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La police de la grève en droit administratif camerounais


par Gaetan Gildas Yamkam Fankam
Université de Yaoundé Il  - Master 2 droit public 2018
  

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B- L'interprétation extensive de l'ordre public.

L'interprétation extensive de l'ordre public au Cameroun se traduit au regard du renforcement de l'ordre public sécuritaire, (1) dans un contexte relatif à la politisation de l'ordre public. (2)

1- Le renforcement de l'ordre public sécuritaire.

Le renforcement de l'ordre public sécuritaire s'observe comme la volonté affichée des pouvoirs politiques d'instaurer un climat peu propice à l'expression des libertés publiques et des oppositions de toutes sortes.171En ce sens garantir la sécurité au sein de l'État consiste pour l'administration, à assurer au-delà de la protection des biens et des personnes, la préservation même de la sureté de l'État.

En droit camerounais, l'administration en matière de police est de plus en plus encline à des préoccupations d'ordre sécuritaire, notamment au regard de la conjoncture socio-politique de crise qui fait l'actualité. Considérée par la doctrine comme une des principales composantes

165 Cf. le fameux arrête de la section du Conseil d'État en date du 18 décembre 1959 ; société « Les films Lutétia »

166 Cf. le célèbre arrêt du Conseil d'État français rendu le 27 octobre 1995, commune Morsang-sur-Orge ; encore appelé l'affaire « du lancer des nains »

167 CE, 27/07/2001, Ville d'Etampes.

168 LEBRETON (G), « ordre public », in TSIMBA ZOVINA (J.A), GAUDIN (H), MARGENAUD (J-P), RIALS (S), SURDE (F) (dir.), Dictionnaire des droits de l'homme, P.U.F., Quadrige, Paris, 2008, pp. 717-719.

169 GERVIER (P), la limitation des droits fondamentaux constitutionnels par l'ordre public, op.cit. p.26

170 ROLAND (S), « l'ordre public et l'État. Brèves réflexion sur la nature duale de l'ordre public », DUBREUIL (C-A) (dir.), l'ordre public, édition Cujas, coll. Actes et études, Paris, 2013, pp. 9-20, spé. P.17

171 ATEMENGUE (J.D.N), la police administrative au Cameroun ; op.cit., p.219.

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de la notion d'ordre public,172 la sécurité publique sera l'occasion pour les autorités de police administrative de renforcer le contrôle de l'exercice de certaines libertés, très souvent au péril des principes fondamentaux qui gouvernent dans un État de droit.

Bien que d'un point de vue juridique, la situation au Cameroun ne relève pas de l'état d'urgence,173 notamment en l'absence d'un décret instituant l'état d'urgence174, force est d'admettre qu'en pratique, l'état des libertés publiques, principalement celles considérées par les autorités comme « susceptibles à entretenir voire à animer les troubles », laisse penser à une réglementation de crise. Les pouvoirs publics s'orientent alors relativement au contexte social assez tendu, vers la garantie de la sécurité des institutions, quitte à ignorer, et quelques fois bafouer certaines libertés. L'ordre public prenant des allures autoritaire devient de ce fait davantage « un ordre de limitation des libertés qu'un ordre de protection de ces libertés »175

C'est donc à dire que le volet sécuritaire de l'ordre public constitue un motif en vertu duquel les droits et libertés sont violés. On note ainsi une certaine hostilité des autorités à l'égard des manifestations publiques ou des mouvements contestataires sous le prétexte d'une garantie de la sécurité dans l'État. Cette attitude des pouvoirs publique se justifie davantage en raison de la coloration politique que les autorités n'hésitent pas à donner à la notion d'ordre public.

2-La politisation de la notion d'ordre public.

Comme le souligne le professeur Atemengue Jean De Noël, « dans tous les pays du monde qu'ils soient démocratiques ou non, l'ordre public comporte toujours une dimension politique. »176 Le Cameroun ne déroge pas à la règle. En effet, dans l'ordre juridique camerounais, l'expression consacrée par le constituant de 1996 dans le préambule, à savoir :«(...) sous réserve des prescriptions légales relative à l'ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics» ; prête le flanc à diverses manipulations de la part des autorités administratives. En effet la relative imprécision qui caractérise une telle énonciation de l'ordre public dans la constitution camerounaise, constitue ce que le professeur Aba 'a Oyono qualifie de « butoirs liberticides » face aux libertés publiques177. L'insertion dans la constitution d'une

172 SORO PAMATHIN (S-G), op.cit. p.33.

173 L'article premier de loi n°90/047 du 19 décembre 1990 relative à l'état d'urgence dispose : « l'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire national : Soit en cas d'évènement présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique ; soit en cas de troubles portant gravement atteinte à l'ordre public ou à la sureté de l'État ; soit en cas d'agression venant de l'extérieure. »

174 Article 2 de loi n°90/047 du 19 décembre 1990, op.cit.

175 BEYEGUE BOULOUMEGUE (E G), « la persistance de l'idéologie de la construction nationale en matière de police administrative » op.cit. p. 308

176 ATEMENGUE (JDN) ; la police administrative au Cameroun. Op. cit.p.69

177 ABA'A OYONO (J-C), « les fondements constitutionnels du droit administratif (...) » op.cit. p.16.

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telle notion aux contours flous178 voire fuyants179, offre selon l'auteur, «la latitude de moduler (à souhait) l'exercice de la liberté, selon les préoccupations qui sont les leurs. »

Cela dit, loin de sa vocation première qui est la préservation d'un certain ordre social180, l'État tend de plus en plus à donner un contenu circonstanciel à la notion d'ordre public qui varie continuellement selon les orientations ou les considérations d'ordre politique. Vu de la sorte, l'ordre public devient une notion à contenu variable181, qui évolue écrira pierre Laurent Frier « en fonction des situations et des conceptions sociales. »182

Une telle relativisation du contenu du trouble à l'ordre public, orchestrée par la défaillance définitionnelle imputable au constituant camerounais, conduira le professeur Aba'a Oyono à affirmer que « l'utilisation de la notion d'ordre public par les autorités administratives, aboutit (...) à des dérapages, dès lors qu'elle obéit davantage à des considérations d'ordre politique que juridique. »183

Convient-il de retenir ici que les manipulations qui résultent de l'interprétation extensive, voire extensible de l'ordre public ; constituent très souvent un motif de violation insidieux des libertés publiques. Que dire alors de la restriction des libertés publiques par « l'intérêt supérieur de l'État » ?

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