2. La Pédagogie du Savoir
Ici l'on se basera sur une mémorisation du savoir par
l'apprenant ou plus encore par l'élève. L'enseignant ici
sollicite la mémoire de l'élève, qui lui demande de
respecter une assimilation du message reçu. Dans le triangle de
Houssaye, ce processus prend en compte l'élève et le savoir. La
question fondamentale est donc, quelle relation l'enfant entretient-il avec le
savoir ? selon une critique de Dewey, dans cette pédagogie, apprendre
consiste à « acquérir ce qui est dans les livres et dans la
tête des aînés. »22 En occurrence celle du
maître. Il est donc question dans cette section d'analyser l'attitude de
l'apprenant face au savoir.
a. L'enfant et élève
L'enfant, nous dit Dewey, ne vit pas hors de
l'expérience de la vie courante, c'est-à-dire, qu'il vit en
contact permanent avec ses semblables. Il précise l'unicité de
l'enfant qu'il faudrait considérer comme un tout, or l'école
traditionnelle vient la fractionner. « L'école, (...) divise et
fractionne le monde. La géographie en étudie, en abstrait, en
analyse une série de faits, à un point de vue spécial.
(...) l'arithmétique opère une autre division, la grammaire une
autre, et ainsi de suite. »23 Cette citation nous situe sur la
conception de l'enfant, comme un être vide venu au monde, sans
expérience, comme une page vierge qu'il faut remplir par des
leçons. L'enfant ici est mal connue, si oui sur les fausses idées
au point de s'égarer quelque fois. Il y a un oubli de l'enfance et une
conception haute de l'enfant puisqu'il est amené à
résoudre les problèmes de l'adulte en oubliant ce qu'il est
capable d'apprendre à son niveau. L'élève dans cette
éducation est moins valorisé que le maître et les
réponses aux besoins de l'enfant sont recherchés hors de lui, il
ne reçoit donc qu'une infirme partie de ce qu'est l'éducation.
Mémoriser, c'est tout ce qu'on demande à l'enfant ; « il
apprend sa leçon, (...) il emmagasine, il se grave, sans guère
comprendre, de quelques pages indigestes qu'il confie à sa
mémoire pour les réciter à la prochaine leçon.
»24 Il s'en suit donc que tout le processus d'apprentissage se
transforme en une opération mécanique. Mécanique parce que
mémoriser est une activité qui consiste juste à ordonner
des mots dans la mémoire sans que ceux-ci ne soient utilisés pour
une fin quelconque. En effet, la mémorisation mécanique se
justifie dans la conception qu'on a de
22 John Dewey, Expérience
et éducation. Paris : Armand Colin, Collection
Ué, 1968, p.60.
23 John Dewey, L'école et
l'enfant, ( trad. Louis-Samuel Pidoux), Suisse, Delachaux et
Niestlé, 1967, p.93.
24 Alexandre Renard, La
pédagogie et la philosophie de l'Ecole Nouvelled'après l'oeuvre
d'Adolphe Ferrière, Paris, Collection Science de l'Education Don
Bosco, 2008, p.42.
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l'enfant. L'enfant est vu comme celui-là qui peut
focaliser son attention sur des connaissances sans qu'elles ne soient
liées à son expérience ; sans que les enseignements ne
répondent aux besoins des élèves en particulier, et
à ceux de l'être humain en général.
Ainsi, s'il y a donc cet écart entre l'enfant et le
programme scolaire, entre l'enfant et le monde, c'est parce que cette
pédagogie divise l'enfant en le considérant comme étant
hors du monde et sans expérience. Plus tard cela peut poser un
problème de sélection sociale, plus loin encore un
problème d'autorité scolaire dans la mesure où cette
pédagogie envisage introduire l'enfant dans ce « monde
étrange » et ce dernier se devant de suivre, écouter le
maître dans le silence sans objection. Rousseau nous dit à cet
effet que : « la nature veut que les enfants soient enfants avant
d'être hommes. Si nous voulons pervertir cet ordre, nous produirons des
fruits précoces, qui n'auront ni maturité ni saveur, et ne
tarderont pas à se corrompre ; (...). L'enfance a des manières de
voir, de penser, de sentir, qui lui sont propre. »25 L'enfance
doit donc être vécue, car à travers elle, l'enfant se
développe et croit en même temps, il apprend aussi à
connaitre son milieu, ses limites et ses capacités. Donc imposer le
silence à l'enfant et lui demander de se tenir tranquille c'est nuire
à son épanouissement et à son unique moyen
d'éducation. Il importe donc de revoir et de repenser cette approche qui
semble enfermer l'enfant, le privant ainsi de jouir pleinement de son
enfance.
Cerner cette pédagogie, dans son contexte reste du
moins fondamentale en dépit des reproches dont elle est victime de nos
jours. Néanmoins, cette pédagogie reste à questionner du
fait qu'elle ne se préoccupe que d'enseigner des recettes permettant aux
élèves de passer avec succès les examens impériaux,
plutôt que de comprendre à travers son expérience. Le
savoir transmis est considéré comme une « science certaine,
absolue, épurée de toute erreur possible. Il n'y a qu'à
recevoir, retenir, assimiler. »26 L'enfant est ainsi
habitué à apprendre les leçons par coeur, il n'approfondit
pas les connaissances qu'il reçoit. En plus, il a même de la
difficulté à utiliser ces connaissances en dehors du contexte
scolaire ; « ... ils s'habituent à les traiter comme ayant une
réalité liée à des leçons à
réciter et des examens à passer. »27 Il y' a un
problème de continuité, c'est-à-dire que l'enfant ne
parvient pas à faire un lien entre ces savoirs et les problèmes
qu'il rencontre dans son quotidien. Par conséquent, l'apprenant n'a rien
à apporter ; car dans son contexte de déploiement, tout est fait,
tout est prévu, tout est préétabli, l'enfant n'a
qu'à s'ajuster à la planification scolaire, tout recevoir et
mémoriser, bourrer,
25 Jean-Jacques Rousseau, Emile
ou de l'éducation, Paris, Flammarion, 1993, p.108
26 Idem.
27 John Dewey,
Démocratie et éducation, (trad. Gérard
Deledalle), Paris, Armand Colin et Nouveau Horizons, 1990, p.99.
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étouffer son crâne. L'école constitue
dès lors une entorse à son enrichissement ; il n'apprend
qu'à penser qu'à travers ces leçons ; il s'habitue
à apprendre par coeur, par répétition. Les leçons
répondant ici aux inquiétudes et aux besoins des adultes.
Pourquoi sommes-nous arrivés à cela ? qu'est-ce qui motive ou
sous-tend cette orientation ?
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