WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B- L'évolution vers la consécration explicite du droit de grève.

La consécration du droit de grève au Cameroun n'est que très récente. Elle interviendra après une longue période d'inexistence du moins au plan textuel. Ainsi évoluera-t-on de la période relative à l'inexistence d'un droit de grève consacré (1) pour converger vers la récente consécration de ce droit au Cameroun. (2)

1- L'inexistence antérieure d'un droit de grève consacré.

Au lendemain de l'indépendance, la protection des libertés des citoyens ne semble pas être une priorité face aux exigences de maintien de l'ordre. En effet, au plan interne, les premiers

115 GONIDEC (F) cité par FALL (A.B), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» ; op.cit. P.09

116 Idem. p

117 Idem.

118 POUGOUE (G) cité par FALL (A.B), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» op.cit. pp.77-100.

119 FALL (A.B),) « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» ; op.cit. pp. 77-100.

26

dirigeants africains étaient confrontés au lendemain des indépendances à des risques relatifs à leur viabilité, mais aussi à leur stabilité et donc à leur durabilité.120 Il se posait la nécessité d'affermir l'autorité de l'État,121 l'unité, l'intégration nationale, ainsi que le développement économique122. Dans ce vaste chantier relatif à la construction de l'unité nationale, qui à cette époque ne constituait pas encore une réalité acquise mais un idéal recherché auquel les États africains aspiraient, le « chef de l'État » se présentait alors comme un artisan du destin collectif 123 ; c'est-à-dire à la fois « comme le maitre d'oeuvre et le catalyseur de l'action d'unification et du développement de la nation »124

C'est fort de cela que l'administration camerounaise nouvellement établie décidera de s'inscrire dans une logique de construction de l'unité nationale. Un tel contexte était alors difficilement favorable à l'expansion des libertés publiques. En effet, l'unité nationale s'est traduite au plan institutionnel par la mise en oeuvre d'une administration autoritaire, d'une puissance publique renforcée aux privilèges exorbitants. Ainsi, comme le relevait le doyen Ondoa, sous le règne de l'idéologie de construction nationale, « les structures d'autorité se renforcent, le pouvoir règlementaire de l'autorité centrale s'hypertrophie, les structures de dialogue disparaissent, les normes de liberté s'effritent, le principe d'égalité n'a de valeur qu'incantatoire, le contentieux s'épuise, la référence à la liberté devient formelle. »125 Force est donc de constater dans cette perspective que les libertés étaient alors perçues comme un luxe dont les États ne pouvaient se permettre.

L'exercice des libertés de nature contestataires, revendicatives à l'instar des manifestations publiques ou plus exactement des grèves, n'était alors à cette époque ni consacré par le constituant ni règlementé par le législateur. D'ailleurs celles-ci étaient considérées comme des éléments potentiellement subversifs, et lorsque le droit s'en saisissait, ce n'était pas pour les encadrer ; c'était surtout pour leur appliquer un régime sanctionnateur. Cela dit, les mouvements de grève évoluaient alors non pas en dehors du droit, mais sous un système hautement répressif.

120 Lire BEYEGUE BOULOUMEGUE (E.G) « la persistance de l'idéologie de construction de l'unité nationale en matière de police administrative. » in ONDOA (M) et ABANE ENGOLO (P) ; Les fondements du droit administratif camerounais. Yaoundé, l'Harmattan CERCAF, p.298

121 GUESSELE ISSEME (L) l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais ; op.cit. p.499.

122 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. pp.325-326.

123 KONTCHOU KOUOMEGNI (A) « le droit public camerounais, instrument de construction de l'unité nationale », RJPIC, n°4, oct.-déc., 1979, p.416

124 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p.330.

125 ONDOA (M), le droit de la responsabilité publique dans les États en développement. Cité par BEYEGUE BOULOUMEGUE (E.G) ; op.cit. p.302.

27

En tout état de cause, les mouvements contestataires ont pendant plusieurs décennies animé la crainte des pouvoirs publics qui voyaient alors en eux un facteur de trouble susceptible de compromettre la construction de l'unité nationale. À cet effet, aucun texte ne traitait expressément des questions relatives aux notions de grève ou de manifestation publique. Et lorsque c'était le cas, l'objectif visé était de réprimer de sanctionner voire d'éradiquer. Cette frilosité des pouvoirs publics aura plutôt favorisé pendant longtemps l'éclosion d'une légalité d'exception et la permanence de l'état de crise.126 Une évolution notable sera perceptible à partir des réformes consécutives à la loi constitutionnelle de 1996.

2- La consécration récente du droit de grève au Cameroun.

Les années 1990 marquent en Afrique en général et au Cameroun en particulier, un tournant décisif dans la protection des libertés publiques. Cette période de l'histoire du constitutionnalisme africain correspond au passage d'un « ordre juridique globalement liberticide à un ordre juridique résolu à se montrer protecteur des libertés. »127 C'est ainsi que l'on assistera à ce que le professeur Brusil Metou qualifie de révolution juridique128, avec l'adoption le 19 décembre 1990 d'un ensemble de textes législatifs régissant les libertés publiques. S'en est suivi dans cette mouvance de démocratisation au Cameroun, la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 qui permettra une avancée notable en matière de libertés publiques.

En effet cette nouvelle réforme constitutionnelle introduira dans l'ordre juridique camerounais selon le professeur Aba'a Oyono une « gamme variée des droits et libertés du citoyen (...) très enrichie par rapport à la dynamique constitutionnelle antérieure »129. Si dans les constitutions antérieures, le droit de grève ne faisait l'objet d'aucune consécration textuelle, le constituant du 18 janvier 1996 s'est illustré remarquablement en introduisant dans son préambule un droit de grève désormais garanti dans les conditions prévues par la loi. Même si le constituant ne définit pas ce qu'il faut entendre par droit de grève, il démontre clairement l'adhésion du Cameroun aux principes de l'État de droit.

En clair, la constitution du 18 janvier 1996 marque faut-il le rappeler, un tournant majeur dans la protection des libertés publiques au Cameroun. Si le droit de s'opposer, de contester voire de revendiquer figure désormais parmi les droits fondamentaux reconnus et consacrés dans le

126 GUESSELE ISSEME (L) l'apport de la cour suprême au droit administratif camerounais ; op.cit. p.499.

127 METOU (B-M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun »; op.cit., p.268

128 Idem

129 ABA'A OYONO (J-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif : de sa vertueuse origine française à sa graduelle transposition dans les Etats stables et instables de l'Afrique francophone »; op.cit., p.15.

28

préambule constitutionnel, Reste-t-il à se demander en reprenant les propos du professeur Joseph Owona, si les constitutions, et partant celle du Cameroun de 1996, « se prétendant loi suprêmes de leurs États respectifs, (...) peuvent se prévaloir d'être des chartes libertés publiques dont l'intangibilité est garantie par des techniques appropriées130». Une garantie effective du droit de grève nouvellement consacré passera alors nécessairement par la technique de constitutionnalisation du préambule.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci