B- L'appréciation discrétionnaire par les
autorités de police administrative.
De prime à bord, l'idée de pouvoir
discrétionnaire et l'État de droit semblent être deux
notions inconciliables.227Le professeur G. Nlep
soulignera à ce propos que La limite entre le pouvoir
discrétionnaire et l'arbitraire administratif est mal
définie,228et donc incertaine. En effet par opposition
à la compétence liée,229 le pouvoir
discrétionnaire se définie lato sensu comme
225 ATEMENGUE (.JD.N.) ; la police administrative au Cameroun ;
op.cit. p.
226 ONDOA (M), ABANE E. ENGOLO (P), les fondements du droit
administratif camerounais préface op.cit. p.11
227 SORO_PAMATCHIN (S-G) L'exigence de conciliation de la
liberté d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique
subsaharienne francophone (Bénin-Côte
d'Ivoire-Sénégal) à la lumière des grandes
démocraties contemporaines (Allemagne-France) ; Droit. Université
de Bordeaux, 2016 P.284
228. NLEP (R. G) cité par ATEMENGUE (JDN) ; la police
administrative au Cameroun ; op.cit P.180
229 Idem.
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« cette marge d'appréciation laissée
à l'administration », 230« cette habilitation dont
jouit l'administration à prendre (...) un ensemble de mesures
jugées utiles et opportunes au regard des situations de fait
»231. Cependant convient-il de préciser, le pouvoir
discrétionnaire s'avère être nécessaire à la
survie de l'État232 ; compte tenu du fait que le
législateur ne peut tout prévoir. Dans ce sens il serait
difficile de concevoir un État, qui plus est, un État de droit,
sans l'idée d'un pouvoir discrétionnaire. Une telle
hypothèse serait susceptible d'entrainer « l'immobilisme
»233, la paralysie de l'action étatique. D'où la
nécessité, pour une efficacité des pouvoirs publics, d'une
flexibilité dans l'application de la règle de droit.
C'est donc à dire au final que ces deux notions ne sont
pas en réalité antinomiques. Ainsi pour revenir à notre
sujet de réflexion, le législateur fixe les grandes lignes qui
encadrent l'exercice des libertés, et c'est à l'aune du respect
de l'ordre public que les autorités administratives organisent
l'exercice desdites libertés ; et au besoin les restreint en cas
d'atteinte (grave) à l'ordre public. C'est dans ce sillage que
Jean Rivero soulignera que « c'est la loi qui
énumère un ensemble de conditions et qui de façon
résiduelle donne mission à l'autorité de police
administrative de décider dans un certain sens en prenant toute mesure
utile qui relève de l'appréciation de l'opportunité.
»234C'est fort de cela que le législateur camerounais
reconnait en matière de manifestations publiques un pouvoir
discrétionnaire aux autorités de police, lorsqu'il dispose que si
l'autorité « estime que la manifestation projetée est de
nature à troubler gravement l'ordre public, il (ou elle) peut (...)
»235 prendre les mesures nécessaires afin d'assurer le
maintien de l'ordre lors desdites manifestation.236. De telles
prérogatives sont de nature à susciter légitimement des
inquiétudes quant à leur utilisation. C'est ainsi que
Charles Eisenmann écrira à ce propos que «
le pouvoir discrétionnaire aurait quelque chose de singulier, de
mystérieux ; ce serait un phénomène assez troublant, assez
inquiétant. »237
Cette inquiétude parait davantage justifiée au
regard de la capacité de nuisance que les prérogatives
discrétionnaires de la police administrative pourraient avoir sur les
libertés
230 HAURIOU (M) cité par SORO PAMATCHIN (S-G) ;
L'exigence de conciliation de la liberté d'opinion avec l'ordre public
sécuritaire en Afrique subsaharienne francophone à la
lumière des grandes démocraties contemporaines ; op.cit. p.284
231 SORO PAMATCHIN (S-G), op.cit. p.284
232 Idem.
233 Ibid.
234 RIVERO (J) ; Droit administratif ;
cité par SORO PAMATCHIN, L'exigence de conciliation de la liberté
d'opinion avec l'ordre public sécuritaire en Afrique subsaharienne
francophone à la lumière des grandes démocraties
contemporaines op.cit. p.828
235 Article 8 alinéa 1 de la loi n°90/055
précitée.
236 Ibid.
237 EISENMANN (C), Cours de droit administratif,
Tome II, L.G.D.J.- lextenso éditions, Coll. « Anthologie du droit
», Issy-les-Moulineaux, 2014, p. 289.
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publiques. Cela étant dit, intéressons-nous
à présent à la portée restrictive des moyens de
préventions des troubles vis-à-vis des libertés.
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