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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

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SECTION I : LA PROCLAMATION CONSTITUTIONELLE DES LIBERTES

PUBLIQUES.

La proclamation constitutionnelle doit être entendue ici comme une reconnaissance publique et solennelle des libertés publiques par le constituant camerounais. Les techniques de garantie varient d'une constitution à l'autre dans les États africains. Si dans certains États à

95ABA'A OYONO (J-C) « les fondements constitutionnel du droit administratif (...) » op.cit. p.15

96 FAVOREU (L) et alii., Droit constitutionnel, 18ème éd., Dalloz, Coll. « Précis », Paris, 2016, p. 92.

97 OWONA (J) ; Droit constitutionnel et régimes politiques africains ; op.cit.226

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l'instar du Benin98 du Tchad99 ou du Gabon,100 le constituant a voulu consacrer tout un titre aux droits et libertés fondamentaux,101à l'opposé dans d'autres États tels que le Cameroun, l'on a plutôt opté pour la technique de la définition des droits et libertés fondamentaux dans le préambule. Pourtant, la problématique des déclarations des droits et libertés en revanche reste immuable dans tout le continent102. C'est suivant ce sillage que le Cameroun adoptera la consécration des libertés publiques par le truchement de la déclaration des libertés dans le préambule (paragraphe 1) et la confirmation de celles-ci par la constitutionnalisation du préambule (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : l'affirmation des libertés par le préambule.

Depuis l'accession du Cameroun à l'indépendance notamment avec la constitution du 04 mars 1960, il est une tradition constitutionnelle constante103 : celle de la référence aux grands textes internationaux dans le préambule. (A) Le constituant de 1996 n'a pas dérogé à la règle. Partant de cela, ce dernier va enrichir le texte constitutionnel en consacrant de nouvelles libertés publiques à l'instar du droit de grève qui fait l'objet de notre étude. (B)

A-La réception constitutionnelle des grands textes internationaux.

La définition voire la consécration de la garantie des droits fondamentaux dans les constitutions africaines s'est fortement inspirée des textes soit de droit international soit de droit étranger104. Le Cameroun ne sera pas en reste dans ce sillage. C'est donc fort de cela que le constituant camerounais de 1996 n'hésitera pas à proclamer son adhésion non seulement aux textes à caractère universels (1) mais également aux textes à portée régionale. (2)

98 Loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la république du Benin, qui consacre dans le titre II du texte constitutionnel, l'énoncé « des droits et devoirs de la personne humaine ».

99 Constitution tchadienne du 04 mai 2018 dont le titre II est intitulé « des libertés, des droits fondamentaux et des devoirs. »

100 Loi n°3/91 du 26 mars 1991 (modifiée) portant constitution de la république gabonaise consacre dans un titre préliminaire « des principes et droits fondamentaux»

101 KEUDJEU DE KEUDJE (J. R), « l'effectivité de la protection des droits fondamentaux en Afrique subsaharienne francophone »op.cit. 106.

102 OWONA (J), Droit constitutionnel et régimes politiques africains, op.cit. p.225

103 Idem.

104 Exemple des constitutions gabonaise et sénégalaise qui reprennent le constituant français notamment celui de 1958.

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1- L'adhésion aux conventions à caractère universel : la charte des nations unies et la déclaration des droits de l'homme.

L'internationalisation de la protection des droits de l'homme constitue l'un des plus grands enjeux du droit international contemporain.105 C'est ainsi que selon le professeur Joseph Owona, il est une référence rituelle aux grands textes internationaux dans les constitutions africaines106 ; de manière à porter le droit public des nations à un niveau de règles fondamentales communes. C'est donc dans cet esprit que la constitution camerounaise du 18 janvier 1996 dispose dans son préambule « le peuple camerounais (...) affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la déclaration universelle des droits de l'homme et la charte des nations unies. » comme pour souligner l'adhésion de l'État du Cameroun aux grandes conventions internationales relatives aux droits et libertés fondamentaux reconnues dans un État de droit.

En effet, la charte des nations unies constitue au sens du juge Keba Mbaye « l'instrument essentiel qui a posé les fondements du droit international dans le domaine des droits de l'homme »107.Au moment de sa rédaction, les États étaient fortement marqués encore par les souvenirs d'une longue période de guerre et de ses lourdes conséquences108. C'est ainsi que les différents acteurs de la scène internationale se sont engagés dans la consécration de la protection des droits de l'homme et se sont résolus d'oeuvrer afin d'atteindre cet objectif109.

C'est ce qui a justifié l'importance de la déclaration universelle des droits de l'homme notamment celle du 10 décembre 1948 qui comme son nom l'indique était à la base une simple déclaration solennelle de principes destinée à être complétée par d'autres textes110. Au fil du temps, elle a acquis une force morale incontestable et est quittée d'un simple acte formellement déclaratoire, à un acte obligatoire qui s'impose aux États à la fois au plan national qu'au niveau international.

105 Lire pour d'amples développements, DONFACK SOKENG (J), «le Cameroun et les conventions internationales.»

106 OWONA (J), Droit constitutionnel et régimes politiques africains op.cit.p.225

107 MBAYE (K), les droits de l'homme en AFRIQUE, Paris éd. A. Pedone, 1992, P.78

108 SUDRE (F), « la dimension internationale et européenne des libertés et droits fondamentaux », p.29, in CABRILLAC (R) et alii. (dir.) libertés et droits fondamentaux, 9e éd., Paris, Dalloz, 2003.

109 Idem.

110 Ce texte n'est à la base qu'une simple proclamation de droits sans véritable portée ni valeur juridique. Cela dit, comme le relève M. PENKOV celle-ci n'est ni un traité ni une convention. En conséquence, elle ne saurait être considérée comme « une source d'obligation juridique à l'image des accords internationaux » tout au moins poursuit-il, en tant que acte international, elle revêt « une portée aussi bien morale, idéologique, politique que juridique. » lire PENKOV SAVA, « nature juridique et portée de la déclaration universelle des droits de l'homme », publié en ligne par Cambridge University Press : 19 Avril 2010.

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C'est donc ainsi que le constituant de 1996 a consacré en faisant référence aux grands textes internationaux un large éventail de droits et libertés au Cameroun. Par ailleurs, la réforme constitutionnelle de 1996 comme sa devancière de 1972 marque également au plan régional un fort attachement à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

2- L'adhésion constitutionnelle à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

Encore appelée charte de Banjul,111 la charte africaine des droits de l'homme et des peuples a été adoptée en 1981 à Nairobi par la conférence des chefs d'États de l'ancienne organisation de l'unité africaine (O.U.A) qui aujourd'hui est devenue l'U.A, c'est-à-dire l'union africaine. Elle entrera effectivement en vigueur le 28 octobre 1986 c'est-à-dire 5 années après son adoption112.

En effet, la charte a été adoptée plus de vingt-ans après les indépendances de la plus part des pays africains dans un moment où le continent était le théâtre de graves violations des droits de l'homme. Seulement, écrira le professeur Alioune Badara Fall, peu de places furent consacrées aux droits de l'homme dans ladite charte.113 L'idée était celle de privilégier les États en « insistant sur la lutte contre le colonialisme et la politique à mener pour la libération des peuples africains »114 en d'autres termes il s'agissait davantage d'affermir la souveraineté nationale et de renforcer le principe de non-ingérence auxquels les gouvernants semblaient alors attachés. Toutefois convient-il de dire de manière générale que quelques dispositions dans la charte sont consacrées aux droits et libertés fondamentaux.

D'emblée, une lecture combinée des articles 2 et 6 de la charte des droits de l'homme et des peuples révèle que toute personne sans distinction aucune, dispose de droits et libertés consacrées dont l'exercice voire la jouissance ne doivent pas être remis en cause. La garantie des libertés publiques quant à elles de manière générale et des manifestations publiques plus spécifiquement, est perceptible au regard tout d'abord de l'article 8 de la charte qui dispose : « la liberté de conscience (...) la pratique libre de la religion sont garanties, (...) nul ne peut être l'objet de mesures de contraintes visant à restreindre la manifestation de ces libertés ».Également,

111 FALL (A.B), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» dans Pouvoirs2009/2 (n° 129), pp. 77-100

112Idem.

113 Période postcoloniale fortement marquée par des régimes autoritaires impulsés par l'idéologie de construction nationale cf. infra.

114 FALL (A.B), « La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : entre universalisme et régionalisme» op.cit. pp. 77-100.

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l'on peut lire par la suite dans l'article 11 du même texte : « toute personne peut se réunir librement avec d'autres(...) ».

Voilà de manière schématique présentées les libertés publiques et plus précisément la liberté de manifester dans la charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Ainsi formulée cette charte parait au sens de François Gonidec comme « un espoir pour l'homme et le peuple africain. »115. Cet espoir voué à la charte semble remis en cause du fait de l'indétermination du contenu même à donner au concept de « peuple » qui n'est pas véritablement définit dans la charte. L'ambiguïté de la notion de peuple qui tantôt renvoie à l'idée de « peuple État »116, tantôt à celle de peuple dominé entre autre117 ; justifie l'inquiétude du professeur Paul Gérard Pougoué quant à la portée d'un tel concept dans l'affirmation des droits de l'homme en Afrique.118 En tout état de cause la charte africaine des droits de l'homme et des peuples est un texte novateur au plan régional dans la protection des droits et libertés fondamentaux de l'homme et du peuple africain.119 C'est ainsi qu'elle sera réceptionnée dans les constitutions des États africains parmi lesquels le Cameroun, qui dans son préambule proclame son attachement à ladite charte africaine des droits de l'homme et des peuples. C'est partant de ces textes internationaux que l'on évoluera dans l'ordre juridique camerounais vers une consécration explicite du droit de grève.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus