Paragraphe 2 : la militarisation de la
répression des libertés publiques.
De manière générale, la militarisation
peut s'entendre comme l'action de donner un caractère militaire à
quelque chose. Concrètement, la militarisation consiste ici à
appliquer un régime, ou des méthodes militaires face à une
situation qui d'ordinaire relève du droit commun. C'est fort de cela que
l'on pourrait parler au Cameroun d'une militarisation dans la répression
des libertés publiques lorsque l'on y observe alors non seulement
l'enchevêtrement des forces publiques dans le maintien de l'ordre (A)
mais également l'extension de la compétence des tribunaux
militaires dans la répression des civils (B).
A- l'enchevêtrement des forces publiques dans le
maintien de l'ordre.
D'emblée, les opérations de maintien de l'ordre
font généralement intervenir les forces de police et quelques
fois les éléments de la gendarmerie,360 dans le but de
la préservation ou du rétablissement de l'ordre
public.361 Cela dit, ces derniers ont pour mission principale de
concourir à l'activité de la police administrative.
L'armée, quant à elle qui représente par définition
la plus grande force matérielle organisée dans un État,
est destinée à la défense du territoire contre les
attaques extérieures et à la protection de
l'intégrité nationale. Toutefois la législation
camerounaise prévoit qu'à titre exceptionnel, et ce sur
réquisition de l'autorité administrative ; les militaires peuvent
intervenir lors des opérations de maintien de l'ordre.362
Or, le contexte socio politique assez tendu qui prévaut
dans certaines régions du Cameroun et dont les stigmates se font de plus
en plus ressentir dans l'ensemble du territoire rend complexes voire
délicats les opérations de maintien de l'ordre. Au vu de cela,
les forces armées qui étaient déjà fortement «
intégrées dans le jeu politique »,363 se font de
plus en plus
359DAVENPORT (C) (dir.) 2000: «Paths to state
repression, Human rights violations and contentious politics», Boulder New
York Rowman and Littlefield, page 6.
360 L'article 5 du décret n° 70/DF/264 du dispose que
« les brigades et postes de gendarmerie ainsi que les commissariats de
sécurité sont considérés sous réquisition
permanente (...)» c'est-à-dire sont principiellement
assimilés aux opérations de maintien de l'ordre.
361 Article 15 de la loi n°90/054 du 19 décembre 1990
relative au maintien de l'ordre.
362 Article 5 du décret n°70/DF/264 du 04 juin 1970
relatif à la sureté de l'État, op.cit.
363 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun...
op.cit. p.198.
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remarquer sur le quotidien du maintien de
l'ordre.364À tel point que si les forces armées ne
devaient intervenir dans le maintien de l'ordre que de manière
circonstancielle et sur réquisition de l'autorité
compétente, force est de constater que cette intervention «
exceptionnelle dans son principe » est devenue habituelle dans les faits.
Conviendra-t-on alors avec Fabien Jobard lorsqu'il affirme
qu'il s'agit ici d'e la « suspension de l'ordinaire et de la permanence de
l'exception. »365 Dans ces conditions, assiste-t-on alors
à une radicalisation dans le maintien de l'ordre au Cameroun.
Par ailleurs une grande partie de la doctrine publiciste
camerounaise366 s'accorde à parler d'une militarisation de la
fonction policière en raison des mécanismes coercitifs
déployés dans la gestion des foules protestataires. Il nait ainsi
une confusion dans les opérations de maintien de l'ordre ; « la
police se militarise » l'armée fait de la police, « les forces
armées se retrouvent vers l'intérieur, les frontières
s'évanouissent, tout est dans tout rien n'est à sa place
»367. Cet enchevêtrement des forces publiques que sont la
police, la gendarmerie et l'armée induit nécessairement un
resserrement des espaces de libertés accordés aux
citoyens.368 C'est ainsi que l'on observe l'extension de la
compétence du tribunal militaire dans la répression des
civils.
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