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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

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Paragraphe 2 : la portée restrictive des moyens de prévention des troubles.

La prévention des troubles à l'ordre public au Cameroun se caractérise par sa portée véritablement restrictive vis-à-vis des libertés publiques. Si le principe est celui de l'aménagement favorable à l'exercice des manifestations, (A) l'on assiste au Cameroun à une systématisation des interdictions de manifester. (B)

A- De l'aménagement dans l'exercice des manifestations.

Il est désormais de notoriété incontestable au sein de la jurisprudence française depuis l'arrêt Baldy jusqu'à l'arrêt benjamin, qu'il est un principe selon lequel les limitations apportées aux libertés par l'autorité de police ne sont légales que si le maintien de l'ordre public les rend nécessaires238. C'est donc à dire que la restriction des libertés, notamment lors des rassemblements publics ne constitue pas au premier chef l'activité des autorités de police administrative. Bien au contraire, même lorsque l'ordre est susceptible d'être menacé, les autorités de police doivent mettre en oeuvre des mesures ou des moyens alternatifs239 permettant le déroulement pacifique des manifestations licites240 ; et quand bien même elles ne sont pas licites c'est-à-dire non déclarées, les manifestations doivent être tolérées par les autorités de police.241 La doctrine française retiendra dans ce sens que plusieurs mesures sont possibles dans l'encadrement des libertés. L'administration doit choisir parmi elles celles qui affectent le moins la liberté de l'individu.242 Il est ainsi consacré une protection optimale de la liberté de manifester.

Georges Burdeau écrira à cet effet : « le rôle de l'État est de procurer à la dialectique de l'ordre et du mouvement (contestataire) les cadres juridiques qui lui permettent de se dérouler sans heurts trop violents. »243 Également, dans la même perspective, Olivier Le Bot, soulignera que l'autorité informée de la tenue d'une manifestation par le truchement de la déclaration préalable, se doit « de prendre la mesure de la réunion ou de la manifestation

238 CHAPUS (R), Droit administratif général, tome 1, Montchrestien, Domat droit public, Paris, 15e édition, 2001, pp. 699.

239 LE BOT (O) ; La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ? » p.39

240 DENIZEAU (C) « la liberté de manifestation en droit européen » in la liberté de manifester et ses limites ; op.cit. P.31

241 Idem.

242 BURDEAU (G), les libertés publiques ; op.cit. p.43

243 BURDEAU (G), « L'État, entre conflit et consensus » ; P.69

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projetée et de prévoir tout en les adaptant, les mesures nécessaires à son bon déroulement. ».244C'est donc à dire en réalité que les autorités de police administrative jouent ici un rôle de facilitateurs dans l'exercice des libertés publiques de manière générale. À cet effet, elles disposent de plusieurs mesures alternatives245 dans l'aménagement de l'organisation des manifestations en vue de garantir dans la mesure du possible246, un déroulement respectueux de l'ordre public. Dans cette perspective, les autorités de police peuvent entre autre modifier la date, le lieu ou l'itinéraire des manifestations publiques lorsque les circonstances l'exigent. Outre mesure, elles sont tenues de mettre à disposition un nombre raisonnable de forces de police,247 non pas pour réprimer mais davantage pour garantir le bon déroulement de la manifestation en contenant les débordements mais également en assurant la sécurité des manifestants. Cela dit, la simple abstention de l'État ne suffit donc pas à la garantie de l'exercice des manifestations publiques.

L'ordre juridique camerounais est partit sur la base de ce postulat dans la réglementation des manifestations publiques. Seulement, le législateur camerounais notamment dans la loi n°90/055, définit limitativement les options alternatives de la police administrative dans l'aménagement des manifestations publiques. L'article 8 alinéa 2 de la loi de cette loi prévoit que lorsqu'une manifestation est susceptible de troubler gravement l'ordre public, l'autorité administrative dans le but de prévenir le trouble peut «lui assigner un autre lieu ou un autre itinéraire » ; dans le cas contraire, c'est l'interdiction pure et simple de la manifestation. Or on l'a vu, l'obligation d'action positive qui incombe à l'État dans la garantie des manifestations implique que les autorités de police prennent toutes les mesures nécessaires en vue de permettre à la manifestation de se dérouler sans entraves. Il va sans dire que le texte législatif ne met pas suffisamment en lumière l'office de facilitateur de la police administrative dans la protection effective de la liberté de manifestation. Celle-ci est davantage soucieuse de la préservation de l'ordre que de l'exercice des libertés.

En définitive, si sous d'autres cieux, ce n'est que lorsque les risques susceptibles d'être générés par les manifestations ne peuvent être contenus par d'autres mesures alternatives moins attentatoires ; que les autorités de police administratives prennent des mesures restrictives extrêmes telles que les interdictions. Toujours est-il que la police camerounaise, pour peu qu'une manifestation présente un risque de trouble, priorise presque toujours les interdictions.

244 LE BOT (O), « La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ? », op.cit. p.12

245 Ces mesures sont alternatives doivent être les moins attentatoires possibles aux libertés publiques

246 Il s'agit d'une obligation de moyens, qui pèse sur l'autorité administrative et non une obligation de résultat.

247 LE BOT (O) ; « La liberté de manifestation en France : un droit fondamental sur la sellette ? », op.cit. p.41.

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Or, on le sait très bien toute manifestation est potentiellement facteur de trouble248 ; et c'est à travers l'obligation d'encadrement qui pèse sur l'État que les manifestations peuvent effectivement être garanties. Auquel cas l'on pourrait assister à la multiplication voire à la systématisation des interdictions à chaque fois qu'une manifestation serait déclarée au motif de sa potentielle menace pour l'ordre public.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld