Section 1 : L'intégration partielle de la
victime dans la procédure
Admettre l'intégration de la victime dans la
procédure pénale, c'est le fait de la faire rentrer dans cette
procédure comme partie intégrante. Cette intégration ne
sera effective ou totale que si elle a pleinement la capacité de mettre
en mouvement l'action publique lorsque celle-ci n'est pas déjà
mise en mouvement par le ministère public. Or, à ce niveau,
quelques difficultés s'imposent à la victime qui veut
déclencher les poursuites.
Aussi, cette intégration ne permettra pas la
participation efficace de la victime que si celle-ci, pendant la
procédure, a les mêmes armes que les autres parties au
procès. Malheureusement, cette égalité des armes est
ineffective. Il convient donc d'analyser les obstacles à la mise en
mouvement de l'action publique par la partie lésée (Paragraphe
1) et l'ineffectivité du principe de
l'égalité des armes (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les obstacles à la mise en
mouvement de l'action publique
par la victime
La mise en oeuvre de l'action publique par la victime se
heurte à certaines difficultés. Certaines d'entre elles rendent
impossible l'exercice de ce droit par la victime, elles sont d'ordre
procédural, et d'autres dépendent de la situation
financière de la victime. Il convient donc d'analyser les obstacles
d'ordre procédural (A) et d'ordre économique (B) à la mise
en mouvement de l'action publique par la victime.
A- Les obstacles d'ordre procédural
L'action de la victime se trouve irrecevable en raison de la
procédure qui est à observer. La personnalité de l'auteur
en cause et un choix déjà fait par la victime constituent souvent
des obstacles à la mise en oeuvre de l'action, condition pour être
intégré dans la procédure pénale.
En effet, il s'agit de la règle « electa una
via non datur recursus ad alteram », des immunités et de
certains cas spécifiques.
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Relativement à la règle « electa una
via non datur recursus ad alteram », consacrée par l'art. 10
du CPP, elle signifie que « une voie choisie, on ne peut revenir
à l'autre ». En effet, la victime après la commission
d'une infraction a le choix libre de la juridiction devant laquelle elle entend
mener son action en réparation156. De ce fait, elle peut
choisir soit la voie civile soit la voie pénale : c'est le droit
d'option dont bénéficie la victime.
Mais cette option n'est possible que si la voie pénale
est ouverte à l'action en même temps que la voie civile, le
dommage a pour fondement l'infraction et l'action publique est toujours en
vigueur au moment de l'exercice de l'action civile. Une fois la voie choisie,
ce choix devient irrévocable en vertu de l'art. 10 qui dispose que
« la partie civile qui a exercé son action devant la
juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction
répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci a été
saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait
été rendu par la juridiction civile ». De ce fait, la
victime qui a engagé son action devant les juridictions civiles ne peut
plus revenir devant les juridictions pénales sauf si le ministère
public a déclenché les poursuites et que la juridiction civile
n'a pas encore rendu un jugement. Dans ce cas, la juridiction civile sursoit
à statuer.157
Toutefois, si la juridiction civile saisie est
incompétente, la victime doit pouvoir porter son action devant le
tribunal répressif si elle le désire.
Cette règle semble protéger le prévenu.
Elle évite qu'il soit trainé d'une juridiction à une
autre. Elle évite également la perte des preuves et du fait
générateur. En outre, la règle « electa una
via... » n'étant pas d'ordre public car établie dans
l'intérêt de la personne poursuivie, seule cette personne peut se
prévaloir de la violation de cette règle et en plus doit la
soulever au seuil du procès, le tribunal ne pourrait soulever d'office
la violation de cette règle.158
Cette règle, sans doute, constitue un obstacle pour la
victime. La victime peut ignorer ou se tromper du caractère
infractionnel du fait, il faut lui permettre de saisir les juridictions
pénales pour bénéficier des avantages procéduraux.
Aussi, si elle change d'avis cela permet de saisir les juridictions
pénales de l'infraction, ainsi, la société est
informée du fait qui a troublé l'ordre public. Cela permet
d'éviter l'impunité.
156 Articles 8 et 9 du CPP
157 C'est la consécration du principe « le
pénal tient le civil en l'état ».
158 ALLA (E.), procédure pénale, ABC,
éd., 2017, p.189
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A titre indicatif, l'option en faveur de la voie
répressive offre de multiples avantages. Elle permet d'obtenir justice
avec une plus grande rapidité que devant le juge civil. Elle offre
également l'avantage de l'économie. Le choix de la voix
répressive procure d'autre part une facilité de preuve
incontestable. Il y'a également un avantage d'efficacité. Il faut
ajouter enfin que l'option en faveur de la voie répressive permet
d'éviter que l'action civile ne se heurte à l'autorité de
la chose jugée attachée à une décision
pénale sans que la victime ait pu défendre ses
intérêts159. Cependant, cette option n'est pas sans
conséquence. En effet, la partie civile, étant partie à
l'instance, ne peut être entendue comme témoin à
l'instruction ni aux débats160. Elle encourt également
des sanctions pécuniaires en cas de constitutions abusives de partie
civile161. Or, elle sera bien souvent le principal témoin
à charge ; son absence risque alors d'affaiblir l'accusation et de
conduire à un acquittement qui aurait peut-être été
évité, si elle avait été entendue.
A côté de cette règle obstacle, il y a les
immunités qui constituent également un obstacle au
déclenchement de l'action publique.
Les immunités sont définies comme « la
cause d'impunité, qui tend à la situation particulière de
l'auteur d'une infraction au moment où il commet celle-ci, s'oppose
définitivement à toute poursuite, alors que la situation
créant ce privilège a pris fin »162. Ces
immunités sont au nombre de trois : les immunités familiales, les
immunités politiques et les immunités diplomatiques.
En effet, les immunités politiques concernent le
Président de la République163, le médiateur de
la République, et les membres de l'Assemblée
Nationale164 pour les opinions émises pendant l'exercice de
leur fonction.
Les immunités diplomatiques constituent la garantie de
l'exercice de la fonction du diplomate165. Quant aux
immunités familiales166, celles-ci protègent les liens
de famille et interdisent la poursuite d'un membre pour un bien.
Reconnaitre des immunités c'est admettre des causes de
limitation à l'exercice de l'action publique empêchant à la
victime de la déclencher.
159 STEFANI (G.), LAVASSEUR (G.), BOULOC (B.),
Procédure pénale, Dalloz, 18ème
éd., 2001, p.266
160 Idem
161 V. infra P.51
162 YAO (E. Y.), l'arrêt de la cour suprême de
côte d'ivoire du 10 janvier 2002 et l'exercice de l'action civile
à l'occasion d'une infraction pénale : relecture de l'article 4
du CPP, op.cit./ p.213 in NIAMBE (K. R.), op.cit., p.163
163 Article 157 de la constitution du 08 novembre 2016
164 Article 91 de la constitution du 08 novembre 2016
165 Article 104 du CP
166 Article 103 du CP
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Par ailleurs, à titre indicatif, il est interdit
à la victime de se constituer partie civile devant la Haute cour de
justice167 et devant les juridictions militaires (le droit de mettre
en mouvement l'action publique n'est reconnu à la victime par aucune
disposition du code de procédure militaire, elle peut simplement
déposer une plainte ou faire une dénonciation). De plus, en
matière de délit de presse seul le procureur est habilité
à déclencher les poursuites.
Dans ces hypothèses le procureur de la
République retrouve pleinement et exclusivement son pouvoir
d'appréciation des suites à donner aux plaintes
déposées ou dénonciations faites au parquet. Il y'a donc
le risque que la victime se heurte à l'inertie du procureur. Il serait
judicieux d'écarter ce risque en permettant à la victime de
saisir le juge du jugement ou le juge d'instruction lorsque le procureur refuse
de poursuivre.
En plus de ces obstacles liés à la
procédure, la victime doit faire face aux obstacles liés à
ses ressources financières.
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