B- La modicité des mécanismes de
contrôle parlementaire de l'administration étatique.
La majorité incarnée par le parti au pouvoir
depuis plusieurs décennies est devenue l'instrument à travers
lequel le président de la république, chef de l'État
assoit son hégémonie au sein des institutions de
l'État453. Le parlement illustre parfaitement ce rapport
déséquilibré existant entre majorité et
opposition454 dans la vie politique et même institutionnelle
au Cameroun. Cela dit, la majorité impose des règles du jeu
politique qui lui sont particulièrement
449 Article 8 alinéa 12 texte constitutionnel camerounais
de 1996 op.cit
450 KAMTO (M) ; Pouvoir et droit en Afrique noire
; op.cit. p.445
451 Idem. P.444
452 Lire ATEMENGUE (JDN) ; « le pouvoir de police
administrative du président de la république au Cameroun » ;
op.cit. pp. 81-107.
453 TCHACFACK (D) ; « rassemblement démocratique
du peuple camerounais (RDPC) radioscopie et trajectoire d'un parti
présidentiel » DGRIS, 21 octobre 2016 NOTE n°25 ; P.22
454 DONFACK SOKENG (L) ; « l'institutionnalisation de
l'opposition : Une réalité objective en quête de
consistance» ; pp.44-95.
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favorables et censure les initiatives de l'opposition visant
à contrecarrer ses desseins hégémoniques.455
Pourtant, il est évident qu'il existe une multitude de
mécanismes juridiques permettant aux parlementaires de contrôler
l'action du gouvernement. Mais il va sans dire que ceux-ci sont difficilement
sinon insuffisamment mis en oeuvre au sein des assemblées
parlementaires.
En effet le constituant camerounais reconnait aux
parlementaires la possibilité de saisir le conseil constitutionnel. Pour
cela ils doivent se constituer en au moins « un tiers des
députés ou un tiers des sénateurs » pour voire leur
requête recevable devant le juge constitutionnel.456 Or on le
voit très bien la configuration des chambres ne permet pas à
l'opposition parlementaire de prétendre au quota requis pour
accéder au prétoire du juge constitutionnel. Sous d'autres cieux
par contre, notamment dans l'ordre juridique béninois, le constituant
prévoit que « tout membre de l'assemblée
nationale457 » peut saisir la cour constitutionnelle sur la
constitutionnalité d'une loi avant sa promulgation.458
Également, les parlementaires peuvent recourir à
des moyens traditionnels en matière d'information et d'investigation sur
l'action gouvernementale459. Il s'agit notamment des questions
écrites et orales, ou les commissions d'enquêtes460.
Pourvu que ces informations ne concernent pas des impératifs tels que la
défense, la sécurité de l'État ou le secret de
l'information judiciaire.
En ce qui concerne les mécanismes de contrôle
consistant en la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale, la
constitution camerounaise prévoit et organise les procédures
relatives à la question de confiance461 ou à la motion
de censure462. Si la mise en jeu de la responsabilité,
à l'initiative du gouvernement ou de l'assemblée nationale est un
procédé classique du régime parlementaire, le
phénomène majoritaire a rendu généralement
455 Idem. P. 74
456 Article 47 de la constitution camerounaise de 1996 op.cit.
457 Le parlement béninois est monocaméral.
458 Article 121 de la constitution béninoise op.cit.
459 Il s'agit là d'un contrôle n'ayant pas pour
finalité la mise en jeu de la responsabilité gouvernementale.
460Articles 35 alinéa 1 de la constitution camerounaise.
461 Procédure permettant au premier ministre d'engager
la responsabilité du gouvernement sur son programme ou une
déclaration de politique générale. La confiance est
refusée à la majorité absolue des membres de
l'assemblée nationale. Le cas échéant le premier ministre
la lettre de démission du gouvernement au président de la
république. Article 34 alinéa 2 de la constitution
camerounaise
462 Procédure mise en oeuvre à l'initiative des
députés, à raison d'au moins un tiers des membres de
l'assemblée ; à l'issu de laquelle si la motion de censure est
adoptée à la majorité des deux tiers des
députés ; le gouvernement devra démissionner. Article 34
alinéa 3 de la constitution camerounaise.
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inutiles ces mécanismes463. C'est dans un
tel contexte que s'applique la fameuse réplique de Laignel qui
s'adressant à l'opposition affirmait : « vous avez juridiquement
tort car vous êtes politiquement minoritaires.»464 C'est
donc au vu de ces considérations qu'il conviendra d'envisager un
contrôle de l'administration au-delà des mécanismes
institutionnalisés.
Paragraphe 2 : L'insignifiance des organismes non
institués dans le contrôle de l'administration.
La protection plus efficace des libertés publiques
contre les pouvoirs publics nécessite la contribution plus
accentuée d'organismes non institués qui viendront renforcer les
moyens de contrôle traditionnels de l'action étatique. Ces
organismes peuvent être des personnes morales de droit public comme de
droit privé. Au rang des premières figure les autorités
administratives indépendantes notamment la commission nationale des
droits de l'homme et libertés ; et parmi les secondes, figurent les ONG,
les associations entre autres qui constituent ce que la doctrine désigne
généralement sous le vocable de société civile.
Qu'il s'agisse des autorités administratives indépendantes ou des
associations de la société civile agissant dans le cadre de la
protection des libertés publiques, elles sont confrontées dans la
pratique au Cameroun à la précarisation (A) pour les unes voire
à la marginalisation pour les autres. (B)
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