2- L'incarnation de l'État par le président
de la république
Au-delà d'une conception institutionnelle de
l'État qui postule de la distinction entre les gouvernants et
l'État, il est plutôt question ici dans cette approche, de la
confusion voire de
185 MILLARD ERIC, « HAURIOU et la théorie de
l'institution » in Droit et société, n°30-31, 1995.
L'environnement et le droit, pp.381-412.
186 G. BURDEAU, « l'État entre le consensus et le
conflit. », pouvoir 5, 1978, p.66
187 Idem.
188 Idem. p.73.
189 Idem, P.16
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l'identité entre l'État et le gouvernant ou plus
précisément entre l'État et le président de la
république. En effet, le professeur Maurice Kamto a
démontré dans un raisonnement syllogistique, l'incarnation dans
les États d'Afrique noire francophone, dans la personne du
président de la république.
Dans une première proposition, l'auteur affirme que le
chef de l'État incarne la nation190. En effet, explique-t-il,
en Afrique subsaharienne francophone, où l'idée de nation,
entendue sous sa dimension sentimentale,191 affective, était
encore loin de constituer un acquis, la nation se présentait comme un
projet, un mythe à réaliser. Dans un tel contexte alors, le
président se présentait alors comme « la synthèse des
particularismes (...) dans une nation à bâtir
»192.
Dans une seconde proposition, le professeur fera un
rapprochement entre la nation et l'État. S'inspirant de la doctrine
constitutionnelle française, à l'exemple des écrits des
auteurs tels que Carré de Malberg pour qui «
l'État est la personnification de la nation »193ou
J. Chevallier qui définit l'État comme la
projection de la nation dont il incarne l'unité et la
permanence194 ; le professeur Maurice Kamto
aboutira à la formule selon laquelle l'État n'est pas
une entité juridique distincte de la nation195. C'est donc
partant de ces deux propositions que l'auteur conclura : « si le chef de
l'État incarne la nation qui elle-même se confond à
l'État, (alors) le chef de l'État incarne l'État.
»196 D'ailleurs la constitution camerounaise dispose
précisément dans son article 5 que « le président de
la république (...) chef de l'État (...) incarne l'unité
nationale, il définit la politique de la nation ». Il ressort de la
lecture de cet article que c'est le chef de l'État qui définit et
oriente les objectifs de la nation.197
Cette démonstration a le mérite de permettre de
mieux saisir les contours de la notion d'État, titulaire au Cameroun
d'un « intérêt supérieur ». En effet au terme de
ce raisonnement syllogistique, force est de constater que en
réalité, le concept intérêt supérieur de
l'État renvoie à l'intérêt supérieur du
président de la république considéré ici comme
principal responsable de
190 KAMTO (M), pouvoir et droit en Afrique noire
; op.cit. p. 431
191 Idem.
192 Idem. P.432.
193 CARRE DE MALBERG (R), Contribution à la
théorie générale de l'État, tome 1, Paris,
Sirey, 1920-1922, CNRS. 1972 ; p.19.
194 CHEVALLIER (J) ; cité par KAMTO (M), Pouvoir
et droit en Afrique noire ; op.cit. p.432
195 KAMTO (M), pouvoir et droit en Afrique noire
; op.cit. p. 432.
196 Idem. P.434
197 ABANE ENGOLO (P), existe-t-il un droit administratif
camerounais ? » ; op.cit. p.20
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l'activité de police administrative198. Une
telle considération ne saurait être sans conséquences
graves sur les libertés publiques.
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