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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

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B- La rupture d'égalité dans l'activité de police administrative.

Il est incontestablement reconnu tant en droit international à travers l'adoption des grands textes internationaux, qu'en droit interne notamment dans les constitutions des États336 que la garantie des droits et libertés fondamentaux doit être assurée conjointement avec le principe d'égalité. En d'autres termes les citoyens placés dans les mêmes situations doivent bénéficier des mêmes droits et être soumis aux mêmes obligations sans considérations de leurs origines ou de leurs croyances.337 Dans ces conditions, en analysant ce postulat sous l'angle des manifestations publiques, il en résulte que toute discrimination en fonction du contenu ou du message que les promoteurs desdites manifestations entendent transmettre est de ce fait illégale. Un tel énoncé normatif ne peut que laisser entrevoir un cadre idéal relatif à l'épanouissement des libertés.

332Idem. P.12

333 Ce qui constitue alors une violation ostensible et délibérée de la loi par les autorités de manière à porter gravement atteinte aux libertés des citoyens

334 Cela s'explique par une insuffisance ou un manque de culture juridique au sein des populations mais également de certaines autorités.

335 RIVERO (J) et MOUTOUH (H) : Les libertés publiques ; cité par MOKNI (H.B); op.cit. p.190

336 Lire le préambule de la constitution camerounaise de 1996.

337 Lexique des termes juridiques op.cit.

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Pourtant, la réalité semble toute autre. Lorsque l'on analyse l'aménagement de l'exercice des libertés publiques dans l'ordre juridique camerounais l'on est bien tenté de reprendre ces propos du professeur Aba'a Oyono qui illustrent parfaitement l'attitude de l'administration face à certaines libertés à l'instar des manifestations publiques. Cela dit, « comment comprendre et expliquer qu'en dépit d'une pareille batterie constitutionnelle, (...) (persiste) ce réflexe des autorités administratives visant à autoriser les manifestations en faveur du régime en place et à l'opposé à interdire toutes celles qui tendent à exprimer le ras-le-bol citoyen contre le management des autorités centrales de l'État ? »338 C'est donc à dire en effet qu'il y'a un encadrement « deux poids deux mesures » de l'exercice des libertés au Cameroun. L'on constate ainsi d'une part une tendance à la tolérance administrative pour les manifestations considérées comme quasi-inoffensives339 voire partisanes à l'égard du pouvoir;340 et d'autres part, une forte propension à la répression, à la restriction voire à la suppression lorsqu'il s'agit des rassemblements dont le contenu est jugé nuisible341 pour les pouvoirs publics.

En fin de compte, comme l'explique le professeur Karine Roudier il s'agit ici d'une intrusion étatique dans le « pourquoi » de la manifestation, c'est-à-dire le message qu'elle porte, de manière à entrer en collision avec la règlementation en vigueur qui ne conçoit une limitation qu'en fonction du « comment », c'est-à-dire les troubles potentiels à l'ordre public342. Un tel état des choses témoigne assurément de la dérive autoritaire de la police administrative au Cameroun. Cela est d'autant plus perceptible et plus accru en raison de l'orientation sécuritaire qui dans son essence renforce la vocation liberticide de la police administrative

SECTION II : L'ORIENTATION SECURITAIRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE.

La sécurité est « un concept ambigu», c'est une notion dont l'étude mérite un certain nombre de précisions. En effet, l'absence de guerre, la poursuite des intérêts nationaux, la protection de valeurs fondamentales, l'amélioration des conditions de vie entre autres sont

338 ABA'A OYONO (J-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » ; op.cit. p.16

339 METOU (B M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun », op.cit. p.273

340 Manifestation en soutien au président de la république contre les ingérences françaises organisée devant l'ambassade de France au Cameroun. Consulter à ce propos http:cameroun// www.journalducameroun.com, publié le 24/02/2020 par DJIMADEU (C).

341 METOU (B M) ; « vingt ans de contentieux des libertés publiques au Cameroun », op.cit. p.273

342 ROUDIER (K) ; « La liberté de manifestation aujourd'hui en Italie. Quels problèmes, quelles perspectives ? » Op.cit. P.60.

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autant de variantes du concept de sécurité.343 Nous retiendrons ici la sécurité comme une Situation, un état dans lequel on n'est pas exposé à un danger. Vue de la sorte, elle relève en principe de la compétence régalienne de l'État.

L'ordre, l'autorité et la sécurité sont des concepts qui, depuis l'accession du Cameroun à l'indépendance, ont jalonné l'histoire de cet État. Ils ne cessent d'être convoqués, voire magnifiés344. Depuis quelques années la question sécuritaire est évoquée dans tous les discours officiels, en raison notamment du contexte de menace terroriste et autres crises sécuritaires qui prévalent dans le pays en générales et dans certaines régions en particulier.345C'est donc à dire que la question sécuritaire est au coeur des préoccupations des pouvoirs publics qui plus que jamais se disent soucieux de garantir la protection des citoyens. Cependant au-delà de sa réalité ou de sa vocation première, notamment la protection des populations, le concept de sécurité, écrira M. Olivier Shramek, peut servir d'alibi d'étouffement des libertés.346 En effet, très souvent la question sécuritaire fait l'objet de récupérations politiques visant la restriction légitimée des libertés. Ce postulat peut se justifier au regard de la criminalisation des libertés publiques (P1) et de la militarisation de la répression des manifestations publiques. (P2)

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