SECTION II : LA FIXATION D'UN REGIME SANCTIONNATEUR DES
LIBERTES
L'exercice des rassemblements publics au Cameroun est soumis
à un certain nombre de règles dont la violation équivaut
à des sanctions diverses. Ce régime de sanctions se
déploie au niveau de l'exercice des manifestations licites (P1) et se
veut plus répressif en ce qui concerne les manifestations illicites.
(P2)
Paragraphe 1 : la répression dans le
déroulement des rassemblements licites.
L'exercice des manifestations publiques au Cameroun est
presque systématiquement opposé à un réflexe de la
police administrative, visant soit la protection de l'autorité de
l'État à travers la répression insidieuse de la
subversion, (A) soit encore la répression des atteintes ou troubles au
service public. (B)
A- La protection de l'autorité de l'État : la
répression insidieuse de la subversion.
La protection de l'autorité publique se veut
véritablement renforcée en droit administratif camerounais. Le
décret du 04 juin 1970 relatif à la sureté de
l'État la dispose précisément que la sureté
intérieure de l'État comporte toutes les mesures visant à
prévenir et à réprimer : « les troubles
constitués par les menaces ou des atteintes graves et
répétés à la tranquillité et à la
sécurité publique ; la subversion contre l'autorité
publique (...) »257. C'est dans ce cadre que les textes visent
; quitte à quelques fois sacrifier les libertés publiques,
à protéger l'État contre toute entreprise « de nature
à porter atteinte au respect dû aux autorités publiques ou
à inciter la haine contre le gouvernement de la république
».258
En effet, même dans le cadre de l'exercice
régulier des manifestations publiques c'est-à-dire celles
organisées dans le respect des obligations légales fixées
par le législateur ; l'administration camerounaise reste malgré
tout portées vers sa politique de « mise à l'abri du pouvoir
»259. Il n'est pas question que l'exercice des libertés
ne vienne mettre en cause l'autorité de l'État. Cet état
des choses est perceptible au regard de la prégnance de la
législation anti-subversive et l'interdiction des faits constitutifs de
sédition au Cameroun.
257 Article 1er du décret n°70/DF/264 du
04 juin 1970 relatif à la sureté de l'État
258 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun ;
op.cit. P.85
259 Idem.
54
Alors que l'on croyait enfin révolue la période
de la législation anti-subversive260,
caractérisée par la diabolisation de la contestation politique ;
et qu'on présageait alors un passage définitif d'un ordre
juridique autoritaire vers un ordre libéral, protecteur des
libertés publiques261 ; force est de constater au bout du
compte que le contexte reste inchangé depuis lors. En effet, cela peut
s'expliquer à travers le jeu de dupes, le véritable tour de
passe-passe imputable au législateur camerounais d'alors, qui n'a fait
que transférer les dispositions controversées de l'ordonnance
n°62-OF-18 de 1962 dans le code pénal par le truchement de la loi
n°90/061 du 19 décembre 1990 portant modification de quelques
dispositions du code pénal.262 L'exemple est d'autant plus
probant à l'analyse du code pénal dans sa version la plus
récente. En effet la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code
pénal, semble ne pas faire référence à la
subversion dans ses dispositions. Pourtant le législateur sans en
modifier la substance, a insidieusement maintenu les mêmes dispositions
anti-subversives : il n'a fait que disparaitre le terme subversion pour le
remplacer par une notion non moins similaire, notamment, la
rébellion263. Si le texte fait expressément
référence à l'abrogation264 du caractère
politique de la rébellion, cela ne doit occulter en rien l'influence
négative du législateur sur l'épanouissement des
libertés publiques au Cameroun.
De plus, l'action répressive du législateur en
matière de libertés publiques se concrétise davantage vers
la protection de l'autorité étatique à travers l'article
235 de la loi portant code pénal qui incrimine les comportements tels
que les cris et chants séditieux proférés dans des espaces
ouverts au public. Ainsi une manifestation contestataire même
déclarée n'est pas à l'abri du pouvoir répressif de
l'administration publique en ce sens où le contenu à donner
à la notion de cris ou champs séditieux est véritablement
contingent. Cela dit, même lorsque les garanties textuelles sont
prévues et consacrées en matière de manifestations
publiques, l'administration garde néanmoins une « capacité
juridique de nuisance qui mine (de manière générale)
l'exercice des libertés publiques. »265
En dernière analyse, le régime des
manifestations publiques au Cameroun reste et demeure fortement remis en cause
en raison du caractère autoritaire de l'ordre public qui
260 Cette période allait de l'adoption de l'ordonnance
n°62-OF-18 du 12 mars 1962 jusqu'à son abrogation avec la loi
n°90/061 du 19 décembre 1990.
261 OLINGA (A.D.), « vers une garantie constitutionnelle
crédible des droits fondamentaux », cité par METOU (BM) ;
« vingt ans de contentieux ..... » OP. cit. p.268.
262 Lire à ce sujet OJONG (T); l'infraction politique
en droit pénal camerounais. D.E.A. de droit privé fondamental
2005 université de Douala. 2005.
263 Article 157 et suivants de la loi n°2016/007 portant
code pénal.
264 Contrairement au décret n°70/DF/264 relatif
à l'unité nationale dont les op.cit
265 ABA'A OYONO (J-C) « fondements constitutionnels du droit
administratif camerounais(...) », op.cit. p.16.
55
prévaut même dans l'hypothèse de
l'exercice licite des manifestations. Garantissant ainsi à travers la
répression des libertés, la préservation de
l'autorité de l'État mais également une protection
renforcée du service public.
|