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La protection de la victime devant les juridictions repressives ivoirienne


par Gneneindjomain Moussa OUATTARA
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) - Master en droit privé 2023
  

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Paragraphe 2 : L'admission souhaitée de la possibilité de garder

l'anonymat

En plus des moyens de sécurité prévus et de la visioconférence souhaitée, la victime nécessite parfois encore plus de sécurité, spécialement lorsque de par son identité ou son domicile, son intégrité physique est menacée. Pour éviter cette menace et éviter la réitération de l'infraction, certains législateurs permettent à la victime de garder l'anonymat pendant la procédure. De ce fait, le fait de garder

191 CEDH, 5 oct. 2006, Marcello Viola c/ Italie, préc., § 74. In BOSSAN (J.), « La visioconférence dans le procès pénal : un outil à maîtriser », in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2011/4 (N°4), pp. 801-816

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l'anonymat parait une mesure de sécurité (A). Mais, en raison des droits de la défense dont le respect doit être observé, le recours à cette mesure de sécurité doit être encadré (B).

A - Une mesure de sécurité

Garder l'anonymat pendant la procédure consiste pour la victime, constituée ou non partie civile, de ne pas révéler l'adresse de son domicile192. Souvent il peut s'agir également de garder l'anonymat complet, dans cette hypothèse, la victime ne dévoile pas son identité. En effet, lorsque la victime ne dévoile pas l'adresse de son domicile ou garde l'anonymat complet, elle peut élire pour domicile celui de son avocat ou un commissariat ou encore une brigade de gendarmerie193. C'est à cette adresse que les avis et notifications seront faits.

Cette mesure est sécuritaire car elle permet d'éviter que la vie de la victime ou son intégrité physique, celle des membres de sa famille ou de ses proches soit, par son audition ou sa participation au débat, gravement mise en danger. En clair, cette mesure protège la victime contre les intimidations, les menaces et les représailles de son agresseur. Ainsi, l'anonymat concerne des préoccupations de survie.

Pour cet impératif, le procureur ou le juge d'instruction peut saisir, par requête motivée, le juge des libertés et de la détention (JLD) pour autoriser l'anonymat souhaité par la victime. Ce magistrat, par décision motivée, peut autoriser que les déclarations de la victime soient recueillies sans que son identité ne soit apparente dans le dossier de la procédure. Le procès-verbal de l'audition ne comporte pas la signature de la victime. Cette protection permet d'éviter, ou du moins de limiter, les effets de la « victimisation secondaire »194. Ainsi le préjudice subi ne se verra pas accroitre.

Par ailleurs, il importe de souligner que l'anonymat protège la victime des médias surtout lors des audiences des débats publics. En effet, il est important de

192 L'article 706-57 du code de procédure pénale (France), Paris, Dalloz, 61ème éd.,2020, p.1263

193 LEGEAIS (R.), « L'utilisation de témoignages sous forme anonyme ou déguisée dans la procédure des juridictions répressives », in Revue internationale de droit comparé, 1998, pp. 711-718

194 Prof. Robert ROTH Et. Al., « La protection de la victime dans la procédure pénale », rapport d'évaluation rédigé sur mandat de l'Office fédéral de la justice, Centre d'Etude, de Technique de d'Evaluation Législatives Faculté de droit, Université de Genève, octobre 1997, p.8

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protéger la victime contre les divulgations de la presse, surtout lors des procès à sensation.

En sus, Les situations impliquant des victimes mineures ainsi que les cas d'infractions sexuelles justifient elles aussi le respect de l'anonymat en audience si la victime le demande195.

Mais compte tenu des droits de la défense le recours à la garde de l'anonymat connait un encadrement.

B - Un recours encadré

Le recours à cette mesure doit être encadré dans la mesure où sa mise en oeuvre est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense. En effet, toute personne mise en cause veut bien connaitre l'identité de la personne qui l'a mise entre les mains de la justice. Cela permet en réalité au mis en cause de préparer sa défense.

A cet effet, le recours à cette possibilité doit être commandé par la nécessité de protéger la sécurité de la victime. Ce sera le cas si l'audition de la victime met gravement en danger sa vie ou son intégrité physique, celle des membres de sa famille ou de ses proches. Sans cet impératif, le recours à cette possibilité serait impossible. Aussi, le recours à la garde de l'anonymat est encadré par la possibilité qui est donnée au mis en examen de s'opposer lorsqu' « au regard des circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise ou de la personnalité du témoin, la connaissance de l'identité de la personne est indispensable à l'exercice des droits de la défense »196.

Dans ce cas, certains législateurs ont prévu d'utiliser un dispositif d'audition à distance rendant la voix du « témoin » non identifiable. C'est un système de déformation de voix et de floutage d'images. Cette mesure vise encore plus ou moins à protéger la victime.

En outre, le recours à cette mesure est encadré dans la mesure où son octroi est subordonné à l'appréciation du juge des libertés et des peines, et par le contrôle exercé par la chambre d'instruction sur les décisions d'octroi.

195 Ibid., p.10

196 Article 706-60 du code de procédure pénale (France), op.cit., p.1265

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Par ailleurs, certains législateurs subordonnent le recours à l'anonymat à la commission d'une infraction susceptible d'être qualifiée crime ou délit et punie d'au moins trois ans d'emprisonnement. Nous pensons avec le Docteur TADROUS que cette condition est inutile et il convient de la supprimer puisque la protection nécessitée par l'anonymat complet va dépendre de la personnalité de la victime et celle du présumé auteur de l'infraction, de la sensibilité de la victime et des risques de représailles à son encontre. Or, le risque de représailles va dépendre de la rancoeur ou de la fragilité de la personnalité de l'auteur de l'infraction et non de la gravité de l'infraction197.

En substance, l'analyse de ce chapitre a permis de montrer que la protection de la victime est effectivement limitée au niveau de sa participation au procès pénal.

Sous un autre angle, sa protection se trouve également limitée dans les procédures alternatives aux poursuites.

197 TADROUS (S.), « La place de la victime dans le procès pénal », Thèse, Université Montpellier I, 2014, p.458

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CHAPITRE 2 : LA LIMITATION DANS LES PROCEDURES
ALTERNATIVES AUX POURSUITES

Les procédures alternatives aux poursuites sont des moyens permettant au parquet de ne pas engager l'action publique en fonction du comportement du délinquant198. Le procureur a recours à ces alternatives lorsque le suspect de l'infraction reconnait partiellement ou totalement les faits pour lesquelles il est poursuivi. Elles permettent au ministère public de maîtriser le contentieux en faisant en sorte que les multiples dénonciations et plaintes trouvent un traitement qui garantit et réconcilie les intérêts des différentes parties au procès. Ainsi, elles permettent au parquet de disposer d'une troisième option entre la poursuite, sa raison d'être, et le classement sans suite. On peut affirmer que ce type de mesures a été favorisé dans le but d'éviter d'augmenter le nombre de classements sans suite. La plupart des alternatives aux poursuites vont alors permettre de répondre aux attentes des victimes qui sollicitent une réponse pénale199. Ces mesures alternatives au règlement des conflits comportent une certaine accélération dans la résolution des conflits et constituent un soulagement pour la justice pénale. Mais elles concernent généralement la petite ou moyenne délinquance.

Par ailleurs, la subordination du recours aux alternatives au comportement du délinquant et à l'accord du procureur de la République laisse présager la protection limitée de la victime. Cela se confirme par le rôle passif que joue la victime dans les procédures accélérées prévues dans la législation ivoirienne (SECTION 1). La protection des intérêts de la victime est en outre limitée par le fait qu'il n'existe pas, actuellement, en procédure pénale ivoirienne des mesures alternatives qui mettent en avant la réparation du préjudice subi par la victime (SECTION 2).

198 BENILLOUCHE (M.), Leçons de Procédure pénale, Ellipeses, 3ème éd., 2017, p.96

199 TADROUS (S.), op.cit., p.261

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