b) Le modèle comme référence
L'éducation traditionnelle, bien qu'ayant entre autres
un programme pré élaboré avec les manuels fixes, se donne
aussi pour but la valorisation des modèles dans l'espoir que les
élèves suivront leur voix et chercheront à s'élever
à leur niveau. Guéhenno nous dit : « mettons les jeunes gens
devant de grands individus, de grands artistes singuliers ; alors, nous
l'espérons, ils écouteront leur voix, ils reconnaîtront
leur tourment et peut-être, ainsi il leur prendra envie d'aller
eux-mêmes au fond d'eux-mêmes. »13 Cette assertion
nous introduit à une autre dimension de l'éducation
traditionnelle où le maître sera le centre de toute attention. Le
maître doit se livrer à une activité qui consiste à
présenter des modèles d'individus, des personnages de
littérature, voir, le maître lui-même à
l'élève.
Cependant, on se demande en quoi ces modèles
peuvent-ils vraiment susciter l'intérêt chez les enfants. Des
auteurs tels que De Alain pense que cela peut avoir un impact dans la
formation
11 John Dewey et Evelyn Dewey, Les Ecoles de
demain, (trad. R. Duthil), Paris, Ernest Flammarion, 1931, p. 15.
12 John Dewey, Expérience et
éducation, Paris, Armand Collin, Collection U2, 1968,
p.40
13 Guéhenno, cité par Georges
Snyders, Pédagogie progressiste : éducation traditionnelle et
éducation nouvelle, Paris, P.U.F, 1975, 3e éd.,
p.16.
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de l'apprenant. Il dit que l'apprenant est appelé
à écouter « le trésor des poètes, des
politiques, des moralistes, des penseurs. »14 D'autres,
à l'instar de Georges Snyders, soulignent que « le fondement de
l'éducation traditionnelle est l'ambition de conduire l'apprenant
jusqu'au contact avec les très grandes réalisations de
l'humanité. »15 Par ailleurs, ces contacts ne sont pas
encore définitifs, encore moins derniers. Ils sont « bien
plutôt premiers et fondamentaux. »16 Toutefois, si
présenter les grandes figures livresques, poètes, aux enfants est
fondamental dans ce modèle traditionnel, que signifie donc
éduquer ?
En effet, éduquer revient à choisir et à
proposer des modèles, tout en leur attribuant une perfection, un style
auquel la réalité habituelle ne peut atteindre, qui permettront
à l'élève de s'élever. Par contre, selon ces
pédagogues citer plus haut, cette position au modèle ne peut
être possible sans l'intervention du maître. Il est ici
présenté comme un facteur fondamental qui puisse relier
l'écart existant entre l'apprenant et ces oeuvres, car c'est à
lui que revient la tâche de simplifier le contenu et le rendre accessible
pour les enfants qui n'auront qu'à mémoriser. A cet effet,
Snyders affirme que « entre l'enfant et les oeuvres (...) la distance est
si grande qu'un médiateur se révèle indispensable.
»17 En outre, on se demande si cette éducation
pourrait-elle s'adapter au monde actuel ? Pourrait-elle atteindre ces buts
qu'elle vise ? Selon Durkheim, éduquer c'est confronter
l'élève aux grandes idées morales de son temps et de son
pays18, car, l'enfant devrait être en face avec les valeurs
essentielles, s'adapter au milieu social où il va évoluer.
En somme, la référence au modèle vise
aussi à mettre l'élève dans une situation qui
répond à ses besoins. En effet, « le fondement de
l'éducation traditionnelle est l'ambition de conduire
l'élève jusqu'au contact avec les très grandes
réalisations de l'humanité. »19 les maitres
proposes des modèles et se proposent eux-mêmes parfois comme
modèles, sans prendre le soin de savoir qui sont ceux parmi les
élèves, aptes à atteindre où suivre ce
modèle20. Alors, ce sont les plus doués, très
souvent minoritaire qui sont mieux formés pour reproduire les
performances des modèles et les autres, de simples spectateurs. Il y a
donc ici sélection entre les plus doués, c'est-à-dire,
ceux qui comprennent et ceux que le modèle
décourage.21 L'on s'interroge donc,
14 De Alain, Georges Snyders, Pédagogie
progressiste : éducation traditionnelle et éducation nouvelle,
Paris, P.U.F, 1975, 3e éd., p.16.
15 Ibid., p. 15.
16 Ibid., p.16.
17 Ibid., p.22
18 Emile Durkheim, Education et sociologie,
Paris, Quadrige/PUF, 1989, p. 58.
19 Georges Snyders, Op. cit., p. 17.
20 Olivier Reboul, Qu'est-ce qu'apprendre ?
Paris, P.U.F, 9ème éd., 2001, p. 156.
21 Idem.
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comment intégrer les autres élèves moins
doués ? La référence aux modèles est-elle mauvaise
en soi ?
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