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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

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B- A la systématisation des interdictions de manifester.

L'interdiction des manifestations publiques peut être considérée comme une solution extrême qui en tant que telle, ne doit être envisagée que lorsque les mesures préventives s'avèrent inefficaces ou inadaptées pour la sauvegarde de l'ordre public. Ainsi, la mesure d'interdiction doit être motivée par l'existence de causes sérieuses suffisamment graves et attentatoires à l'ordre public. Autrement dit, c'est à l'aune de la gravité de la menace ou de la dimension du trouble que l'on apprécie la mesure d'interdiction. Également, faut-il le préciser, la décision d'interdiction des manifestations, représente une telle restriction pour les libertés publiques qu'elle soulève presque toujours la question de sa nécessité et même de sa proportionnalité au regard des libertés sacrifiées. C'est alors relativement à cet ordre de pensée que la jurisprudence française, 249a retenu que le simple soupçon de la menace ou de la survenance d'un trouble dans une manifestation ne peut constituer un motif raisonnable d'interdiction. Aussi dans la même logique, les interdictions générales et absolues sont interdites. Georges Burdeau écrira à cet effet, la préoccupation première des autorités administratives ne doit pas être « comment vais-je maintenir l'ordre ? » mais : « comment vais-je permettre l'usage de la liberté sans compromettre l'ordre ? (...) la solution de facilité qu'est l'interdiction est (donc) en principe illégale. »250

Le Cameroun une fois de plus s'illustre par un système rigoureux dans l'encadrement des libertés publiques. En effet, les mouvements contestataires tels que manifestés lors des descentes dans les rues se voient généralement, presque systématiquement opposer des interdictions par les autorités administratives. C'est ce qui entraine une multiplication des mouvements spontanés. La tendance à l'interdiction est tant et plus accentuée lors des périodes dites de tensions sociales à l'instar des mouvements sociaux des années, 1990 des émeutes de 2008 et plus récemment encore depuis la période post-électorale de 2018. En effet, les autorités

248 Ibid.

249 C.E., 23 mars 1935, D.H. 1935.367 ; C.E. 12 novembre 1997 ; lire à ce propos GUILLUY (T), « liberté de manifestation, un droit introuvable » RFDA, 2015 P.499.

250 G. BURDEAU ; Libertés publiques op. cit. P.45

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en ces périodes dites de fortes contestations sociales n'hésitent pas à procéder à des interdictions générales251 de nature à étouffer voire à supprimer le recours à la rue comme moyens d'expression ou de revendication. Le recours aux interdictions est devenu un réflexe252 de l'administration à l'égard des manifestations publiques ; à tel point que la mesure d'interdiction est devenue la règle et l'exercice des libertés l'exception. Ainsi, Manifester au Cameroun du moins dans la légalité est devenue une exception. La règlementation en matière de manifestation y contribue fortement en ce qu'elle offre la latitude aux autorités d'exercer à travers leur pouvoir prohibitif, ce que M. Bouloumegue253 qualifie « d'action hégémonique » de la police administrative camerounaise. Or, sous d'autres cieux, écrira le professeur Abane E. Engolo, l'on oblige l'administration à n'interdire les manifestations que lorsqu'elle ne peut les encadrer.254

Il est donc à préciser dans ce contexte que l'administration repose et a toujours été fortement attachée à des fondements impérialistes, c'est-à-dire dominateurs, hégémonique.255C'est justement relativement à ce rapport fragile entre État et libertés publiques, que Charles Debbasch et Jacques Bourdon soulignerons que « La souveraineté étatique se méfie toujours des puissances rivales qu'elle n'encadre pas. Tout groupe organisé est un concurrent pour l'État : la tentation des gouvernants est de l'interdire, d'en limiter l'efficacité, de le contrôler ».256 Cette attitude hostile de l'administration se matérialise et se concrétise à travers la multiplication de dispositions répressives en matière de rassemblements publics. Ainsi remarquerons-nous l'instauration ou la fixation d'un régime sanctionnateur des libertés publiques au Cameroun.

251 Cf. l'arrêté préfectoral n°125/AP/C19/SP du 14 janvier 1991 interdisant les manifestations sur la voie publique dans le département du Wouri ; ou l'arrêté préfectoral de 2008 interdisant les manifestations dans la même localité au cours de la période des mouvements sociaux de 2008 ;

252 ABANE E. ENGOLO op.cit. P. 29

253 B. BOULOUMEGUE EMMANUEL GHILSLAIN op.cit. P.303

254 ABANE ENGOLO (P) « existe-t-il un droit administratif camerounis op.cit. P.29

255 Ibid.

256 DEBBASCH (C) et BOURDON (J): « Introduction », Presses Universitaires de France « Les associations ». 2006. p. 3. Cité par MOKNI (H B), L'exercice des libertés publiques en période de transition démocratique : le cas de la Tunisie P.180

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