B- La faiblesse du contentieux des manifestations devant le
juge judiciaire.
Les réformes législatives relatives aux
libertés publiques mises en oeuvre au cours des années 1990, ont
pu instituer l'intervention du juge judiciaire dans la garantie des
libertés publiques. Ainsi en dehors des cas de voie de fait et de ceux
relevant de l'emprise, le législateur prévoit des cas où
le juge judiciaire, puisse connaitre des agissements de l'administration. C'est
ainsi qu'il lui sera d'ailleurs attribué une compétence exclusive
en matière de contentieux des restrictions de l'exercice des
manifestations publiques par les autorités
administratives434. La loi n° 90/055 du 19 décembre 1990
fixant le régime des réunions et manifestations publiques dispose
à cet effet en son article 8 alinéa 3 : qu'« en cas
d'interdiction de manifestation, l'organisateur peut par simple requête
saisir le président du tribunal de grande instance compétent qui
statue par ordonnance dans un délai de huit jours de sa saisine (...)
»
Quelques signes d'avancée positive sont perceptibles
depuis l'instauration de l'intervention du juge judiciaire au coeur de la
protection des libertés contre les abus de l'administration. En effet,
l'on assiste à une simplification de la procédure contentieuse
à travers notamment la suspension du recours gracieux préalable
et la reprécisions du délai relatif au prononcé des
décisions par le juge qui désormais est fixé à huit
jours. Seulement, force est d'admettre que des améliorations restent
encore à fournir dans la mise en oeuvre des garanties de
l'indépendance des juridictions judiciaires qui jusque-là sont
encore selon le professeur Aba'a Oyono, « manifestement
à la recherche de (leur) autonomie fonctionnelle. »435
En effet, lorsque la constitution dispose que « le
pouvoir judiciaire est exercé par la cour suprême, les cours
d'appel et les tribunaux (...)»,436 et que celui-ci est
indépendant des pouvoirs exécutifs et
législatifs437 ; il va sans dire que le constituant semble
s'inscrire véritablement dans une logique de proclamation des grands
principes de l'État de droit (tel que la séparation des
pouvoirs).
Seulement, et ce curieusement, lorsque l'on observe un peu
plus loin dans l'alinéa 3 de l'article 37, une disposition selon
laquelle « le président de la république est garant de
l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il nomme les magistrats. Il est
assisté dans cette mission
434 METOU (B-M) « vingt ans de contentieux des
libertés publiques au Cameroun », op.cit. p.280.
435 ABA'A OYONO ; « les fondements constitutionnels du droit
administratif (...) ». Op.cit. p.19.
436 Article 37 (2) de la constitution camerounaise de 1996
op.cit. ??
437 Idem.
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par le conseil supérieur de la magistrature qui lui
donne son avis sur les propositions de nomination et sur les sanctions
disciplinaires concernant les magistrats de siège. » Vu la
prégnance du président de la république sur le conseil
supérieur de la magistrature438, cela revient à dire
en fin de compte qu'il dispose d'un pouvoir de nomination, de sanction voire de
révocation à l'égard des magistrats. Dans ces conditions,
l'on est bien amené à reconnaitre que la protection
juridictionnelle des droits et libertés fondamentaux contre l'arbitraire
administratif reste encore fortement compromise. Cela justifie ainsi la
réticence, le manque de confiance des justiciables vis-à-vis des
instances juridictionnelles. Ceux-ci préférant
généralement laisser à Dieu le soin de rendre
justice439. D'où la nécessité d'aménager
des modalités de garantie non juridictionnelle des libertés
devant faire face à la machine étatique.
SECTION II : l'INCONSISTANCE DU CONTRÔLE NON
JURIDICTIONNEL DES AUTORITES DE POLICE ADMINISTRATIVES.
Face à l'incapacité des organes juridictionnels
à assurer la protection des droits et libertés fondamentaux, Les
mécanismes non juridictionnels se présentaient alors comme une
arme de choix dans la protection renforcée des administrés contre
l'arbitraire administratif. En clair, la mise en oeuvre d'une garantie
effective des droits et libertés fondamentaux à travers les
institutions non juridictionnelles était censée combler les
lacunes relatives au contrôle juridictionnel.
Mais cet espoir voué au contrôle non
juridictionnel notamment celui d'une protection renforcée des
libertés ; s'est amenuisé et n'a pas été à
la hauteur des attentes escomptées. Au lieu de cela le contrôle
non juridictionnel de l'administration étatique s'est plutôt
illustré par l'illusion d'un contrôle législatif (P1) et
l'insignifiance des organismes non institués dans le contrôle de
l'administration étatique. (P2)
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