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L'éducation progressive dans la pensée pédagogique de John Dewey: perspectives et enjeux professionnels africains.


par RONEL CHRISTIAN DONGMO KENFACK
Universite Catholique de l'Afrique Centrale - Licence en Philosophie 2019
  

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2. La Pédagogie du Savoir

Ici l'on se basera sur une mémorisation du savoir par l'apprenant ou plus encore par l'élève. L'enseignant ici sollicite la mémoire de l'élève, qui lui demande de respecter une assimilation du message reçu. Dans le triangle de Houssaye, ce processus prend en compte l'élève et le savoir. La question fondamentale est donc, quelle relation l'enfant entretient-il avec le savoir ? selon une critique de Dewey, dans cette pédagogie, apprendre consiste à « acquérir ce qui est dans les livres et dans la tête des aînés. »22 En occurrence celle du maître. Il est donc question dans cette section d'analyser l'attitude de l'apprenant face au savoir.

a. L'enfant et élève

L'enfant, nous dit Dewey, ne vit pas hors de l'expérience de la vie courante, c'est-à-dire, qu'il vit en contact permanent avec ses semblables. Il précise l'unicité de l'enfant qu'il faudrait considérer comme un tout, or l'école traditionnelle vient la fractionner. « L'école, (...) divise et fractionne le monde. La géographie en étudie, en abstrait, en analyse une série de faits, à un point de vue spécial. (...) l'arithmétique opère une autre division, la grammaire une autre, et ainsi de suite. »23 Cette citation nous situe sur la conception de l'enfant, comme un être vide venu au monde, sans expérience, comme une page vierge qu'il faut remplir par des leçons. L'enfant ici est mal connue, si oui sur les fausses idées au point de s'égarer quelque fois. Il y a un oubli de l'enfance et une conception haute de l'enfant puisqu'il est amené à résoudre les problèmes de l'adulte en oubliant ce qu'il est capable d'apprendre à son niveau. L'élève dans cette éducation est moins valorisé que le maître et les réponses aux besoins de l'enfant sont recherchés hors de lui, il ne reçoit donc qu'une infirme partie de ce qu'est l'éducation. Mémoriser, c'est tout ce qu'on demande à l'enfant ; « il apprend sa leçon, (...) il emmagasine, il se grave, sans guère comprendre, de quelques pages indigestes qu'il confie à sa mémoire pour les réciter à la prochaine leçon. »24 Il s'en suit donc que tout le processus d'apprentissage se transforme en une opération mécanique. Mécanique parce que mémoriser est une activité qui consiste juste à ordonner des mots dans la mémoire sans que ceux-ci ne soient utilisés pour une fin quelconque. En effet, la mémorisation mécanique se justifie dans la conception qu'on a de

22 John Dewey, Expérience et éducation. Paris : Armand Colin, Collection Ué, 1968, p.60.

23 John Dewey, L'école et l'enfant, ( trad. Louis-Samuel Pidoux), Suisse, Delachaux et Niestlé, 1967, p.93.

24 Alexandre Renard, La pédagogie et la philosophie de l'Ecole Nouvelled'après l'oeuvre d'Adolphe Ferrière, Paris, Collection Science de l'Education Don Bosco, 2008, p.42.

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l'enfant. L'enfant est vu comme celui-là qui peut focaliser son attention sur des connaissances sans qu'elles ne soient liées à son expérience ; sans que les enseignements ne répondent aux besoins des élèves en particulier, et à ceux de l'être humain en général.

Ainsi, s'il y a donc cet écart entre l'enfant et le programme scolaire, entre l'enfant et le monde, c'est parce que cette pédagogie divise l'enfant en le considérant comme étant hors du monde et sans expérience. Plus tard cela peut poser un problème de sélection sociale, plus loin encore un problème d'autorité scolaire dans la mesure où cette pédagogie envisage introduire l'enfant dans ce « monde étrange » et ce dernier se devant de suivre, écouter le maître dans le silence sans objection. Rousseau nous dit à cet effet que : « la nature veut que les enfants soient enfants avant d'être hommes. Si nous voulons pervertir cet ordre, nous produirons des fruits précoces, qui n'auront ni maturité ni saveur, et ne tarderont pas à se corrompre ; (...). L'enfance a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propre. »25 L'enfance doit donc être vécue, car à travers elle, l'enfant se développe et croit en même temps, il apprend aussi à connaitre son milieu, ses limites et ses capacités. Donc imposer le silence à l'enfant et lui demander de se tenir tranquille c'est nuire à son épanouissement et à son unique moyen d'éducation. Il importe donc de revoir et de repenser cette approche qui semble enfermer l'enfant, le privant ainsi de jouir pleinement de son enfance.

Cerner cette pédagogie, dans son contexte reste du moins fondamentale en dépit des reproches dont elle est victime de nos jours. Néanmoins, cette pédagogie reste à questionner du fait qu'elle ne se préoccupe que d'enseigner des recettes permettant aux élèves de passer avec succès les examens impériaux, plutôt que de comprendre à travers son expérience. Le savoir transmis est considéré comme une « science certaine, absolue, épurée de toute erreur possible. Il n'y a qu'à recevoir, retenir, assimiler. »26 L'enfant est ainsi habitué à apprendre les leçons par coeur, il n'approfondit pas les connaissances qu'il reçoit. En plus, il a même de la difficulté à utiliser ces connaissances en dehors du contexte scolaire ; « ... ils s'habituent à les traiter comme ayant une réalité liée à des leçons à réciter et des examens à passer. »27 Il y' a un problème de continuité, c'est-à-dire que l'enfant ne parvient pas à faire un lien entre ces savoirs et les problèmes qu'il rencontre dans son quotidien. Par conséquent, l'apprenant n'a rien à apporter ; car dans son contexte de déploiement, tout est fait, tout est prévu, tout est préétabli, l'enfant n'a qu'à s'ajuster à la planification scolaire, tout recevoir et mémoriser, bourrer,

25 Jean-Jacques Rousseau, Emile ou de l'éducation, Paris, Flammarion, 1993, p.108

26 Idem.

27 John Dewey, Démocratie et éducation, (trad. Gérard Deledalle), Paris, Armand Colin et Nouveau Horizons, 1990, p.99.

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étouffer son crâne. L'école constitue dès lors une entorse à son enrichissement ; il n'apprend qu'à penser qu'à travers ces leçons ; il s'habitue à apprendre par coeur, par répétition. Les leçons répondant ici aux inquiétudes et aux besoins des adultes. Pourquoi sommes-nous arrivés à cela ? qu'est-ce qui motive ou sous-tend cette orientation ?

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry