La protection de la victime devant les juridictions repressives ivoiriennepar Gneneindjomain Moussa OUATTARA Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO) - Master en droit privé 2023 |
Section 2 : La nécessité de renforcement de la sécurité de la victimeLe législateur ivoirien a pris des mesures pour assurer la sécurité de la victime. C'est le cas par exemple de l'art. 327 du CPP182 qui interdit et réprime la subordination du témoin. Cet art. peut donc s'appliquer à la victime non constituée partie civile. Le législateur a également prévu à travers l'art. 153 du CPP183 le mécanisme de surveillance du mis en cause en instituant la détention préventive184 et le contrôle judiciaire185. Ce mécanisme, sans doute, peut garantir la sécurité de la victime. 182 Art.327 du CP dispose que « Quiconque au cours d'une procédure judiciaire use de promesses, offres, ou présents, de pressions, menaces, voies de fait, manoeuvres ou artifices pour déterminer un témoin, un interprète, un traducteur ou un expert à faire une déposition, une traduction ou un rapport mensonger, est puni d'un emprisonnement d'un à trois ans et d'une amende de 300.000 à 3.000.000 FCFA ou de l'une de ces deux peines seulement si cette subornation ne produit pas son effet et dans le cas contraire, des peines sanctionnant les faux témoins, experts ou interprètes. Est puni également des mêmes peines celui qui exerce des représailles contre un témoin, un interprète, un traducteur ou un expert en raison de sa déposition, de sa traduction ou son rapport ». 183 Art. 153 du CPP dispose que « La liberté est de droit, le contrôle judiciaire et la détention préventive des mesures exceptionnelles. Lorsqu'elles sont ordonnées, les règles ci-après doivent être observées ». 184 Art. 360 du CPP dispose que « Si l'inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge d'instruction le convoque ou le fait comparaître devant lui par tous moyens pour l'entendre en ses explications. Le juge d'instruction décide soit du maintien du contrôle judiciaire soit d'un placement de l'inculpé en détention préventive quelle que soit la peine privative de liberté encourue ». 185 Art. 154 du CPP dispose que « Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d'instruction à toute étape de la procédure dans le cas où l'inculpé encourt une peine d'emprisonnement ». 57 Plusieurs moyens sont donc prévus pour assurer la protection de la victime. Mais malgré ces mesures, la victime n'est pas à l'abri d'une victimisation secondaire186. Elle peut être exposée à des intimidations, des extorsions, des menaces. En raison de ce risque, certaines législations ont trouvé nécessaire de mettre à la disposition de la victime de « nouveaux procédés » à savoir la visioconférence (Paragraphe 1) et la possibilité pour elle de garder l'anonymat pendant la procédure (Paragraphe 2). Nous souhaitons une inspiration de la part du législateur dans ce sens. Paragraphe 1 : L'admission souhaitée de la visioconférence« La visioconférence est la possibilité d'utiliser, lorsque les nécessités de l'enquête ou de l'instruction le justifient, des moyens de télécommunication sonores ou audiovisuels, garantissant la confidentialité, qui permettent de réaliser un acte de la procédure, audition, interrogatoire, confrontation ,prolongation de garde à vue , débats contradictoires préalables à une détention provisoire d'une personne déjà détenue, alors que les personnes se trouvent en différents points du territoire de la République. Le procédé est également utilisable devant une juridiction de jugement pour l'audition des témoins, parties civiles ou experts, et, avec l'accord de toutes les parties, pour la comparution d'un détenue »187. Cette définition permet de déduire que la visioconférence peut être un procédé de protection de l'intégrité physique et psychique de la victime. Mais son utilisation à cette fin sécuritaire (A) connait un encadrement (B). A- La dimension sécuritaire de la visioconférenceL'enjeu de la sécurité a dominé très largement l'implantation de la visioconférence dans certaines législations. Elle a en effet été l'un des moteurs lors de l'introduction de la visioconférence en Italie non pas seulement pour 186 Prof. Robert ROTH Et. Al., « La protection de la victime dans la procédure pénale », rapport d'évaluation rédigé sur mandat de l'Office fédéral de la justice, Centre d'Etude, de Technique