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L'éducation progressive dans la pensée pédagogique de John Dewey: perspectives et enjeux professionnels africains.


par RONEL CHRISTIAN DONGMO KENFACK
Universite Catholique de l'Afrique Centrale - Licence en Philosophie 2019
  

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CHAPITRE I

SPECIFICITES DE L'ECOLE TRADITIONNELLE

D'entrer de jeux, soulignons que, par traditionnelle l'on ne se réfère pas à l'école antique ou inférieur, mais plutôt à une façon de percevoir la relation éducative, le savoir, l'autorité1, l'effort et la sanction. L'école traditionnelle, dès son origine a pour principale but la « transmission » des connaissances. Elle est faite par un enseignant qui transmet ses connaissances et valeurs suivant un système pré-élaboré.2 Selon Jean Houssaye, à travers son triangle pédagogique, cette école privilégie la relation entre l'enseignant et le savoir. Autrement dit, l'enseignant expose un savoir sous forme de cours magistral, généralement suivi d'exercices ou/et de leçons à apprendre. L'apprenant doit intégrer et appliquer le savoir exposé par l'enseignant. C'est donc une pédagogie du savoir, de l'autorité, du modèle et de la sanction. G.Snyders dira : « éduquer, c'est proposer des modèles, choisir des modèles en leur conférant une netteté, une perfection, bref un style auxquels la réalité habituelle ne peut atteindre. »3 L'apprenant est considéré ici comme être statique et imparfait qu'il faudra perfectionner. Dewey nous dira : « l'enfant est l'être à modifier et à mener vers la maturité. »4 La tâche qui incombe donc à l'école traditionnelle est de dompter la nature mauvaise, dans le but de la ramener sur le chemin de la perfection.

Comme il a été souligné plus haut, l'objectif de l'école traditionnelle est de transmettre les connaissances d'un cerveau plein (enseignant), à un cerveau vide (l'élève). Dans cette partie de la dissertation il sera, donc, question d'élaborer les spécificités de l'école traditionnelle. Quels sont ses processus ? L'apprenant, est-il au centre de l'apprentissage ? Quelles sont les valeurs qu'elle préconise ?

Pour une meilleure compréhension de ce chapitre, il sera partitionné en trois sections : premièrement on traitera de la pédagogie du savoir, deuxièmement la pédagogie de l'effort et troisièmement on abordera la pédagogie de l'autorité.

1. La pédagogie du savoir.

1 Gianna PALLANTE et P. Thierry ELOBO, L'autre éduqué, Yaoundé, Presse de l'UCAC, 2007, p.64

2 Franc MORANDI, Modèles et méthodes en pédagogie, Paris , Nathan, 1999, p.37

3 Georges Snyders, Pédagogie progressiste : éducation traditionnelle et éducation nouvelle, Paris, PUF, 1975, 3e éd., p. 16.

4 John Dewey, L'école et l'enfant, (trad. Louis-Samuel Pidoux), Paris, Delachaux et Niestlé Neuchâtel, 8e éd., 1967, p. 95.

4

Selon le triangle pédagogique de Jean Houssaye, l'apprenant doit correspondre au côté de l'enseignant, qui a une avance sur celui qui apprend. L'enseignant transmet ou fait apprendre le savoir. Il détient ainsi le savoir, l'enfant le reçoit dans un rapport de formation. Gabaude nous dit à cet effet que, « le rapport pédagogique s'établit sur la base d'une relation interpersonnelle à sens unique ; allant du professeur vers l'élève, à l'occasion de la transmission d'un objet (notion ou valeur). »5 John Dewey trouvera en cette méthode, une claustration et cela constitue pour lui une erreur dans la pratique de l'enseignement. Plus loin, Dewey dira que cette pédagogie a pour objectif de « perpétuer aux générations nouvelles le savoir »6. Le maitre transmet ce qui lui convient, il distribue son savoir dans une relation à sens unique ; c'est-à-dire, du maitre aux élèves. Le maître est ainsi considéré comme « un agent transmetteur »7, le maître est ici comme ce que Freinet appelle « une classe sanctuaire dans laquelle un clerc ânonne des savoirs pendant que les élèves tentent de recopier dans leur cahier. »8 Le maître est donc pris ici comme possesseur du savoir et l'enfant comme simple récepteur passif.9

En outre, cette pédagogie peut aussi être qualifiée de frontale dans la mesure où le savoir est versé à partir du haut vers le bas dans le cerveau de l'apprenant par le maître afin que ce dernier n'ait qu'à ouvrir son esprit pour apprendre et mémoriser. A ce niveau, l'apprenant n'est que simple observateur. C'est aussi dans une mesure, une pédagogie héritière de la pensée cartésienne, c'est-à-dire, visant à fractionner l'âme du corps tout en privilégiant l'esprit. Cette éducation vise le perfectionnement intellectuel de l'élève et Dewey nous dira à ce sujet : « posséder le monde entier par la connaissance et perdre son âme, c'est un sort aussi épouvantable en éducation qu'en religion »10 ; on voudrait qu'il soit intelligent et sage, on veut tout leur apprendre. Le problème que soulève ici la pédagogie du savoir est celui du non-respect de la liberté, le non-respect de l'histoire et des aspirations de l'enfant ; Ce qui nous amène à nous poser la question suivante : Quel rôle joue le maître dans le programme scolaire ?

a) Le maître et le programme scolaire

Les enseignants de l'école traditionnelle suivent à la lettre les grandes lignes préconisées dans le manuel d'étude. Ainsi, quand le sujet proposé par l'ouvrage est jugé réalisable par

5 Jean Marc Gabaude, La pédagogie contemporaine, Paris, Ed. Privat, 1972, p. 14.

6 John Dewey, Expérience et éducation, Paris, Armand Colin, Collection U2, 1968, p. 58.

7 Ibid., p.59.

8 Philippe Meirieu, Célestin Freinet, comment susciter le désir d'apprendre ? , Paris, Pemf, « l'éducation en question », 2001, p.7.

9 John Dewey, L'école et l'enfant, (trad. Louis-Samuel Pidoux), Suisse, Delachaux et Niestlé Neuchâtel, 8e éd., 1967, p. 95

10 Ibid., p.96.

5

l'enseignant, ce dernier l'effectue devant les élèves ; il manipule les objets à la place des élèves en les expliquant. On note ici une absence d'expérience, les apprenants ne sont que des observateurs face au spectacle. Et quand bien même l'apprenant est invité à expliquer une illustration, il doit l'expliquer tel que l'a fait le maître. Il n'y a donc pas la possibilité pour l'apprenant de sortir du programme préétabli dans le manuel. Dès lors, on peut dire que l'objet central de l'enseignant est sa matière, sa leçon, le programme et en aucun cas l'apprenant de sorte que le maître est médiateur entre l'élève et la vérité nous dit Estrade. L'apprenant est seul face au maître, avec pour seul tâche d'écouter la leçon, l'appliquer ensuite des exercices pour s'entraîner à progresser vers la vérité. Le savoir se voit donc être imposé à l'enfant en succession d'étapes conditionnées par la logique du programme scolaire qui s'avère abstrait, artificiel car négligeant l'unicité de l'enfant et sans rapport avec les besoins réels de l'enfant11. Chaque matière est bien distincte, et comme le précise Dewey, ce sont les « disciplines séparées qui n'ont d'autre fin qu'elles-mêmes. »12

Au regard de ces pratiques, l'on s'interroge : est-ce le dressage ou l'endoctrinement ? Peut-on affirmer qu'elles impliquent la neutralité de l'élève ? En d'autres termes, la confrontation avec le modèle que présente le maître ne constitue-t-il pas déjà un appel à l'action qu'à la passivité ?

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