Paragraphe 1 : L'inanité d'un contrôle
législatif de l'administration étatique.
Le contrôle parlementaire du gouvernement constitue un
des procédés classiques du régime parlementaire. Cela dit,
le Parlement dispose de moyens de contrôle sur l'action du gouvernement
et sur les politiques publiques, notamment celles relatives aux droits et
libertés
438 BIKORO (J. M) ; les paradoxes constitutionnels en droit
positif camerounais ; op.cit. p.61
439 ABANE ENGOLO (P) ; « existe-t-il un droit administratif
camerounais ? » ; op.cit. p.22.
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fondamentaux. Il peut également engager la
responsabilité du gouvernement lorsqu'il ne partage pas sa politique.
Seulement, ces mécanismes demeurent purement théoriques. Deux
éléments contribuent à annihiler l'influence du parlement
sur l'exécutif : il s'agit non seulement de L'inféodation du
parlement au pouvoir exécutif (A) ; mais également La
modicité des mécanismes de contrôle parlementaire de
l'administration étatique. (B)
A- L'inféodation du parlement au pouvoir
exécutif.
Le contrôle politique de l'exécutif dévolu
au parlement constitue l'une des fonctions essentielle de ce
dernier.440 C'est véritablement une des conditions
nécessaires à la réalisation de l'État de droit.
Cela dit, un tel résultat n'est possible que dans l'hypothèse
où, « par la disposition des choses, le pouvoir législatif
puisse arrêter et/ou sanctionner l'exécutif.»441
Toutefois, l'ordre juridique camerounais malgré cette volonté de
démocratisation des régimes442 observée depuis
les années 1990 en Afrique subsaharienne francophone ; semble avoir
maintenu cette inclination ferme443 en faveur de la mainmise de
l'administration d'État444 sur toutes les institutions, le
parlement y compris.
Le parlement camerounais en effet se caractérise par
une véritable soumission à l'égard de l'exécutif
présidentiel.445 Cette considération trouve son
fondement à l'analyse des dispositions de la constitution de janvier
1996. Si de prime abord le constituant semble consacrer le principe de la
séparation des pouvoirs, donnant ainsi l'impression de l'existence de
rapports horizontaux446 entre les pouvoirs exécutif et
législatif447 ; le même texte en revanche prête
le flanc à de nombreuses critiques lorsqu'il consacre de manière
plus ou moins explicite la prépondérance de l'exécutif
présidentiel sur le parlement. Cette situation se traduit au regard de
la capacité d'influence offerte au président de la
république sur le mandat des parlementaires. En effet, celui-ci dispose
de la prérogative selon le cas448 d'abroger ou de
440 KHADIM (T) ; le contrôle de l'exécutif dans
la création de l'État de droit en Afrique francophone. Op.cit.
p.193
441 Idem. P.195
442 CONAC (G.) « les processus de démocratisation
en Afrique », in GERARD CONAC (dir.), l'Afrique en transition vers le
pluralisme politique, Economica 1993, PP 11-41. Cité par KHADIM (T) ;
op.cit. p.194.
443 ATEBA EYONG (R), « l'évolution du fondement
idéologique du droit administratif camerounais » ; op.cit. p.
278
444 ABANE ENGOLO (P) ; « existe-t-il un droit administratif
camerounais ? » op.cit. p.25.
445 BIKORO (J. M) les paradoxes constitutionnels en droit positif
camerounais ; op.cit. p.48
446 Idem.
447 Article 4 de la constitution camerounaise de janvier 1996
op.cit.
448 Le texte constitutionnel camerounais de 1996 dispose
justement que ces prérogatives sont possibles « en cas de crise ou
lorsque les circonstances l'exigent. » or comme le relève le
professeur FRANCOIS XAVIER MBOME, de telles expressions ne font
généralement pas l'objet d'une définition textuelle.
Laissant ainsi le soin au président de la république d'en
déterminer le contenu. Lire à ce propos MBOME (F.X), « les
rapports entre l'exécutif et le parlement », lex lata n°
023/024 p.27 ; cité par BIKORO (J. M) ; op.cit. p.49.
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proroger le mandat des parlementaires. Aussi, dispose-t-il
d'un pouvoir de dissolution à l'égard de l'assemblée
nationale449.
Au-delà même des dispositions constitutionnelles
consacrant la domination de l'exécutif présidentiel sur le
parlement, la pratique institutionnelle illustre davantage cet état des
choses dans l'ordre juridique camerounais.
Dans le parlementarisme camerounais, la majorité sinon
la quasi-totalité des lois adoptées par les assemblées
sont d'origine gouvernementale. Cela dit, les propositions de lois sont
rarissimes tandis que les projets de lois constituent les seules sources des
textes législatifs au Cameroun.450 Ceci justement en raison
de la majorité écrasante du parti au pouvoir au sein des
assemblées parlementaires. Au vu de cela, force est donc de constater en
fin de compte que « la nature du régime politique en cause fait que
la loi en réalité est un acte de l'exécutif et plus
précisément de son chef ».451 Or, si le chef de
l'État, autorité de police administrative par
excellence452 dispose d'une telle emprise sur le pouvoir
législatif, il ne saurait véritablement exister un contrôle
sur l'action gouvernementale de manière générale et sur
les actes de police dont au final lui-même définit la
politique.
Comment donc les parlementaires pourraient garantir les
libertés publiques face à la prédominance de
l'exécutif présidentiel sur les autres institutions
étatiques ? Cette interrogation nous conduit forcément vers
l'étude des mécanismes ou modalités de contrôle
parlementaire de l'exécutifs, qui d'emblée semblent
limités.
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