de d'Evaluation Législatives Faculté de droit, Université de Genève, octobre 1997, p.18 187 GUINCHARD (S.), DEBARD (T.), op.cit., 2019, p.1107 58 auditionner la personne mise en cause mais également pour protéger les témoins188. La victime non constituée partie civile ayant le même régime juridique qu'un témoin trouve protection dans l'utilisation de ce procédé. La partie civile tire également une protection de ce moyen car, au même titre que la victime simple, elle mérite une protection renforcée. C'est le lieu de souligner que la personne poursuivie n'est plus la seule à en bénéficier mais aussi, l'expert, le témoin, l'interprète et enfin la partie qui nous intéresse le plus ; la partie civile189. Cet outil de communication garantit la sécurité de la victime. Mais, il n'est utilisé que si cela se justifie par la situation de la victime. En effet, certaines victimes sont traumatisées par la présence de leur agresseur. Ces derniers de par leur présence sont capables d'exercer certaines pressions sur elles. Pour éviter ou restreindre ce traumatisme et préserver la sérénité de la victime, la visioconférence peut être mise en oeuvre. Notons également que le déplacement de certaines victimes peut les exposer à l'agression des malfaiteurs. La visioconférence permettra à la victime de rester dans sa zone de sécurité pour défendre ses intérêts. Ce moyen permet également à une victime qui est dans l'impossibilité de se déplacer, en cas de maladie par exemple, de participer à la procédure en toute sécurité. Mais compte tenu de la virtualité de ce procédé et des droits de la défense ainsi que de la préservation de l'ordre public, la mise en oeuvre de la visioconférence connait un encadrement. B - L'encadrement de la mise en oeuvre de la visioconférence Le premier geste de justice est de délimiter un lieu, de circonscrire un espace propice à son accomplissement190. Mais force est de constater que la visioconférence affaiblit ce premier geste dans la mesure où elle contient des lieux séparés. Toutefois, le Professeur Jérôme BOSSAN explique bien que cette méthode est analysée comme neutre car elle « constituerait un moyen 188 BOSSAN (J.), « La visioconférence dans le procès pénal : un outil à maîtriser », in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2011/4 (N°4), pp. 801-816 [en ligne] https://www.cairn.info/revue-de-science-criminelle-et-de-droit-penal-compare-2011-4-page-801.htm?contenu=plan , consulté le 19 octobre 2023 à 04h05 189 TADROUS (S.), op.cit., p.189 190 A. Garapon, Bien juger. Essai sur le rituel judiciaire, 2001 in BOSSAN (J.), « La visioconférence dans le procès pénal : un outil à maîtriser », in Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2011/4 (N°4), pp. 801-816 59 d'administrer la justice sans incidence puisque, malgré la pluralité de lieux, ni l'oralité ni même l'unité de temps ne seraient touchées ». Malgré cette assurance, l'emploi de la visioconférence suppose la rencontre préalable des accords des différentes parties au procès. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l'homme a déjà validé ce mode de participation aux débats judiciaires comme conforme au principe du procès équitable mais sous la condition que le recours à la visioconférence poursuive un but légitime et que les modalités de déroulement s'y attachant respectent les droits de la défense des parties dans chaque cas d'espèce. L'emploi de ce procédé doit donc poursuivre la préservation de l'ordre public, son but ultime, et la protection des parties aux procès. Pour recourir efficacement à cet outil, il faut l'absence de difficultés techniques qui demeure une condition essentielle de bonne utilisation de la visioconférence dans le cadre du procès.191 En sus, il importe de souligner que la visioconférence présente des avantages économiques et assure une certaine célérité du procès en ce sens qu'elle permet de réduire les délais et les coûts, et évite les déplacements éventuels de la victime. De ce qui précède, la visioconférence permet de garantir la sécurité de la victime car elle la préserve contre d'éventuelles nouvelles attaques de la part de ses malfaiteurs. En outre, à l'instar de la vidéoconférence, la possibilité qui est donnée à la victime dans certaines législations de garder l'anonymat protège la victime contre une victimisation secondaire. |
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