II- METHODE DE L'ETUDE.
Le droit est animé par des méthodes
spécifiques qui le particularisent au sein de l'ensemble des
activités sociales.80 La méthode, étant
entendue comme « l'ensemble des
76 ROUDIER (K), « La liberté de
manifestation aujourd'hui en Italie. Quels problèmes, quelles
perspectives ? » DUFFY-MEUNER (A), PERROUD (T) ; (dir.) la liberté
de manifester et ses limites p.57.
77 GUIQUEL (J), Droit constitutionnel et institutions
politiques, Paris, éd. Montchrestien, 19e éd., 2003,
p.563 cité par MEERPOËL (M)., « conflictualité interne
et action publique de crise » dans champs de mars 200/1 (N° 20) pages
73-90.
78 Ibid.
79 RIVERO (J), « État de Droit et
état du Droit » in : mélange à l'honneur de BRAIBANT
GUY, cité par ATEBA EYONG (R) « L'évolution du fondement
idéologique du droit administratif camerounais » ; op.cit.
P.278.
80 BARRAUD (B), « la méthode juridique
», in la recherche juridique (les branches de la recherche juridique),
l'Harmattan, coll. Logiques juridiques, 2016, p.2.
17
opérations intellectuelles par lesquelles une
discipline cherche à atteindre des vérités qu'elle
poursuit, démontre, vérifie»81 ; S'avère
donc être un élément incontournable dans la recherche
scientifique. Vu de la sorte, traiter de la police de la grève en droit
administratif camerounais, nécessite une démarche
méthodologique rigoureuse ; d'autant plus que celle-ci «
conditionne le travail scientifique(...), éclaire les hypothèses
et détermine les conclusions.»82. C'est dans cet ordre
d'idée que nous mènerons notre étude à partir de la
méthode juridique, principalement (A) et des méthodes additives,
accessoirement (B).
A- Méthode juridique.
Il sera question pour nous ici de procéder d'une part
à une interprétation non seulement des textes juridiques, mais
également des décisions de justice. En effet, l'on ne peut
étudier le domaine des libertés publiques de manière
générale au Cameroun sans véritablement et
préalablement opérer un travail d'analyse du droit applicable.
Cela à travers notamment l'explication de l'esprit et de la lettre des
textes internationaux, constitutionnels et infra constitutionnels. C'est en
cela que consiste la méthode exégétique83.
D'autre part, nous aurons recours au commentaire, à
l'interprétation des décisions de justice, étant
donné que la jurisprudence constitue également une source
formelle du droit. C'est ce qu'on appelle la casuistique ou plus
prosaïquement l'étude des cas. Seulement, une approche uniquement
analytique basée sur l'exégèse des textes juridiques et de
la jurisprudence ne suffirait pas à prétendre de manière
satisfaisante à une étude de la question de la police de la
grève en droit camerounais. Pour reprendre le professeur J.D.N.
Atemengue, « ce phénomène ne peut avoir
d'explication purement juridique. »84 Au vu de cela, une
démarche syncrétique85 s'impose pour davantage cerner
la police de la grève telle qu'elle se présente dans l'ordre
juridique camerounais.
B) méthodes additives.
L'une des critiques pouvant être formulée au
sujet de la méthode juridique positiviste est relative à sa
nature « trop descriptive et statique, non dynamique et souvent
coupée de la réalité sociale ».86 C'est la
raison pour laquelle il conviendra de rajouter à la méthode
juridique
81 GRAWITZ (M), méthodes des sciences sociales,
11e éd., Dalloz, Paris, 2001, p.351.
82 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique
noire, op.cit. P.47
83 Il s'agit de la méthode propre aux
positivistes normativistes pour qui il n'est de droit en dehors du droit
positif.
84 ATEMENNGUE (JDN) ; la police administrative au
Cameroun, recherches sur le maintien de l'ordre public. Thèse pour le
doctorat en droit, Lyon juillet 1995, p.35.
85 Idem.
86 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique
noire, op.cit., P.52
18
d'autres méthodes dites complémentaires. Les
méthodes additives, faut-il le préciser, constituent ici un
supplément qui de manière accessoire permettront de
dépasser une lecture mécanique du droit87 afin de
mieux enrichir notre raisonnement. Les méthodes additives
utilisées dans le cadre de ce travail seraient d'une part la
méthode historique et d'autre part la méthode comparative.
La méthode historique se justifie ici par le fait que
les éléments du passé permettent d'avoir une meilleure
connaissance de la réalité actuelle. En effet, la grève
n'est pas un phénomène nouveau au Cameroun, ses origines
remontent bien avant les indépendances88. C'est donc à
relever que le champ d'observation est véritablement large. Mais dans un
souci d'ordre méthodologique, nous limiterons nos recherches à
partir de la période des années 199089 jusqu' à
l'année 2019. Car en fin de compte ne dit-on pas « qui trop
embrasse mal étreint. »90 En somme, le bienfondé de la
méthode historique dans cette étude réside en ce qu'il
nous permettra de « comprendre le Cameroun d'aujourd'hui à partir
du Cameroun d'hier. »91
La méthode comparative quant à elle pourra
également s'avérer d'une grande utilité. Bien que le cadre
de la recherche se limite au niveau du territoire camerounais, cette
méthode aura le mérite de mieux jauger, voire apprécier
l'état des libertés publiques au Cameroun à l'aune des
expériences étrangères.
C'est donc en suivant ces différentes démarches
méthodologiques que nous pourrons démontrer notre
hypothèse. En effet la police administrative de la grève au
Cameroun remet véritablement en cause les libertés publiques.
Cela se justifie au regard de la règlementation restrictive des
libertés publiques (première partie) d'une part
et de l'inflation des pouvoirs discrétionnaires des autorités de
police administratives d'autre part. (deuxième
partie).
87 Idem
88 Les premières manifestations contestataires
dans les rues remontent en 1922. Elles étaient consécutives
à la vague de protestations contre l'expulsion de LOTIN SAME de la
« United native Church » lire à ce propos MANGA (J-M) et
MBASSI (A.R), « de la fin des manifestations à la faim de
manifester : revendications publiques, rémanence autoritaire et
procès de la démocratie au Cameroun » in politique africaine
2017/2, (n°146), p.73 à 97.
89Période dite du renouveau constitutionnel
en Afrique noire francophone. Cf. CHAPITRE I de la première partie.
90 KAMTO (M), Pouvoir et droit en Afrique
noire ; op.cit., p.47.
91 NGONGO (L-P), histoire des institutions
et des faits sociaux du Cameroun, Paris, Berger-Levrault, tome 1,
1987, p.1.
19
PREMIERE PARTIE : LA REGLEMENTATION RESTRICTIVE DES
LIBERTES
PUBLIQUES.
20
De manière générale, il faut entendre par
réglementation l'ensemble de lois, de prescriptions ou de règles
juridiques régissant une activité sociale. Vu de la sorte La
réglementation ainsi définie pourrait consister ici à
édicter certaines conditions à l'exercice de certaines
libertés publiques.92. C'est dans cet ordre de pensée
que Georges Burdeau soulignera que la règlementation
est une activité visant « à définir des cadres
à l'intérieurs desquels l'homme utilise (ou exerce) sa
liberté »93.
La réglementation de l'exercice des libertés
publiques de manière générale au Cameroun, doit-on le
rappeler est au coeur des débats, en cette période de tension
sociale qui prévaut sur le territoire. En ce sens, l'idée la
mieux partagée par les pouvoirs publics est que les libertés
publiques et plus encore les manifestations publiques, notamment celles
exercées dans le cadre de la grève représentent un «
risque »94. Il est donc davantage question de les contenir que
de les encadrer. Un tel postulat se justifie à l'image d'une
réglementation restrictive, qui part d'une constitutionnalisation
lacunaire des libertés publiques, (chapitre I) et se concrétise
à travers les vicissitudes dans l'aménagement de l'exercice
desdites libertés (chapitre II).
92KERKATLY (Y); Le juge administratif et les
libertés publiques en droits libanais et français. Thèse
pour obtenir le grade de docteur de l'université de Grenoble. 5 novembre
2013. P.239
93 BURDEAU (G); op.cit. p.32
94 LE BOT (O), « la liberté de
manifester en France : un droit fondamental sur la sellette ? » in
DUFFY-MEUNER (A), PERROUD (T) (dir.) la liberté de manifester et ses
limites p.35
CHAPITRE I : LA CONSTITUTIONNALISATION LACUNAIRE DES
LIBERTES PUBLIQUES.
21
Le renouveau du constitutionnalisme amorcé dans les
années 1990 en Afrique subsaharienne francophone a été
à l'origine d'un retour en force dans la garantie des droits
fondamentaux. C'est dans cette mouvance que sera adoptée le 18 janvier
1996 la loi n°96/06 portant révision de la constitution du 02 juin
1972 au Cameroun. Ainsi, assistera-t-on à travers la nouvelle
constitution, à une dynamique en faveur du renforcement de la protection
des libertés publiques95. Le nouveau constitutionnalisme se
présentait alors au sens de Louis Favoreu,
c'est-à-dire comme un impératif politique de fixer les
règles « les plus importantes par écrit, de
déterminer les obligations et les droits des gouvernants et des
citoyens, donc de proclamer les droits de l'homme et du
citoyen»96. Seulement, cette entreprise ne s'est pas faite sans
quelques vicissitudes qui ont contribué à fragiliser l'expansion
des libertés publiques et par la même occasion du
constitutionnalisme africain. Les constitutions elles-mêmes, souligne le
professeur Joseph Owona, se prêtant à leur
dévalorisation constante.97 Si d'emblée le constituant
camerounais consacre les libertés publiques d'une part, (section I)
paradoxalement, il insère dans le même texte constitutionnel, des
dispositions ou des clauses attentatoires aux mêmes libertés
publiques d'autre part. (Section II).
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