n'a pas
bénéficié de l'assistance judiciaire de prendre
connaissance de la procédure la concernant. Le législateur doit
lui permettre d'accéder au dossier tout en lui exigeant le secret de
l'instruction.
D'autre part, le conseil de la victime a accès au
dossier dans un délai de vingt-quatre heures avant l'audition de son
client. En fait, le délai de vingt-quatre heures accordé au
conseil pour préparer la défense de son client nous parait
insuffisant surtout si le dossier présente une certaine
complexité. Il serait judicieux de revoir ce délai à la
hausse afin de donner un temps suffisant à l'avocat pour préparer
de façon efficace la défense des intérêts de la
victime112.
En outre, selon l'art. 217 du CPP, avis est donné
à la partie civile, par l'intermédiaire de son conseil, dans un
délai de vingt-quatre heures de toutes les ordonnances
juridictionnelles113. Les ordonnances dont la partie civile peut
interjeter appel lui sont signifiées à la requête du
procureur dans un délai de vingt-quatre heures. Toutefois, il serait
judicieux de signifier à la partie civile certaines ordonnances dont
elle ne peut interjeter appel. Par exemple l'ordonnance de mise en
liberté. Cela permettra à la victime de prendre des mesures de
sécurité.
112 Le législateur peut lui accorder
un délai de cinq jours comme il a fait pour les réquisitions du
procureur général à l'article 230 du CPP.
113 Le juge d'instruction prend deux types
d'ordonnances, les ordonnances administratives et les ordonnances
juridictionnelles.
Par ailleurs, l'accès au dossier de la procédure
est aussi prévu pendant la phase de jugement. La partie civile peut se
faire délivrer une copie des procès-verbaux constatant
l'infraction, les déclarations écrites des témoins et les
rapports d'expertise. Elle peut prendre ou faire prendre copie de toute autre
pièce de la procédure.
Cette panoplie de facultés tire sa fortune de l'art.
287 du CPP. Ce texte dispose en substance que : « la partie civile, ou
son conseil, peuvent se faire livrer, à leurs frais, copie de toutes
pièces de la procédure ». Mais, contrairement aux
accusés à qui ces pièces sont délivrées
gratuitement, la partie civile doit assurer les frais de délivrance des
pièces demandées. Nous proposons que le législateur
prévoie la délivrance gratuite des pièces à la
partie civile afin qu'elle ait un accès effectif et une bonne maitrise
de la procédure.
A titre indicatif, la partie civile, à l'instar des
autres parties à l'instruction, est tenue du secret
professionnel114 qui tend à la protection des
intérêts privés et participe à la manifestation de
la vérité.
De ce qui précède, l'analyse du droit de savoir
de la victime a permis de voir son importance mais aussi de comprendre
l'importance pour la partie civile d'être assistée pendant la
procédure.
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