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Difficultés des élèves en dictée au premier cycle de l'inspection de l'enseignement secondaire général du grand Lomé ouest


par Tchilabalo TABATI
Université de Lomé ( INSE) - Master Recherche en politique et système éducatif dans les pays en développement  2022
  

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2.1.3. La dictée : un exercice controversé

La dictée est un bon outil d'évaluation mais elle demeure un exercice trop complexe et ne permet pas vraiment d'apprendre l'orthographe. Au cours d'une dictée, un élève doit en effet transformer un matériau phonique en un matériau graphique, c'est-à-dire faire correspondre des sons et des lettres. Il s'agit d'un exercice très spécifique qui n'aide pas un scripteur à maîtriser l'orthographe quand il est en situation de production (Jaffré, 2004, p.46). Certains chercheurs l'a traite de « lambeaux de phrases toujours sans intérêt », de « phrases baroques, ne présentant aucun sens » (Chervel, 2010). Cela dit, le côté rituel est également controversé. En effet, la dictée placerait les élèves en échec parce qu'elle nécessiterait la mobilisation de trop de compétences à la fois. Elle est parfois également considérée comme le symbole de l'oppression du maître sur l'élève, de la culture sur un certain état de nature (Jeanjean, 2019).

Autre objet de débat depuis plus d'un siècle : les barèmes de correction de la dictée. On note un privilège exorbitant de la dictée avec « le zéro éliminatoire » (Chervel, 1998, p.134). On reproche fréquemment à la dictée sa tarification aveugle : c'est le seul exercice « sanctionné par la négative ». On ne prend pas en compte ce qui est juste, on retire des points pour ce qui est faux (Bourgeois, 1891, p.152).

Par ailleurs, la dictée en situation d'apprentissage est complexe et ne permet pas d'enrichit le vocabulaire (Ters, 1973, p.140). Pour cela, Si la dictée ne permet pas d'enseigner le fonds utile, le socle commun de la langue, il faut pratiquer des exercices qui insistent sur le vocabulaire fréquent. Car c'est un exercice qui contient aussi les plus redoutables pièges que dix années n'arrivent pas à résorber (Sarraute, 1983, p.1080).

En outre, depuis longtemps, on a dénoncé le dogmatisme sans appel de l'orthographe, qui inhibe l'activité intellectuelle de l'élève : « Non seulement elle coûte un temps précieux à nos enfants, mais c'est un des plus sûrs moyens de les déshabituer de penser »(Bréal, 1976, p. 69). L'argument, de manière métonymique, est invoqué sans cesse à propos de la dictée :

par la complexité de ses difficultés, [la dictée] place l'élève en situation d'échec, puisque les moyens ne lui sont pas fournis pour résoudre les problèmes qu'il rencontre (hasards du texte qui ne correspondent pas à une progression d'apprentissage) ; d'autre part, l'élève doit transcrire une pensée et un style qui ne sont pas les siens et qu'il n'a pas eu le temps d'assimiler (Chaumont, 1980, p. 164).

L'absence d'initiative laissée à l'élève lors de la dictée constitue également l'une des difficultés majeures de cette évaluation.

l'enseignant s'impose par sa prononciation, la vitesse de lecture de ses phrases, la lecture et la spécificité de ce type de parole durant cet exercice [...]. Aux multiples obstacles de l'orthographe et de la grammaire, la dictée ajoute la contrainte pressante de l'enseignant. [La passivité de l'élève] est absolue. L'élève transcrit sans pouvoir créer quoi que ce soit (Traimond, 2001, p. 164 et 225).

Parlant des difficultés qu'éprouvent les élèves en français de façon générale et en dictée de manière spécifique, Viau, (1998) dans un article intitulé « Les perceptions de l'élève, sources de sa motivation dans les cours de français » démontre que :

comme leurs collègues d'autres disciplines, les enseignants de français sont de plus en plus confrontés à des élèves démotivés. En effet, il est devenu courant pour un enseignant de constater qu'un bon nombre de ses élèves ne montrent aucun engagement ni aucune persévérance à accomplir les activités pédagogiques qu'il leur propose. Ces élèves semblent constamment appliquer le principe « minimax » : le minimum d'effort pour le maximum de points. Si ces manifestations de la démotivation sont bien connues par les enseignants, les raisons ou les sources qui en sont à l'origine leur demeurent cependant inconnues (Viau, 1998, p.45).

Les résultats de ces études dégagent trois constantes. La première réside dans le fait que les élèves débutants ont généralement des perceptions plus favorables à l'égard des activités de français que leurs camarades du secondaire. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer cet écart entre ces perceptions. Il peut être dû, par exemple, au programme du ministère, aux méthodes d'enseignement ou aux modes d'évaluation. L'épreuve de dictée qui est un outil d'évaluation en français est également mal perçue non seulement par les apprenants mais également elle est redoutée par les adultes. Dans cette logique, Meirieu (2021), pense qu'il est normal que même les adultes se retrouvent dans une situation éminemment anxiogène lorsqu'il s'agit de se soumettre à l'exercice de la dictée. Car, non seulement parce que le maniement de la langue française est complexe, mais encore parce que l'écriture n'est jamais un acte innocent ni facile. Ainsi, pour beaucoup d'élèves, la dictée n'est pas seulement un exercice fabuleux, c'est simplement une souffrance. Pour l'écrivain aussi, dira-t-on, écrire est, bien souvent, une souffrance, mais une souffrance portée par des enjeux « extraordinaires », au sens le plus fort du terme. Pour l'élève, la souffrance de l'échec est tristement ordinaire : écrire n'est pas se libérer, c'est se soumettre. Il conclut qu'un apprentissage technique préalable devrait être effectué par les enfants.

former des lettres et des mots, comprendre comment ils s'agencent, apprendre du vocabulaire, maîtriser l'orthographe et la grammaire seraient des préalables techniques à acquérir impérativement avant d'entrer dans l'écrit. Sans cette préparation comment voulez-vous que l'enfant s'exprime par écrit s'il ne sait pas d'abord écrire et s'il ne maîtrise pas les règles de l'écriture ? La liberté que vous lui octroyez ainsi n'est qu'une liberté du vide ! (Meirieu, 2021, p.27).

La complexité de cette évaluation peut être liée aux différentes représentations que les apprenants se font de cet exercice. Car, la dictée ne devrait pas seulement être un instrument de mesure et donc d'évaluation mais aussi un outil permettant de faire acquérir aux apprenants l'orthographe française (Toczek et al, 2012).

Les multiples interférences linguistiques peuvent en outre expliquer cette difficulté de la dictée. Les langues locales agissent sur la production écrite des apprenants et des enseignants qui dictent. Car, on note un usage culturel de communication à l'école par l'appropriation du français dans les classes et hors de la classe surtout dans les milieux ruraux (Cisse, 2002).La situation de l'enseignement dans le milieu rural très critique en raison d'un ensemble de difficultés. Les méthodes d'enseignement de français langue seconde posent d'énormes difficultés aux apprenants. Car, les dispositifs d'enseignement/apprentissage du français ne prennent pas en compte les acquis linguistiques et culturels des apprenants. Or, Trop peu d'élèves qui parlent une langue africaine à la maison parviennent à maîtriser l'oral et l'écrit dans une langue qui, bien qu'officielle dans leur pays, leur demeure plus ou moins étrangère. Il semble donc nécessaire d'adapter les méthodes d'enseignement du français au contexte sociolinguistique environnant (Konan, 2012).

La dictée étant un outil d'évaluation des acquis à la fin du premier cycle, les difficultés qu'éprouvent les élèves en français s'ils ne cherchent pas à les surmonter par la lecture, ils traineront ces lacunes jusqu'à l'université. Les difficultés d'apprentissage liées à la maitrise du français en milieux universitaire de ce fait impacteront les résultats des étudiants (Awokou, 2011). De plus, que l'insuffisance du temps accordé aux élèves pour la lecture en classe, la mauvaise transmission des règles de grammaire, de conjugaison constituent des difficultés d'apprentissage de l'orthographe (Togo, 2018).

Cette analyse confirme l'idée selon laquelle, l'épreuve de dictée est, et demeure l'une des causes de l'échec des apprenants aux différents examens. Dans cette même optique, Lodonou (2015), dans l'élaboration de son travail sur la question des langues, a essayé d'analyser les impacts des dispositifs d'enseignement du français à l'école primaire et au premier cycle du secondaire sur les niveaux de compétences des élèves du CM2 et de la 3e. Son analyse quantitative a révélé, à travers les différentes données que les élèves du CM2 et de la 3e qui ont été testés que ceux-ci ont des difficultés en française. Il a ainsi démontré que cette difficulté ne dépend pas du type d'établissement public ou privé, mais des dispositifs de l'enseignement. Ses résultats ont confirmé les faiblesses des dispositifs d'enseignement de l'expression de la langue française dans les écoles et collèges du Togo.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille