Section 2 : La dualité des modalités
d'intégration par voie d'intervention
L'intégration est dite par voie d'intervention ou
à titre accessoire en ce sens qu'elle intervient après la mise en
mouvement de l'action publique par le ministère public85. En
effet, cette voie permet à la partie lésée de se faire
prendre en « remorque » de l'action publique pour y
défendre ses intérêts civils86. Par ce
81 V. infra p.51
82 Exceptée
l'hypothèse dans laquelle l'action pénale s'éteint par le
retrait de la plainte de la victime si l'action pénale était
subordonnée au dépôt d'une plainte.
83 Articles 6 et 42 du CPP
84 SOYER (J-C), op.cit.,
p.281
85 Article 20 du CPP
86 SOYER (J-C), op.cit., p279.
mécanisme, il apparait que le législateur entend
manifestement faire de la victime une partie au procès pénal et
partant, lui accorder une protection.
L'intervention de la victime dans la procédure
pénale peut se faire d'une part, au cours de la phase de l'instruction
préparatoire par le biais d'une constitution de partie civile ordinaire
(Paragraphe 1), et d'autre part, pendant la phase de jugement
par le biais d'une déclaration de partie civile (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La constitution de partie civile
ordinaire
Selon l'art. 108 du CPP., alors qu'elle n'a pas mise en
mouvement l'action publique devant le juge d'instruction, la victime peut
néanmoins se constituer partie civile au cours de l'information
judiciaire. Cela va se faire au cours de son audition et en réponse
à la question du juge d'instruction de savoir si elle se constitue
partie civile ou non. Ce procédé est convenable à la
partie lésée (A) et déploie d'importants effets (B).
A - Un procédé convenable
Après la mise en mouvement de l'action publique par le
ministère public qui a donné lieu à l'ouverture d'une
information judiciaire, le législateur, dans le souci de toujours
rechercher la protection de la victime, permet qu'elle intègre la
procédure pénale pour demander la réparation du
préjudice subi. Cette intégration se fait par la constitution de
partie civile de la victime devant le juge d'instruction. C'est la constitution
de partie civile ordinaire par opposition à la plainte avec constitution
de partie civile.
Cette faculté offerte à la victime est
prévue par l'art. 108 du CPP qui dispose : « La constitution de
partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l'instruction
». Selon cette disposition, tant que la procédure se trouve
devant les juridictions d'enquête, la victime peut toujours exercer son
action civile devant le juge d'instruction et devant la chambre
d'instruction87. Cette disposition ne précise pas la forme de
cette constitution. Ce qui permet de soutenir qu'elle peut
22
87 Cass. crim., 25 juin 1937, D.P.,
1938. 4, note Leloir
se faire par écrit, une simple lettre adressée
au juge d'instruction dans laquelle la victime déclare manifestement se
constituer partie civile ou par déclarations verbales. Cela va se faire
au cours de son audition et en réponse à la question du juge
d'instruction de savoir si elle se constitue partie civile ou non. Le magistrat
instructeur reçoit alors la réponse de la victime
consignée dans le procès-verbal d'audition.
Ce mode est donc convenable en ce sens qu'il n'est pas soumis
à un formalisme trop rigoureux. Il est également convenable en
raison de son champ d'application étendue. En effet, ce
procédé concerne les faits dont est saisi le juge d'instruction
pour information. L'information étant obligatoire en matière
criminelle et facultative, donc possible, en matière délictuelle,
la constitution de partie civile ordinaire concerne alors les crimes et
certains délits.
Par ailleurs, il faut souligner que ce type de constitution de
partie civile se limite aux seuls faits incriminés et aux seules
personnes mises en cause par le juge d'instruction88. Donc, en
principe, la victime en se constituant partie civile ne peut cibler ni des
faits nouveaux ni d'autres personnes non inculpées. Si elle veut voir
ces faits nouveaux et ces personnes non suspectes mises en cause, elle peut,
à cet effet, les citer directement devant les juridictions de
jugement.
En outre, l'art. 108 al. 2 du CPP dispose : « Dans
tous les cas, la recevabilité de la constitution de partie civile peut
être contestée, soit par le ministère public, soit par
l'inculpé, soit par une autre partie civile ». En cas de
contestation, il revient au juge d'instruction de statuer sur la
recevabilité ou non de la constitution de partie civile de la personne
qui prétend être lésée par les infractions dont il
est saisi.
Sous un autre angle, l'emploi de ce procédé,
contrairement à la plainte avec constitution de partie civile, n'est pas
soumise au paiement d'une consignation. Cela se justifie par le fait que la
procédure est déjà déclenchée par le
ministère public et partant, les frais de procédure sont à
la charge de l'Etat.
La plainte avec constitution de partie civile ordinaire
reçue produit des effets.
23
88 Crim. 9 nov. 1995, Bull.
n°345
24
B - Des effets en cas de
recevabilité
La constitution de partie civile qui intervient après
le déclenchement du procès pénal permet à la
victime, en cas de recevabilité, d'acquérir la qualité de
partie civile. Elle devient ainsi une partie intégrante au
procès.
Ce nouveau statut fait perdre à la victime son ancien
statut de témoin89. En effet, la qualité de partie
civile favorise la recherche de la protection de la victime à travers
les avantages procéduraux attachés à ce statut. De ce
fait, elle peut obtenir des dommages-intérêts en réparation
de son préjudice, la juridiction se trouvant tenue de statuer sur sa
demande.90 La victime constituée partie civile participe au
procès et partant, concourt à l'instruction. Ainsi, elle pourra
se faire assister d'un conseil, elle est également informée de
l'évolution de la procédure et elle se voit notifier les actes
importants de la procédure notamment les ordonnances
juridictionnelles91. Elle peut également demander qu'une
expertise soit faite. Enfin, elle peut exercer des voies de recours contre les
décisions du juge d'instruction.92
La victime qui ne se constitue pas partie civile jouit de
quelques droits pendant le procès en raison de son statut de spectateur
légitime mais à une échelle réduite puisqu'elle est
traitée comme un témoin.
Par ailleurs, nous constatons que la victime en raison de sa
constitution perd la qualité de témoin. En effet, le
témoin est « un simple particulier invité à
déposer, dans le cadre d'une enquête ou sous la forme
écrite d'une attestation, sur les faits dont il a eu personnellement
connaissance, après avoir prêté serment de dire la
vérité ».93 De cette définition, le
témoin doit donc prêter serment avant de faire ses
déclarations. L'art. 432 du CPP disposant que : « la personne
qui s'est constituée partie civile ne peut plus être entendue
comme témoin » alors, la victime, constituée partie
civile, n'est pas soumise à cette exigence qui tend à assurer la
sincérité des déclarations. Cette impossibilité qui
tend à assurer l'équité et la préservation des
droits de la défense trouve sa justification dans la règle «
Nullus idoneus testis in re sua intelligistur ». Cette
règle signifie que « personne
89 Article 323-6° du CPP
90 PRADEL (J.), Procédure
pénale, Paris, CUJAS, 14ème éd., 2008,
p.605
91 Article 217 du CPP
92 V. infra p.42
93 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), op.cit., 2019,
p.1050
n'est considérée comme témoin dans sa
propre cause ou encore personne ne peut être témoin dans son
propre costume ». L'article susmentionné tel qu'écrit
« ... ne peut plus être... », permet de comprendre
aisément que la victime non constituée ou non encore
constituée est traitée comme un témoin d'où
l'appellation « Témoin-victime ». Et par voie de
conséquence, elle est soumise à la prestation de
serment94 avant déposition.
Aussi, toujours dans l'optique de protéger suffisamment
la victime, le législateur lui offre à nouveau la
possibilité de se constituer partie civile devant les juridictions de
jugement déjà saisies.
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