Paragraphe 2 : L'admission souhaitée de la
possibilité de garder
l'anonymat
En plus des moyens de sécurité prévus et
de la visioconférence souhaitée, la victime nécessite
parfois encore plus de sécurité, spécialement lorsque de
par son identité ou son domicile, son intégrité physique
est menacée. Pour éviter cette menace et éviter la
réitération de l'infraction, certains législateurs
permettent à la victime de garder l'anonymat pendant la
procédure. De ce fait, le fait de garder
191 CEDH, 5 oct. 2006, Marcello Viola c/ Italie,
préc., § 74. In BOSSAN (J.), « La visioconférence dans
le procès pénal : un outil à maîtriser », in
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé,
2011/4 (N°4), pp. 801-816
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l'anonymat parait une mesure de sécurité (A).
Mais, en raison des droits de la défense dont le respect doit être
observé, le recours à cette mesure de sécurité doit
être encadré (B).
A - Une mesure de sécurité
Garder l'anonymat pendant la procédure consiste pour la
victime, constituée ou non partie civile, de ne pas
révéler l'adresse de son domicile192. Souvent il peut
s'agir également de garder l'anonymat complet, dans cette
hypothèse, la victime ne dévoile pas son identité. En
effet, lorsque la victime ne dévoile pas l'adresse de son domicile ou
garde l'anonymat complet, elle peut élire pour domicile celui de son
avocat ou un commissariat ou encore une brigade de gendarmerie193.
C'est à cette adresse que les avis et notifications seront faits.
Cette mesure est sécuritaire car elle permet
d'éviter que la vie de la victime ou son intégrité
physique, celle des membres de sa famille ou de ses proches soit, par son
audition ou sa participation au débat, gravement mise en danger. En
clair, cette mesure protège la victime contre les intimidations, les
menaces et les représailles de son agresseur. Ainsi, l'anonymat concerne
des préoccupations de survie.
Pour cet impératif, le procureur ou le juge
d'instruction peut saisir, par requête motivée, le juge des
libertés et de la détention (JLD) pour autoriser l'anonymat
souhaité par la victime. Ce magistrat, par décision
motivée, peut autoriser que les déclarations de la victime soient
recueillies sans que son identité ne soit apparente dans le dossier de
la procédure. Le procès-verbal de l'audition ne comporte pas la
signature de la victime. Cette protection permet d'éviter, ou du moins
de limiter, les effets de la « victimisation secondaire
»194. Ainsi le préjudice subi ne se verra pas
accroitre.
Par ailleurs, il importe de souligner que l'anonymat
protège la victime des médias surtout lors des audiences des
débats publics. En effet, il est important de
192 L'article 706-57 du code de procédure
pénale (France), Paris, Dalloz, 61ème éd.,2020,
p.1263
193 LEGEAIS (R.), « L'utilisation de
témoignages sous forme anonyme ou déguisée dans la
procédure des juridictions répressives », in
Revue internationale de droit comparé, 1998,
pp. 711-718
194 Prof. Robert ROTH Et. Al., « La
protection de la victime dans la procédure pénale », rapport
d'évaluation rédigé sur mandat de l'Office
fédéral de la justice, Centre d'Etude, de Technique de
d'Evaluation Législatives Faculté de droit, Université de
Genève, octobre 1997, p.8
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protéger la victime contre les divulgations de la
presse, surtout lors des procès à sensation.
En sus, Les situations impliquant des victimes mineures ainsi
que les cas d'infractions sexuelles justifient elles aussi le respect de
l'anonymat en audience si la victime le demande195.
Mais compte tenu des droits de la défense le recours
à la garde de l'anonymat connait un encadrement.
B - Un recours encadré
Le recours à cette mesure doit être
encadré dans la mesure où sa mise en oeuvre est susceptible de
porter atteinte aux droits de la défense. En effet, toute personne mise
en cause veut bien connaitre l'identité de la personne qui l'a mise
entre les mains de la justice. Cela permet en réalité au mis en
cause de préparer sa défense.
A cet effet, le recours à cette possibilité doit
être commandé par la nécessité de protéger la
sécurité de la victime. Ce sera le cas si l'audition de la
victime met gravement en danger sa vie ou son intégrité physique,
celle des membres de sa famille ou de ses proches. Sans cet impératif,
le recours à cette possibilité serait impossible. Aussi, le
recours à la garde de l'anonymat est encadré par la
possibilité qui est donnée au mis en examen de s'opposer lorsqu'
« au regard des circonstances dans lesquelles l'infraction a
été commise ou de la personnalité du témoin, la
connaissance de l'identité de la personne est indispensable à
l'exercice des droits de la défense »196.
Dans ce cas, certains législateurs ont prévu
d'utiliser un dispositif d'audition à distance rendant la voix du «
témoin » non identifiable. C'est un système de
déformation de voix et de floutage d'images. Cette mesure vise encore
plus ou moins à protéger la victime.
En outre, le recours à cette mesure est encadré
dans la mesure où son octroi est subordonné à
l'appréciation du juge des libertés et des peines, et par le
contrôle exercé par la chambre d'instruction sur les
décisions d'octroi.
195 Ibid., p.10
196 Article 706-60 du code de procédure pénale
(France), op.cit., p.1265
62
Par ailleurs, certains législateurs subordonnent le
recours à l'anonymat à la commission d'une infraction susceptible
d'être qualifiée crime ou délit et punie d'au moins trois
ans d'emprisonnement. Nous pensons avec le Docteur TADROUS que cette condition
est inutile et il convient de la supprimer puisque la protection
nécessitée par l'anonymat complet va dépendre de la
personnalité de la victime et celle du présumé auteur de
l'infraction, de la sensibilité de la victime et des risques de
représailles à son encontre. Or, le risque de représailles
va dépendre de la rancoeur ou de la fragilité de la
personnalité de l'auteur de l'infraction et non de la gravité de
l'infraction197.
En substance, l'analyse de ce chapitre a permis de montrer que
la protection de la victime est effectivement limitée au niveau de sa
participation au procès pénal.
Sous un autre angle, sa protection se trouve également
limitée dans les procédures alternatives aux poursuites.
197 TADROUS (S.), « La place de la victime dans
le procès pénal », Thèse,
Université Montpellier I, 2014, p.458
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CHAPITRE 2 : LA LIMITATION DANS LES
PROCEDURES ALTERNATIVES AUX POURSUITES
Les procédures alternatives aux poursuites sont des
moyens permettant au parquet de ne pas engager l'action publique en fonction du
comportement du délinquant198. Le procureur a recours
à ces alternatives lorsque le suspect de l'infraction reconnait
partiellement ou totalement les faits pour lesquelles il est poursuivi. Elles
permettent au ministère public de maîtriser le contentieux en
faisant en sorte que les multiples dénonciations et plaintes trouvent un
traitement qui garantit et réconcilie les intérêts des
différentes parties au procès. Ainsi, elles permettent au parquet
de disposer d'une troisième option entre la poursuite, sa raison
d'être, et le classement sans suite. On peut affirmer que ce type de
mesures a été favorisé dans le but d'éviter
d'augmenter le nombre de classements sans suite. La plupart des alternatives
aux poursuites vont alors permettre de répondre aux attentes des
victimes qui sollicitent une réponse pénale199. Ces
mesures alternatives au règlement des conflits comportent une certaine
accélération dans la résolution des conflits et
constituent un soulagement pour la justice pénale. Mais elles concernent
généralement la petite ou moyenne délinquance.
Par ailleurs, la subordination du recours aux alternatives au
comportement du délinquant et à l'accord du procureur de la
République laisse présager la protection limitée de la
victime. Cela se confirme par le rôle passif que joue la victime dans les
procédures accélérées prévues dans la
législation ivoirienne (SECTION 1). La protection des
intérêts de la victime est en outre limitée par le fait
qu'il n'existe pas, actuellement, en procédure pénale ivoirienne
des mesures alternatives qui mettent en avant la réparation du
préjudice subi par la victime (SECTION 2).
198 BENILLOUCHE (M.), Leçons de
Procédure pénale, Ellipeses, 3ème
éd., 2017, p.96
199 TADROUS (S.), op.cit., p.261
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