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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

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SECTION II : LA FIXATION D'UN REGIME SANCTIONNATEUR DES LIBERTES

L'exercice des rassemblements publics au Cameroun est soumis à un certain nombre de règles dont la violation équivaut à des sanctions diverses. Ce régime de sanctions se déploie au niveau de l'exercice des manifestations licites (P1) et se veut plus répressif en ce qui concerne les manifestations illicites. (P2)

Paragraphe 1 : la répression dans le déroulement des rassemblements licites.

L'exercice des manifestations publiques au Cameroun est presque systématiquement opposé à un réflexe de la police administrative, visant soit la protection de l'autorité de l'État à travers la répression insidieuse de la subversion, (A) soit encore la répression des atteintes ou troubles au service public. (B)

A- La protection de l'autorité de l'État : la répression insidieuse de la subversion.

La protection de l'autorité publique se veut véritablement renforcée en droit administratif camerounais. Le décret du 04 juin 1970 relatif à la sureté de l'État la dispose précisément que la sureté intérieure de l'État comporte toutes les mesures visant à prévenir et à réprimer : « les troubles constitués par les menaces ou des atteintes graves et répétés à la tranquillité et à la sécurité publique ; la subversion contre l'autorité publique (...) »257. C'est dans ce cadre que les textes visent ; quitte à quelques fois sacrifier les libertés publiques, à protéger l'État contre toute entreprise « de nature à porter atteinte au respect dû aux autorités publiques ou à inciter la haine contre le gouvernement de la république ».258

En effet, même dans le cadre de l'exercice régulier des manifestations publiques c'est-à-dire celles organisées dans le respect des obligations légales fixées par le législateur ; l'administration camerounaise reste malgré tout portées vers sa politique de « mise à l'abri du pouvoir »259. Il n'est pas question que l'exercice des libertés ne vienne mettre en cause l'autorité de l'État. Cet état des choses est perceptible au regard de la prégnance de la législation anti-subversive et l'interdiction des faits constitutifs de sédition au Cameroun.

257 Article 1er du décret n°70/DF/264 du 04 juin 1970 relatif à la sureté de l'État

258 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun ; op.cit. P.85

259 Idem.

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Alors que l'on croyait enfin révolue la période de la législation anti-subversive260, caractérisée par la diabolisation de la contestation politique ; et qu'on présageait alors un passage définitif d'un ordre juridique autoritaire vers un ordre libéral, protecteur des libertés publiques261 ; force est de constater au bout du compte que le contexte reste inchangé depuis lors. En effet, cela peut s'expliquer à travers le jeu de dupes, le véritable tour de passe-passe imputable au législateur camerounais d'alors, qui n'a fait que transférer les dispositions controversées de l'ordonnance n°62-OF-18 de 1962 dans le code pénal par le truchement de la loi n°90/061 du 19 décembre 1990 portant modification de quelques dispositions du code pénal.262 L'exemple est d'autant plus probant à l'analyse du code pénal dans sa version la plus récente. En effet la loi n°2016/007 du 12 juillet 2016 portant code pénal, semble ne pas faire référence à la subversion dans ses dispositions. Pourtant le législateur sans en modifier la substance, a insidieusement maintenu les mêmes dispositions anti-subversives : il n'a fait que disparaitre le terme subversion pour le remplacer par une notion non moins similaire, notamment, la rébellion263. Si le texte fait expressément référence à l'abrogation264 du caractère politique de la rébellion, cela ne doit occulter en rien l'influence négative du législateur sur l'épanouissement des libertés publiques au Cameroun.

De plus, l'action répressive du législateur en matière de libertés publiques se concrétise davantage vers la protection de l'autorité étatique à travers l'article 235 de la loi portant code pénal qui incrimine les comportements tels que les cris et chants séditieux proférés dans des espaces ouverts au public. Ainsi une manifestation contestataire même déclarée n'est pas à l'abri du pouvoir répressif de l'administration publique en ce sens où le contenu à donner à la notion de cris ou champs séditieux est véritablement contingent. Cela dit, même lorsque les garanties textuelles sont prévues et consacrées en matière de manifestations publiques, l'administration garde néanmoins une « capacité juridique de nuisance qui mine (de manière générale) l'exercice des libertés publiques. »265

En dernière analyse, le régime des manifestations publiques au Cameroun reste et demeure fortement remis en cause en raison du caractère autoritaire de l'ordre public qui

260 Cette période allait de l'adoption de l'ordonnance n°62-OF-18 du 12 mars 1962 jusqu'à son abrogation avec la loi n°90/061 du 19 décembre 1990.

261 OLINGA (A.D.), « vers une garantie constitutionnelle crédible des droits fondamentaux », cité par METOU (BM) ; « vingt ans de contentieux ..... » OP. cit. p.268.

262 Lire à ce sujet OJONG (T); l'infraction politique en droit pénal camerounais. D.E.A. de droit privé fondamental 2005 université de Douala. 2005.

263 Article 157 et suivants de la loi n°2016/007 portant code pénal.

264 Contrairement au décret n°70/DF/264 relatif à l'unité nationale dont les op.cit

265 ABA'A OYONO (J-C) « fondements constitutionnels du droit administratif camerounais(...) », op.cit. p.16.

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prévaut même dans l'hypothèse de l'exercice licite des manifestations. Garantissant ainsi à travers la répression des libertés, la préservation de l'autorité de l'État mais également une protection renforcée du service public.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius