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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

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Paragraphe 2 :l'insuffisance du contrôle par les juridictions ordinaires.

La protection des libertés publiques au Cameroun par les juridictions ordinaires reste encore fortement limitée en raison notamment de l'inefficacité du contrôle par le juge administratif (A) et de La faiblesse du contentieux des manifestations devant le juge judiciaire. (B)

A- l'inefficacité du contrôle par le juge administratif.

L'inefficacité du juge administratif dans la protection juridictionnelle des libertés contre la police administrative relève d'un certain nombre de verrous, d'obstacles qui contribuent à enrayer le processus relatif à l'exercice du droit à la justice devant le juge administratif camerounais.419

413 Lire FALL (A.B), « le juge constitutionnel béninois, avant-garde du constitutionnalisme africain ? » dans AIVO (J) ; (dir.) La constitution béninoise du 11 décembre 1990 : un modèle pour l'Afrique ? Mélanges en l'honneur de Ahanhanzo-Glélé (M). Paris : l'Harmattan, 2014, 798p.

414 DEGBOE (D), « les vicissitudes de la protection des libertés par la cour constitutionnelle du Bénin » op.cit. p.123

415 DDC 18-117 du 22 mai 2018 décision dans laquelle le juge annule une décision interdisant une manifestation publique.

416 Idem. P.132 consulter également l'article 117 de la constitution béninoise de 1990.

417 ABA'A OYONO (J-C) « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » ; op.cit. p.18

418 GOUNELLE (M), « la cour suprême dans le système politique sénégalais » cité par IBRAHIMA DIALLO op.cit. p.107

419 ABANE ENGOLO (P)., «existe-t-il un droit administratif camerounais ? » op.cit. p.30

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En effet, l'accès au juge administratif au Cameroun est caractérisé par une extrême technicité420 à laquelle il convient d'ajouter la longueur observée dans les procédures. À ce propos écrira justement le professeur Maurice Kamto, l'accès au prétoire du juge administratif au Cameroun relève d'un véritable « casse-tête chinois. »421 Cet état de choses rend nécessairement difficultueuse la protection des libertés publiques devant le juge administratif. Cela est davantage perceptible en matière de contentieux des manifestations publiques.

Le législateur camerounais a toujours exigé que toute procédure contentieuse devant le prétoire du juge administratif requiert l'accomplissement par le justiciable ou le recourant, d'un recours gracieux préalable.422 Si certaines doctrinaires trouvent dans le recours gracieux préalable un moyen encourageant la résolution à l'amiable des différents entre l'administration et ses administrés.423 D'autres par contre sans le remettre en cause ne voient pas toujours cela d'un très bon oeil. C'est justement le cas du professeur Aba'a Oyono qui voit le recours gracieux préalable comme un véritable grain de sable qui concourt à enrayer l'exercice du recours au juge administratif camerounais. 424

C'est donc à dire en fin de compte que « le recours au juge administratif nécessite une grande patience, la procédure contentieuse étant habituellement longue, les intéressés perdent espoir et l'objet de leur requête s'estompe avant que le juge ne se soit prononcé »425. Or, la procédure contentieuse en matière de manifestations publique implique une certaine promptitude.426 Cela dit, même si la procédure contentieuse aboutit à une invalidation de la mesure d'interdiction, elle n'aura pas empêché à la mesure illégale de produire ses effets (le non déroulement de la manifestation). En effet, la décision du juge administratif n'intervenant généralement que de manière a posteriori voire tardive, souvent plusieurs années après les faits (la violation de la liberté).427

420 METOU (B-M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun » op.cit. p.278

421 KAMTO (M), Droit processuel du litige : que faire en cas de litige contre l'administration ; cité par ABANE ENGOLO P. op.cit. p.30.

422 Article 17 de la n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs au Cameroun.

423 HOLO (T) le contrôle de la légalité et la protection des administrés au Bénin RBSJA, n°5, juin 1985, pp.23-28 ; cité par ABANE ENGOLO P. op.cit. p.30

424Lire à cet effet ABA'A OYONO J-C « chronique du grain de sable dans la fluidité jurisprudentielle de la chambre administrative au Cameroun » RASJ vol.5 n°1, 2008 p.51-75.

425 METOU (B-M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun »op.cit. p.278

426 Idem.

427 Sur ce thème lire GUILLUY (T), « la liberté de manifestation, un droit introuvable ? » op.cit.

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Et même lorsqu'il s'agit du contentieux de l'urgence, le législateur exige sous peine d'irrecevabilité428 l'introduction préalable d'un recours gracieux devant l'autorité auteur de l'acte litigieux.429 Encore faut-il que la requête ne porte sur un acte n'intéressant « ni l'ordre public, ni la sécurité ou la tranquillité publique. »430 Au vu de cela l'on est bien forcé de convenir avec le professeur Abane Engolo lorsqu'il relève que « le contentieux de l'urgence (au Cameroun) n'est pas toujours un contentieux urgent. »431

Pourtant, le droit français avait déjà réglé la question à travers l'introduction du référé liberté depuis janvier 2001.432 L'article L.251-2 du code de justice administrative dispose en effet : « saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté ; dans l'exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » C'est donc à dire que dès lors que les droits libertés fondamentaux se trouvent remis en cause, et que les conditions d'urgence sont réunis, le justiciable lésé peut désormais saisir le juge des référés afin que celui-ci fasse cesser l'atteinte desdits droits dans les plus brefs délais.433

Force est de constater là encore que le juge administratif camerounais ne s'inscrit pas nécessairement dans cette logique. C'est fort de cela que le législateur fera intervenir le juge judiciaire dans la protection des libertés publiques au Cameroun notamment en matière de contentieux des manifestations publiques.

428 CS/CA, Ordonnance n° 01 du 23 janvier 2009 SDF c./État du Cameroun. Dans cette affaire, le juge a rejeté l'hypothèse de saisine directe du juge de l'urgence lorsqu'il affirmait : « le sursis à exécution peut-être demandé dès l'introduction du recours gracieux (...) » ; cité par BIPELE KEMFOUEDIO, (J) et FANDJIP (O), « le nouveau procès administratif au Cameroun : réflexion sur le recours gracieux en matière d'urgence », in revue internationale de droit comparé. Vol 64 N°4, 2012 p.991

429 Article 30 de la loi de 2006/022 op.cit.

430 Idem. Voir aussi ordonnance n°04/OSE/PCA/CS/ 93-94, union des populations du Cameroun (UPC) c/ État du Cameroun. Dans l'affaire, le juge pose le principe selon lequel les mesures de police ne peuvent faire l'objet de sursis à exécution. Lire également ESSOMBA NTSAMA (J), la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire en matière de libertés publiques au Cameroun. Mémoire de DEA en droit public, université de Yaoundé II. P.48.

431 ABANE ENGOLO (P) ; « existe-t-il un droit administratif camerounais ? » ; op.cit. p.31.

432 Date d'entrée en vigueur de la réforme du 30 juin 2000 sur la nouvelle procédure des référés libertés.

433 Lire GUILLUY (T), « la liberté de manifestation, un droit introuvable ? » op.cit.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams