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La protection de la victime devant les juridictions repressives ivoirienne


par Gneneindjomain Moussa OUATTARA
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) - Master en droit privé 2023
  

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Section 2 : La dualité des modalités d'intégration par voie d'intervention

L'intégration est dite par voie d'intervention ou à titre accessoire en ce sens qu'elle intervient après la mise en mouvement de l'action publique par le ministère public85. En effet, cette voie permet à la partie lésée de se faire prendre en « remorque » de l'action publique pour y défendre ses intérêts civils86. Par ce

81 V. infra p.51

82 Exceptée l'hypothèse dans laquelle l'action pénale s'éteint par le retrait de la plainte de la victime si l'action pénale était subordonnée au dépôt d'une plainte.

83 Articles 6 et 42 du CPP

84 SOYER (J-C), op.cit., p.281

85 Article 20 du CPP

86 SOYER (J-C), op.cit., p279.

mécanisme, il apparait que le législateur entend manifestement faire de la victime une partie au procès pénal et partant, lui accorder une protection.

L'intervention de la victime dans la procédure pénale peut se faire d'une part, au cours de la phase de l'instruction préparatoire par le biais d'une constitution de partie civile ordinaire (Paragraphe 1), et d'autre part, pendant la phase de jugement par le biais d'une déclaration de partie civile (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La constitution de partie civile ordinaire

Selon l'art. 108 du CPP., alors qu'elle n'a pas mise en mouvement l'action publique devant le juge d'instruction, la victime peut néanmoins se constituer partie civile au cours de l'information judiciaire. Cela va se faire au cours de son audition et en réponse à la question du juge d'instruction de savoir si elle se constitue partie civile ou non. Ce procédé est convenable à la partie lésée (A) et déploie d'importants effets (B).

A - Un procédé convenable

Après la mise en mouvement de l'action publique par le ministère public qui a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire, le législateur, dans le souci de toujours rechercher la protection de la victime, permet qu'elle intègre la procédure pénale pour demander la réparation du préjudice subi. Cette intégration se fait par la constitution de partie civile de la victime devant le juge d'instruction. C'est la constitution de partie civile ordinaire par opposition à la plainte avec constitution de partie civile.

Cette faculté offerte à la victime est prévue par l'art. 108 du CPP qui dispose : « La constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l'instruction ». Selon cette disposition, tant que la procédure se trouve devant les juridictions d'enquête, la victime peut toujours exercer son action civile devant le juge d'instruction et devant la chambre d'instruction87. Cette disposition ne précise pas la forme de cette constitution. Ce qui permet de soutenir qu'elle peut

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87 Cass. crim., 25 juin 1937, D.P., 1938. 4, note Leloir

se faire par écrit, une simple lettre adressée au juge d'instruction dans laquelle la victime déclare manifestement se constituer partie civile ou par déclarations verbales. Cela va se faire au cours de son audition et en réponse à la question du juge d'instruction de savoir si elle se constitue partie civile ou non. Le magistrat instructeur reçoit alors la réponse de la victime consignée dans le procès-verbal d'audition.

Ce mode est donc convenable en ce sens qu'il n'est pas soumis à un formalisme trop rigoureux. Il est également convenable en raison de son champ d'application étendue. En effet, ce procédé concerne les faits dont est saisi le juge d'instruction pour information. L'information étant obligatoire en matière criminelle et facultative, donc possible, en matière délictuelle, la constitution de partie civile ordinaire concerne alors les crimes et certains délits.

Par ailleurs, il faut souligner que ce type de constitution de partie civile se limite aux seuls faits incriminés et aux seules personnes mises en cause par le juge d'instruction88. Donc, en principe, la victime en se constituant partie civile ne peut cibler ni des faits nouveaux ni d'autres personnes non inculpées. Si elle veut voir ces faits nouveaux et ces personnes non suspectes mises en cause, elle peut, à cet effet, les citer directement devant les juridictions de jugement.

En outre, l'art. 108 al. 2 du CPP dispose : « Dans tous les cas, la recevabilité de la constitution de partie civile peut être contestée, soit par le ministère public, soit par l'inculpé, soit par une autre partie civile ». En cas de contestation, il revient au juge d'instruction de statuer sur la recevabilité ou non de la constitution de partie civile de la personne qui prétend être lésée par les infractions dont il est saisi.

Sous un autre angle, l'emploi de ce procédé, contrairement à la plainte avec constitution de partie civile, n'est pas soumise au paiement d'une consignation. Cela se justifie par le fait que la procédure est déjà déclenchée par le ministère public et partant, les frais de procédure sont à la charge de l'Etat.

La plainte avec constitution de partie civile ordinaire reçue produit des effets.

23

88 Crim. 9 nov. 1995, Bull. n°345

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B - Des effets en cas de recevabilité

La constitution de partie civile qui intervient après le déclenchement du procès pénal permet à la victime, en cas de recevabilité, d'acquérir la qualité de partie civile. Elle devient ainsi une partie intégrante au procès.

Ce nouveau statut fait perdre à la victime son ancien statut de témoin89. En effet, la qualité de partie civile favorise la recherche de la protection de la victime à travers les avantages procéduraux attachés à ce statut. De ce fait, elle peut obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice, la juridiction se trouvant tenue de statuer sur sa demande.90 La victime constituée partie civile participe au procès et partant, concourt à l'instruction. Ainsi, elle pourra se faire assister d'un conseil, elle est également informée de l'évolution de la procédure et elle se voit notifier les actes importants de la procédure notamment les ordonnances juridictionnelles91. Elle peut également demander qu'une expertise soit faite. Enfin, elle peut exercer des voies de recours contre les décisions du juge d'instruction.92

La victime qui ne se constitue pas partie civile jouit de quelques droits pendant le procès en raison de son statut de spectateur légitime mais à une échelle réduite puisqu'elle est traitée comme un témoin.

Par ailleurs, nous constatons que la victime en raison de sa constitution perd la qualité de témoin. En effet, le témoin est « un simple particulier invité à déposer, dans le cadre d'une enquête ou sous la forme écrite d'une attestation, sur les faits dont il a eu personnellement connaissance, après avoir prêté serment de dire la vérité ».93 De cette définition, le témoin doit donc prêter serment avant de faire ses déclarations. L'art. 432 du CPP disposant que : « la personne qui s'est constituée partie civile ne peut plus être entendue comme témoin » alors, la victime, constituée partie civile, n'est pas soumise à cette exigence qui tend à assurer la sincérité des déclarations. Cette impossibilité qui tend à assurer l'équité et la préservation des droits de la défense trouve sa justification dans la règle « Nullus idoneus testis in re sua intelligistur ». Cette règle signifie que « personne

89 Article 323-6° du CPP

90 PRADEL (J.), Procédure pénale, Paris, CUJAS, 14ème éd., 2008, p.605

91 Article 217 du CPP

92 V. infra p.42

93 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), op.cit., 2019, p.1050

n'est considérée comme témoin dans sa propre cause ou encore personne ne peut être témoin dans son propre costume ». L'article susmentionné tel qu'écrit « ... ne peut plus être... », permet de comprendre aisément que la victime non constituée ou non encore constituée est traitée comme un témoin d'où l'appellation « Témoin-victime ». Et par voie de conséquence, elle est soumise à la prestation de serment94 avant déposition.

Aussi, toujours dans l'optique de protéger suffisamment la victime, le législateur lui offre à nouveau la possibilité de se constituer partie civile devant les juridictions de jugement déjà saisies.

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