3. La Pédagogie de l'Autorité
Dans l'école traditionnelle, la méthode
d'instruction est largement autoritaire. Ici, nous n'essayerons pas de
dissocier l'autorité et la discipline car l'autorité a à
voir avec la discipline. Les méthodes parfois utilisées ici pour
cultiver la discipline se font par des tâches difficiles et parfois
désagréables. L'exercice de la contrainte est régulier et
fondamental pour le maître. Dès lors, l'usage de l'autorité
implique-t-elle a tout prix la contrainte ? Quel rapport peut-on établir
entre autorité du maître et liberté de l'enfant ?
Il est à noter que le caractère autoritaire dans
l'enseignant reflète l'atmosphère sociale de l'école, et
cela s'inscrit dès lors contre le principe de la socialisation car le
type de relation ne peut être que de relations de subordination. Le
maître se comporte comme un monarque, la soumission et
l'obéissance sont plus importants que la liberté de
l'élève. Rousseau, s'insurgeant en faux, nous dit : « le
premier de tous les biens n'est pas l'autorité, mais la liberté.
»28 Dès lors, peut-on réellement dire si l'enfant
dans ce type d'école autoritaire apprend par contrainte ou en toute
liberté ? Rien en effet ne peut nous le dire quand on sait que les lois
et les principes de conduite des élèves sont dictés par le
maître. Ainsi, la relation entre le maître et l'élève
se fonde sur la frayeur, parce que le premier exerce une autorité
absolue sur le second, qui n'est ni autorisé à lui poser des
questions ni libre d'apprendre sur le plaisir.29
En tout état de cause, le rapport entre
éducation et autorité s'avère nécessaire à
comprendre ; il y'a un intérêt à concilier les deux dans la
mesure où l'école devrait encourager un agir libre de
l'élève. Il y a souvent une confusion entre autorité et
pouvoir, telle fut le cas dans la pédagogie traditionnelle.
Décliner ici les différents types d'autorité ne nous
intéresse pas dans notre travail, ce qui nous intéresse, c'est le
lien qui peut exister entre les deux. Tandis que l'autorité trouve son
fondement dans le pouvoir, le pouvoir, lui est une capacité et
l'autorité vient comme une augmentation de cette capacité. C'est
pourquoi l'autorité doit porter sur un domaine spécifique, non
pas une soumission absolue et absurde mais une capacité.
L'autorité telle qu'exercé dans l'école traditionnelle
pose cependant, un problème de volonté et de plaisir
28 Ibid., p. 99.
29 Tarek Saker, Said Mezroua,
Revue des sciences de l'homme et de la société,
Septembre, 2013, n07, p.12.
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dans l'apprentissage. Selon la maxime fondamentale de
Rousseau, « L'homme vraiment libre ne veut que ce qu'il peut, et fait ce
qu'il lui plaît. »30 Il s'agit donc pour le maître
de l'appliquer à l'élève et toutes les règles de
l'éducation vont suivre.
L'originalité de ce modèle pédagogique
réside en effet, dans l'acception de vérités toutes faites
; en d'autres termes, elle « est une lente conquête, arrachée
à la banalité première. »31 L'enfant est
entrainé par des idées toutes faites et c'est plus tard qu'il
pourra avoir son point de vue, un style personnel, propre à lui. Le
modèle traditionnel d'enseignement devient inadapté lorsque ses
modèles ne suscitent pas d'intérêt, joie et enthousiasme de
la part des élèves et des maîtres. Ce n'est pas que les
méthodes sont aussi mauvaises qu'on le pense, mais le véritable
problème réside sur le contenu. Même si l'on change les
méthodes, cela ne résout nullement le problème du contenu,
car ça sera les mêmes réalités
présentées de manière différente. Inadaptation,
perte d'identité et de repère, absence de déterminisme et
de moyen pour parvenir au bout de ses exigences, scepticisme, crainte,
incapacité à trouver les oeuvres et sujets qui répondent
aux attentes, aux besoins des élèves et aux mutations culturels,
interculturel de notre environnement ; voilà ce qui caractérise
aujourd'hui l'éducation traditionnelle. Par conséquent, les
pouvoirs se méfient de l'éducation traditionnel et orientent les
maîtres vers la pédagogie nouvelle. Ces derniers à leur
tour se laissent persuader que l'enseignement traditionnel constitue un terrain
stérile et qu'il n'y a rien à chercher de ce
côté-là, en faisant des emprunts timides et contradictoire
à l'éducation nouvelle. Or, l'éducation traditionnelle
bien que passive et théorique n'est pas totalement dépourvue de
sens, Dewey, bien que pragmatiste n'annihilera pas cette approche, mais donnera
encore plus de signification à l'expérience, l'unicité de
l'enfant et la liberté dans l'apprentissage. Va-t-il rompre totalement
avec les méthodes traditionnelles ou s'inscrira dans une logique de
continuité ou de dépassement ? L'éducation progressive
qu'il nous propose peut-elle apporter les réponses auxquelles
l'éducation traditionnelle n'a pas pu répondre ? Nous pensons
être à même de répondre à ces interrogations
après avoir parcouru la pensée pédagogique de John
Dewey.
30 Jean-Jacques Rousseau, Op.
Cit., p.99.
31 Georges Snyders,
Pédagogie progressiste : éducation traditionnelle et
éducation nouvelle, Paris, P.U.F, 1975, 3e éd., p.18.
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