B- La police administrative : instrument d'annihilation des
protestations politiques.
Bien des penseurs de la doctrine publiciste postulent que La
consolidation du pouvoir politique en Afrique trouve son fondement dans une
posture essentialiste320, voire apathique321 des
administrés relativement à la revendication de leurs
droits322. En effet, suivant ce raisonnement, les africains et par
contre coup les camerounais, à l'opposé des populations
occidentales et françaises notamment, n'ont pas véritablement
intégré la pratique contestataire ou revendicative dans leurs
mentalités ou dans leur culture. Le professeur Abane E.
écrira justement que les « africain(s) et partant le(s) camerounais
(...) se contente(nt) du strict minimum, (...) ils ne vont pas revendiquer ce
que les autres estiment qu'ils devraient avoir. »
En réalité, cette conception peut être
relativisée lorsque l'on s'intéresse in concreto
au-delà des considérations d'ordre psychologiques et
culturelles, à l'environnement politique qui favorise cette abstention
des populations dans l'exercice de leurs droits et libertés
fondamentaux. L'une des explications les plus saillantes se trouve notamment
dans cette
318 WEBER (M) cité par GOHIN administratives
op.cit. p.34
319 CONAC (G) cité par KAMTO (M)
Pouvoir et droit en Afrique noire ; op.cit. p
320 ABANE ENGOLO (P) « existe-t-il un droit administratif
camerounais ? » op. cit.p.22.
321 KAMTO (P) ; Pouvoir et droit en Afrique noire
; op.cit. p.443
322 Idem.
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logique observée chez les leaders africains à ne
tolérer sur aucun point la contestation, la critique,323 au
risque que leur autorité n'en pâtisse.
En effet, Malgré les mutations idéologiques et
le renouveau démocratique entamés depuis les années 1990
dans le constitutionnalisme africain, les États ont conservé des
relents autoritaires marqués par une certaine hostilité
vis-à-vis des libertés publiques. Le Cameroun s'inscrit fortement
dans ce sillage. Ainsi, depuis toujours et c'est toujours le cas à
l'heure actuelle324, le pouvoir politique entend user de tous les
moyens dont il dispose y compris la machine administrative en vue de comprimer
les velléités contestataires et faire ainsi taire la dissidence.
À cet effet l'activité de police administrative devient une
occasion pour les pouvoirs publics de réduire au silence la contestation
politique à travers des opérations de maintien de l'ordre qui se
transforment en démonstration de force notamment lors des manifestations
publiques. En effet, les mouvements protestataires exercés à
l'endroit du pouvoir en place se heurtent de manière systématique
à une riposte violente et démesurée des forces de
l'ordre325.
Vu de la sorte, quand bien même les libertés
publiques sont consacrées, celles-ci sont constamment remises en cause
lorsqu'elles se confrontent à une organisation administrative dissuasive
dont le caractère autoritaire n'est plus à démontrer. Cet
autoritarisme va d'ailleurs grandissant lorsque les pouvoirs de police sont mis
en oeuvre au-delà des cadres et proportions légaux.
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