A- la précarisation de l'autorité
administrative indépendante. (La CNDHL)
La dynamique de renforcement de la protection des
administrés contre toutes formes d'excès d'autoritarisme ou
d'arbitraire des pouvoirs publics465 nécessitait la mise en
oeuvre des mécanismes nouveaux visant à assurer avec plus
d'efficacité la garantie des droits et libertés des citoyens.
En effet comme le soulignait Jean
Chevallier466, la mise en évidence des limites et
insuffisances des voies juridictionnelles et bien entendu des autres
mécanismes classiques, imposait de recourir à des dispositifs de
protection plus souples et mieux adaptés. Évitant ainsi le
formalisme, les lourdeurs et la lenteur des procédures conventionnelles.
Les autorités administratives indépendantes apparaissaient alors
comme l'instrument nécessaire pour une meilleure garantie des
libertés.
463 CHAGNILLAUD (D), Droit constitutionnel contemporain
tome2 4e éd. Armand Colin. P.320.
464 Assemblée nationale française, 13 octobre
1981.
465 KHADIM (T) ; Le contrôle de l'exécutif dans la
création de l'État de droit en Afrique francophone op.cit.
p.258.
466 CHEVALLIER (J), « autorités administrative et
État de droit » p.146.
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C'est donc dans cette perspective que les États
africains depuis les années 1990 se sont tour à tour inscrit dans
la logique de démocratisation des régimes à travers
notamment l'institutionnalisation des organismes indépendants
principalement orientés vers la garantie des principes
fondamentaux467de la démocratie, avec en toile de fond le
renforcement des libertés publiques. Il s'en suivait alors la
création et même l'institutionnalisation d'organismes publics dont
la dénomination variait selon les États ; il s'agissait
tantôt des commissions des droits de l'homme tantôt des
institutions de médiation publiques.
Relativement à cet ancrage institutionnel des
autorités administratives indépendantes certains, pays africains
sont allés jusqu'à la consécration constitutionnelle
d'organismes publics indépendants situés en dehors de
l'administration étatique, et chargés d'en assurer le
contrôle. Tel était le cas notamment de la République
centre africaine qui dans sa constitution consacrait tout un titre portant sur
la commission de médiation pacifique et permanente468.
Le Cameroun n'était pas en reste face à cette
nouvelle donne. C'est à cet effet que l'on eut à faire en 1990
à la création du comité des droits de l'homme à la
suite d'un décret469 signé par le président de
la république. En effet la comité avait pour but d'assurer la
promotion et la protection des droits de l'homme. Pourtant, quatorze ans plus
tard, celui sera dissout puis remplacé par l'actuelle commission
nationale des droits de l'homme et des libertés (en abrégé
C.N.D.H.L.) à la faveur de la loi n°2004/016 du 22 juillet 2004. Il
était en effet reproché à l'ex comité son
incapacité à assurer une réelle protection des droits et
libertés des citoyens.470
La commission nouvellement créée
présentera visiblement un certain nombre de garanties qui laisseront
alors présager les attributs d'une institution véritablement
indépendante à l'abri de toutes formes de pressions des pouvoirs
extérieurs. En première analyse, si le texte portant
création de l'ex comité était un acte
réglementaire, l'actuelle commission désormais trouve son assise
juridique dans la loi de 2004 : signe d'une avancée marquante vers
l'institutionnalisation de cet organisme qui jusque-là semblait encore
incertaine. Également observe-t-on une évolution dans le
procédé de désignation et de nominations471 des
membres de la commission qui désormais associe plusieurs
autorités472. L'un des apports les plus marquants de la
nouvelle législation constitue la budgétisation et
467 Idem.
468 Titre XI de la constitution de la R.C.A.
469 Décret n°90/154 du 8 novembre 1990
470 ZBIEGNIEW DIME LI NLEP (P) ; la garantie des droits
fondamentaux au Cameroun. Op.cit.
471 Compétence qui était alors l'apanage du
président de la république. Lire ZBIEGNIEW DIME LI NLEP (P) ; la
garantie des droits fondamentaux au Cameroun. Op.cit.
472 Article 6 alinéa 2 de la loi de 2004/016 op.cit.
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l'élargissement des sources de financement de la
commission473 qui à l'opposé de l'ex comité ne
dépend plus des dotations étatiques.
Toutefois, s'il est des avancées depuis la mise en
oeuvre de la nouvelle commission, toujours est-il que cette dernière
reste encore limitée de manière significative dans sa mission de
promotion et de protection des droits de l'homme et des libertés telle
que le prévoit l'article 2 de la loi n° 2004/016. De
sérieuses questions restent encore posées relativement à
l'efficacité de la commission tant dans ses missions de promotion que
dans celle de protection des droits et libertés fondamentaux notamment
face à l'arbitraire des pouvoirs publics.
Relativement à la question de la promotion des droits
et libertés fondamentaux, la réalité est que les moyens
matériels dont dispose la commission sont encore considérablement
insignifiants. Force est de constater que l'efficacité dans la
réalisation de ses missions se retrouve ainsi véritablement
remise en cause. Cela s'illustre concrètement par la relative
discrétion voire la timidité qui caractérise la commission
depuis sa création. Autrement dit, les activités et même
l'existence de la commission ne sont pas ou du moins restent et demeurent
très peu connus du grand public. En effet on observe en pratique non
seulement un faible déploiement de cette institution à
l'échelon local c'est-à-dire auprès des populations, mais
également des insuffisances dans la vulgarisation et la diffusion de ses
travaux.
Par ailleurs, au sujet de la protection des droits et
libertés fondamentaux, ce que l'on retient c'est que si dans ses
attributions, la commission peut recevoir toutes dénonciations sur les
cas de violations des droits de l'homme et des libertés,474
ou peut selon les cas procéder à des convocations pour auditions
des parties ou des témoins475 ; la vérité est
qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir de contrainte.
En fin de compte, Si à l'origine dans leur fondement,
l'instauration des autorités administratives indépendantes
visaient à limiter l'exercice du pouvoir et de garantir les
libertés face aux dérives de l'exécutif476 ;
force est de constater que dans l'ordre juridique camerounais, malgré
des améliorations observés dans la construction d'une institution
autonome dotée de moyens propres nécessaires à une
protection plus souple et mieux adaptée des libertés depuis la
création de la commission nationale des droits de l'homme et des
libertés ; toujours est-il que la mission de promotion et de protection
des droits et libertés qui
473 Article 20 de la loi précitée.
474Article 2 de la loi précitée
475 Idem article 3 cette attribution s'accompagne d'une sanction
en cas de refus de déférer auxdites convocations.
476 CHEVALLIER (J), « autorités administrative et
État de droit » ; op.cit. p.145.
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lui incombe reste encore fortement limité. Cela dit, la
commission ne dispose pas suffisamment de ressources tant juridiques que
matérielles pour assumer la posture de garant non juridictionnel des
libertés. Tel semble être le cas également des associations
de la société civile dont la situation marginale ne laisse
guère entrevoir des lendemains meilleurs pour les libertés au
Cameroun.
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