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La protection du droit de manifester dans l'espace public


par Charles ODIKO LOKANGAKA
Université de Kinshasa - Doctorat 2020
  

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3. La conception immatérielle de l'ordre public

Aujourd'hui, la trilogie traditionnelle, défendue par Maurice Hauriou248(*) n'est plus exhaustive. A côté de l'ordre public matériel ou extérieur, se développe la notion de l'ordre public immatériel ou intérieur constitué de l'ensemble des règles juridiques et des valeurs qui s'imposent pour des raisons de moralité ou de sécurité impératives dans les rapports sociaux.249(*) De plus en plus, la notion de l'ordre public immatériel refait surface sur le champ des libertés fondamentales dont celui du droit de manifester. En France le juge a considéré comme légitime l'interdiction de la manifestation ayant comme mobil principal la distribution de la soupe au cochon. Considérant que parmi les populations françaises, il existe, celles qui ne consomment pas le cochon. Cette manifestation était considérée comme une discrimination et une provocation contre les musulmans et les juifs reconnus pour leur hostilité à la consommation de la viande de porc.

CHAPITRE DEUXIEME :
L'ÉVOLUTION DES CADRES CONTEXTUEL ET JURIDIQUE DE L'EXERCICE DE LA LIBERTÉ DE MANIFESTATION

L'État Indépendant du Congo vécut vingt-trois ans. La création et l'organisation de l'État Indépendant du Congo, État hors-normes, furent un cocktail d'ambitions et d'opportunités. L'adaptation aux circonstances joua un rôle majeur dans l'évolution des ambitions géostratégiques du roi, dans les campagnes contre les Afro-Arabes, dans les alliances ou les conflits avec les chefs locaux. Les attributs d'un État moderne furent fixés sur le papier : lois, services officiels, organigrammes bureaucratiques et hiérarchie250(*).

Le roi donna un caractère particulier à cet État par la constitution d'un « domaine privé » qui réservait à l'État et bientôt à des compagnies mixtes les ressources du sol et du sous-sol. Il en alla de même pour le « domaine de la couronne », concession gérée par l'État et dont les revenus devaient permettre au roi de financer des projets durables en Belgique. Avant son annexion par la Belgique, le Congo ressemblait plus à une entreprise privée qu'à une colonie classique. Si cette assertion passe pour vérité, il est dès lors illusoire d'imaginer que les manifestations publiques puissent prospérer dans une entité gérée comme une entreprise individuelle.

En 1908, le Congo deviendra une possession coloniale belge. Comment expliquer cette transformation d'un État en une Colonie ? Elle ne se fit pas à l'improviste; elle ne fut pas non plus, comme on pourrait le croire, uniquement le résultat des campagnes menées contre le régime léopoldien. En fait, l'annexion du Congo par la Belgique représente l'aboutissement d'un long travail de préparation : « elle trouve son origine à la fois dans la volonté du Souverain, dans l'aide financière capitale que la Belgique avait en une période difficile apportée à l'État, et dans la conscience de plus en plus grande que le peuple belge prenait, au début de ce siècle, de ses responsabilités devant l'oeuvre africaine »251(*).

Une succession d'événements marque les étapes qui préparèrent cette annexion. Leur point de départ se trouve en 1889 : cette année, Léopold II avait fait un testament dans lequel il déclarait « léguer et transmettre après sa mort, à la Belgique, tous ses droits souverains sur l'État Indépendant du Congo ». L'année suivante, la convention du 5 juillet 1890 faisait faire à la Belgique un nouveau pas en avant. Par cette convention, l'État Belge avait consenti à l'État Indépendant du Congo un prêt important de vingt-cinq millions de francs ; en contrepartie de cette aide, il avait reçu une option qui lui permettait, au bout de dix ans, de s'annexer le territoire du Congo. Cette annexion possible n'allait pas sans conditions, notamment celle d'éteindre par voie de confusion la dette contractée.

Une nouvelle étape fut atteinte en 1901. En effet, à ce moment, la convention de 1890 venait à échéance et la Belgique pouvait exercer son option. Déjà une proposition d'annexion était déposée au Parlement, lorsque Léopold Il, tout en confirmant son testament et en réaffirmant le droit de la Belgique, demanda de surseoir à l'annexion jusqu'au moment où le Congo serait tout à fait productif. En fait, le Souverain voulait éviter les dangers qu'aurait entraînés une annexion précipitée, mal préparée.

Déférant au désir du Roi, le Parlement chargea alors une commission, formée de députés appartenant à tous les partis, de préparer un projet de loi sur « le gouvernement des possessions coloniales de la Belgique ». Ainsi s'annonçait la dernière phase de l'évolution. Les campagnes déclenchées contre le système instauré au Congo allaient contribuer à précipiter les événements, et le 3 décembre 1907 le projet de loi souhaité était déposé sur le bureau de la Chambre. Ce projet consacrait la cession à la Belgique de « la souveraineté des territoires composant l'État Indépendant avec tous les droits et obligations qui y sont attachés »252(*). Après de laborieuses négociations, le Parlement votait le 20 août 1908, la loi réalisant l'annexion du Congo.

Le 15 novembre de la même année, l'État Indépendant cessait d'exister pour devenir « le Congo Belge ». Le pouvoir souverain du Roi Léopold II ayant été transféré au Royaume de Belgique, la mutation ainsi réalisée253(*) était riche en conséquence sur le plan de la règlementation interne : La Constitution belge de 1831 devrait s'appliquer sur le territoire de la colonie, le législateur belge avait désormais le lourd fardeau de doter la colonie d'un arsenal juridique conséquent susceptible d'y organiser la vie et le commerce, dans un esprit de paternalisme assumé par les colons. Il se posera la question de la jouissance des droits fondamentaux garantis dans la constitution belge parmi lesquels la liberté de manifestation par les habitants de la colonie (section I).

Cette période sera suivie par une autre, celle du règne du président Joseph-Désiré Mobutu, qui changera l'appellation du Congo en Zaïre et imposera une rude dictature durant un peu plus de 32 ans. Son règne aura été précédé par une courte durée d'un règne latent, qui durera 5 ans, soit de 1960 à 1965. Dans ce contexte de pouvoir autocratique, il n'est point de doute que la jouissance et l'exercice des droits fondamentaux de la personne humaine ait connu de sérieuses entraves. La liberté de manifestation, qui comporte en elle les germes de la contestation du pouvoir, ne pouvait qu'être regardée avec beaucoup de mépris sous la dictature (section II). Il n'est cependant pas exclu que des manifestations aient été organisées durant cette période. Elles répondaient toutefois à une stratégie d'expression du militantisme au gré du soutien des actions du parti unique devenu parti-État, même si certains mouvements de contestation pouvaient être inventoriés, surtout vers les années 90. La gestion des manifestations publiques sous les régimes kabilistes (section III) a vendu une image sombre de la RDC, si bien qu'au regard des atteintes multiples auxquelles le droit de manifester a fait face, on pouvait bien conclure à un recul, ou plutôt à une éclipse de la liberté de manifestation en RDC.

* 248HAURIOU (M.), Précis de droit administratif et de droit public, 9e éd., Paris, Sirey, pp. 549 et 550.

* 249Idem, p. 556.

* 250 VELLUT (J.-L.) (dir), La mémoire du Congo. Le temps colonial, Musée royal de l'Afrique centrale, 2005, p. 6.

* 251Idem, p. 8.

* 252 VELLUT (J.-L.) (dir), Op. cit, p. 98.

* 253 Certains auteurs indiquent qu'il s'agit en l'espèce de l'éclipse de l'Etat congolais, qui réapparaîtra en 1960, lors de l'accession du pays à la souveraineté internationale. Il en est ainsi du professeur VUNDUAWE TE PEMAKO.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo