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Le cadre juridique de la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Ouest

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par Akpélé Aimé Timalelo KOUASSI
Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr - Master 2 Droit international public 2017
  

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Section 2 : L'impulsion régionale dans la lutte antiterroriste ouest-africaine

Dans sa résolution 1624 ( 2005), adoptée le 14 septembre 2005 à l'unanimité par le Conseil de sécurité, en « rappelant que tous les États doivent coopérer sans réserve à la lutte contre le terrorisme, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, en vue de découvrir, de priver d'asile et de traduire en justice, conformément au principe extrader ou juger, quiconque prête appui au financement, à l'organisation, à la préparation ou à la commission d'actes de terrorisme, y concourt, y participe ou tente d'y participer, ou donne refuge à leurs auteurs » , l'ONU incite les initiatives par région en matière de lutte contre le terrorisme. L'instance à l'échelle mondiale est certes consciente de l'intégration poussée que doit entretenir ces différents États membres mais elle n'oublie pas l'importance de la prise en compte des réalités de chaque région par les décideurs de celle-ci qui en principe doivent prendre des mesures adéquates. Les causes de commission ou de participation indirecte à un projet antiterroriste varient en prenant en compte les disparités économiques, sociales, politiques qui existent dans les différents continents.

60 Le texte en intégralité sur :< https://treaties.un.org/doc/db/Terrorism/french-18-15.pdf >

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La célèbre devise «Connais-toi toi-même», inscrite au frontispice du Temple de Delphes et reprise par le célèbre philosophe grec Socrate trouve dans ce contexte tout son sens. Il incombe aux décideurs africains de mettre sur pied un modèle fidèle aux attentes africaines en matière de sécurité sur le continent face aux menaces prégnantes de ces dernières années. La concrétisation plus ou moins de cette vision des choses peut être observée en analysant les actions menées par les organisations d'intégration africaine (I) et, en particulier, grâce aux fondements mis en place par des projets initiés dans l'espace subsaharien pour ce qui est de notre ressort conformément à notre axe d'étude (II).

I- L'impact des décisions prises au sein l'union africaine

A l'instar des autres zones géographiques du monde, l'Afrique a adopté un certain nombre d'instruments juridiques traitant de la lutte contre le terrorisme.

Bien que l'Afrique de l'Ouest ne dispose pas de son propre cadre stratégique antiterroriste en tant que tel, les États africains, par l'intermédiaire de l'Union Africaine (UA) et de son prédécesseur, l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), ont commencé à développer des instruments juridiques et d'autres mécanismes de lutte contre le terrorisme bien avant les attentats de 2001 aux États-Unis. Le principal texte régional étant la Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme (A). Elle sera complétée en 2004 par un Protocole (B).

Notons que ces instruments complètent sans pouvoir les remplacer, les instruments internationaux qui permettent aux États d'une même région de pouvoir coopérer, y compris même avec ceux faisant partie d'une autre région.

A-Le principal instrument de lutte antiterroriste en Afrique avant les attentats de septembre 2001

En réponse à la montée de la violence terroriste en Algérie, en Afrique de l'Est et ailleurs sur le continent dans les années 1990, l'OUA a adopté la Convention sur la prévention et la lutte contre le terrorisme en juillet 1999, en Algérie, lors la 35e session ordinaire des chefs d'État et de

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gouvernement de l'OUA. Cette Convention établit les compétences des États en la matière et met à leur charge des obligations bien spécifiques.

Les premières lignes permettent de se rendre compte de la considération que l'Organisation africaine attache au respect des règles et coutumes de droit international qui régissent les rapports entre les États. Il est aussi fait référence à un certain nombre de résolutions et déclarations des Nations Unies en vue d'éliminer le terrorisme international. Nous pouvons en quelque parler d'une confirmation de l'impact universel du système onusien qui est d'ailleurs normal. La Convention insiste dans de manière répétitive sur les implications, les enjeux que font peser la menace terroriste mais elle galvanise les États africains à s'investir sur tous les fronts afin d'éradiquer le terrorisme dans « toutes ses formes et ses manifestions »61. Il s'est avéré important dans notre analyse de nous appesantir sur les compétences des États parties à cette Convention ainsi que les obligations supportées par celles-ci afin de comprendre l'essence même de ce dispositif.

1-La caractérisation de l'infraction terroriste

A l'instar de la forme de la plupart des conventions de droit international, la Convention de l'OUA débute en définissant dès son article 1 ses mots clés « Convention », « État partie », et bien sûr « Acte terroriste ». Nous nous intéressons au dernier terme, vu la portée générale de la Convention.

La définition de l'« acte terroriste » se trouve au paragraphe 3 de l'article 1. Elle s'articule autour de deux sous paragraphes : 3(a) et 3(b).

Dans le sous paragraphe (a), l'expression « tout acte ou menace d'acte en violation des lois pénales de l'État » met en exergue le caractère illégal de l'acte envisagé en ce sens que le non-respect aux lois constitue lui-même une infraction. Cela induit implicitement que les États légifèrent dans leur droit interne pour incriminer l'acte. En revanche, le terme « menace d'acte » employé signifie que la répression n'exige pas la réalisation entière de la transgression ; le fait qu'une personne ou une entité ait la possibilité ou bien l'intention (affichée ou non) d'un tel projet suffit en effet. En cas de situations ambiguës, le juge déterminera le degré d'accomplissement de la violation. La suite de la définition nous précise que l'acte doit être « susceptible de mettre en danger la vie, l'intégrité physique, les libertés d'une personne ou d'un groupe de personnes, qui occasionne ou peut occasionner des dommages aux biens privés ou publics, aux ressources naturelles, à l'environnement ou au patrimoine culturel ». Ce passage relève l'incompatibilité de « l'acte terroriste » avec ces aspects susvisés. Rappelons que tous les États de l'Afrique de l'Ouest sont liés

61Convention de l'OUA sur la Prévention et la Lutte contre le terrorisme

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par la Charte africaine des droits de l'homme du 27 juin 1981. C'est donc logiquement qu'ils se doivent de respecter et faire respecter les droits et libertés fondamentaux « reconnus et garantis » par ladite Charte comme le dispose l'article 262 de cette Charte. Ainsi, toute action de nature à porter atteinte à ces garanties relève de la catégorie des infractions de droit commun, et ne peut donc être considérée comme une infraction politique ; Après ces différents éléments repérés, nous relevons le fait que l'acte doit être « commis dans l'intention de ... ». Cette expression fait allusion aux répercussions que pourrait avoir l'acte terroriste. Il pourrait s'agir « d'intimider, provoquer une situation de terreur, forcer, exercer des pressions ou amener tout gouvernement, organisme, institution, population ou groupe de celle-ci, d'engager toute initiative ou de s'en abstenir, d'adopter, de renoncer à une position particulière ou d'agir selon certains principes ». Une attention particulière à ce passage nous ramène à l'élément principal des conséquences de l'acte tagué terroriste qui n'est rien d'autre que la terreur justifiée par une ignorance de la part des terroristes islamistes.

La conception du philosophe, juriste, médecin et mathématicien andalou Averroès ou Ibn Rochd (1126 - 1198) trouve ici tout son sens lorsqu'il soutient que « L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence. »63 . La terreur que fait planer le terrorisme se justifie ainsi par une violence omnipotente de la part des terroristes. On en distingue deux sortes de manifestations de la violence : la violence physique et la violence morale. La première se distingue par le fait qu'elle engendre un impact réel, un effet palpable sur un ou plusieurs individus. On peut, par exemple, évoquer les attentats à l'explosif avec pour conséquence un nombre importants de morts et blessés. Quant à la violence morale, elle est moins palpable mais s'appréhende plutôt comme celle de menacer d'accomplir un acte de terroriste si telle ou telle position n'est pas effective, ou renoncée. Toujours dans le même sous paragraphe 3(a), la Convention concerne l'acte terroriste effectué avec l'intention de « perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations ». Autrement dit, un acte qui a pour conséquences ces situations énumérées plus haut constitue une infraction. Le service public étant un élément crucial pour la continuité et la survie de tout État, une telle disposition va dans le sens du respect de l'ordre public, prérogative indispensable à la mise en oeuvre de la violence légitime de la puissance publique.

62 Article 2 Charte africaine des Droits de l'homme et des peuples : toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d'ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

63 10 citations contre le terrorisme et la barbarie , (mis en ligne le 31 juillet 2015) , Consulté le 21/11/2016, Disponible à l'adresse :< https://humeursmondialisees.blogspot.fr/2015/07/10-citations-contre-le-terrorisme-et-la.html >

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La définition au sous paragraphe 3 (a) s'achève par la formule « tout acte ou menace d'acte commis dans l'intention de créer une insurrection générale dans un État Partie. ». Toute personne répondant aux conditions de cette formule commet un acte terroriste. Nous savons que toute instance étatique est méfiante à l'idée d'un renversement, d'autant que cela pourrait aboutir à des crises graves pouvant occasionner de nombreuses pertes en vie humaines et des dégâts matériels considérables. A ce stade de la définition de l'acte terroriste, et par ricochet du « terrorisme », on peut remarquer la complexité d'une telle approche. On avait évoqué plus haut au niveau des initiatives onusiennes, le caractère fluctuant de cette notion évolutive en fonction du temps et de l'espace. Cette définition, du point de vue de cette conception, n'est forcément pas pareille à celle des autres régions. Des controverses, dès lors, subsistent.

En outre, la Convention vient épuiser la définition de l'acte terroriste à travers son sous paragraphe 3(b) : « Toute promotion, financement, contribution, ordre, aide, incitation, encouragement, tentative, menace, conspiration, organisation ou équipement de toute personne avec l'intention de commettre tout acte mentionné au paragraphe a (i) à (iii). » Il s'agit ici d'actions indirectes que les rédacteurs ont assimilées aux actions directes en rapport avec le terrorisme. Ce serait, en effet, injuste d'épargner un individu qui parce qu'il ne se contente que de fournir des moyens pour la réalisation d'un projet terroriste ou sa tentative, s'estimerait innocent. Ce dernier est bien évidemment un acteur indirect, c'est-à-dire qu'il sera poursuivi pour complicité ou coaction. Une attention particulière sur ce passage nous amène à soutenir que les rédacteurs auraient pu simplement se limiter au terme « financement » en ce sens que sur le point juridique « la contribution, l'aide, l'équipement » renvoient à celui-ci. Mais même si « nemo censetur ignorare legem »64, il s'agirait sans doute d'ouvrir le texte à la compréhension des profanes au « jus ».

D'ailleurs, la lutte contre le financement du terrorisme constitue l'une des thématiques ayant fait l'objet d'une attention particulière de la part des Nations Unies. Le texte de référence en la matière est la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 199965 . Le financement joue un rôle indéniable dans la réalisation des menées terroristes. En effet, «il concourt à faciliter aux auteurs d'actes terroristes à disposer les moyens requis pour accomplir leur forfait. En effet, par le financement, ils tirent leur capacité de projection, leur possibilité de se faire connaitre de recruter et d'entrainer leurs membres. »66

64 Locution latine signifiant « Nul n'est censé ignorer la loi », qui est un principe juridiquement reconnu.

65 Voir article 2 de la Convention

66 NDIAYE Djiby, Mémoire DEA, la Convention de l'QUA contre le terrorisme, Université Cheick Anta Diop, 2011

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Commet une infraction au sens de l'article 2 de cette Convention « 1 (...) toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l'intention de les voir utilisés ou en sachant qu'ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre :

a) Un acte qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l'un des traités énumérés en annexe ;

b) Tout autre acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque.

3. Pour qu'un acte constitue une infraction au sens du paragraphe 1, il n'est pas nécessaire que les fonds aient été effectivement utilisés pour commettre une infraction visée aux alinéas a ou b du paragraphe 1 du présent article.

4. Commet également une infraction quiconque tente de commettre une infraction au sens du paragraphe 1 du présent article.

5. Commet également une infraction quiconque :

a) Participe en tant que complice à une infraction au sens des paragraphes 1 ou 4 du présent article ;

b) Organise la commission d'une infraction au sens des paragraphes 1 ou 4 du présent article ou donne l'ordre à d'autres personnes de la commettre ;

c) Contribue à la commission de l'une ou plusieurs des infractions visées aux paragraphes 1 ou 4 du présent article par un groupe de personnes agissant de concert. Ce concours doit être délibéré et doit :

i) soit viser à faciliter l'activité criminelle du groupe ou en servir le but, lorsque cette activité ou ce but supposent la commission d'une infraction au sens du paragraphe 1 du présent article ;

ii) soit être apporté en sachant que le groupe a l'intention de commettre une infraction au sens du paragraphe 1 du présent article. »

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Pour en revenir à la Convention de l'OUA, nous pouvons dire qu'elle a procédé à une définition énumérative en délimitant les actes qui pourraient être classés dans la catégorie d'infractions terroristes. Il importe dès lors d'analyser les actes qui sont exclus de son champ d'application. A cet effet, les deux paragraphes de l'article 3 de la Convention méritent une introspection particulière. Tout d'abord, ledit article en son paragraphe 1 dispose que : « Sans préjudice des dispositions de l'Article premier de la présente Convention, la lutte menée par les peuples en conformité avec les principes du droit international, pour la libération ou leur autodétermination, y compris la lutte armée contre le colonialisme, l'occupation, l'agression et la domination par des forces étrangères, ne sont pas considérés comme des actes terroristes ». On doit pouvoir comprendre à travers ce passage que « le colonialisme, l'occupation, l'agression et la domination par des forces étrangères » puissent constituer des actes terroristes. Ce qui légitime ainsi toute « lutte armée » contre ces aspects visés du point de vue de la conception des rédacteurs. D'ailleurs, à ce titre le cas de l'Irak, avec l'intervention des États-Unis, est un bel exemple. La plupart des actes terroristes réalisés dans ce pays en 2003 ont pour origine l'invasion des États-Unis étant donné que « celui-ci n'avait pas reçu l'autorisation requise au sein de l'ONU »67. Pour la Palestine, c'est les violations des lois internationales par Israël, qui justifient la prolifération des actes terroristes dans cette zone68. Ainsi, l'on arrive au constat que les États-Unis et Israël sont des « forces étrangères » par rapport respectivement à l'Irak et la Palestine.

Ensuite, le paragraphe 2 dans le même ordre d'idée d'exclusion dispose que « Les considérations d'ordre politique, philosophique, idéologique, racial, éthique, religieux ou autres ne peuvent justifier les actes terroristes visés dans cette Convention ». Par conséquent, il est très difficile que des personnes physiques soient accusées d'être des auteurs d'actes de terrorisme en se basant que sur des « considérations » c'est-à-dire les raisons énoncées dans le paragraphe susmentionné. L'analyse de cet article vient, une fois de plus, confirmer la difficulté, à chaque fois qu'il est question de définir l'acte terroriste.

Par ailleurs, il faut préciser qu'au-delà de la réalisation de l'acte terroriste qui n'est qu'une des conditions d'application de la Convention, il est obligatoire que les États parties fassent figurer l'incrimination concernant le terrorisme dans leur dispositif juridique interne afin que celle-ci puisse avoir un effet d'opposabilité. Cependant, quelles sont les compétences des Etas parties ainsi que les obligations qui leur incombent ?

67 Thedrel, A. (2013) Guerre d'Irak : comment tout a commencé il y a dix ans, Le Figaro.fr, [en ligne ] le 20 mars 2013.Disponible sur : < http://www.lefigaro.fr/international/2013/03/20/01003-20130320ARTFIG00500-guerre-d-irak-comment-tout-a-commence-il-y-a-dix-ans.php > [Consulté le 21 novembre 20116]

68 Chagnollaud, J-P. (2014) Israël cesser l'occupation des territoires palestiniens, Le Monde.fr, [en ligne] le

22/07/2014.Disponible sur :< http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/07/22/israel-doit-cesser-l-occupation-des-
territoires-palestiniens_4461238_3232.html > [Consulté le 21/11/2016]

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2-Les compétences des États parties

Au titre des compétences, la Convention de l'OUA met à la disposition des États deux types de compétence : la compétence liée et la compétence discrétionnaire.

De prime abord , par « compétence » il faut juridiquement entendre ,suivant le dictionnaire de la terminologie du droit international , que l'on fait référence à un « terme dont le sens propre est d'indiquer que le pouvoir juridique de connaître d'une affaire, de légiférer sur certaines matières, de prendre une décision, de faire un acte, d'accomplir une action appartient à un État donné et non à un autre État ou à une institution internationale, que l'exercice de ce pouvoir soit ou non soumis à des règles du droit international ou laissé à l'appréciation discrétionnaire de cet État. »69 . Autrement dit, nous avons d'une part, une capacité reconnue à l'État mais guidée par des textes précis, l'État étant donc lié par ceux-ci, et de l'autre, la capacité avec un champ et des pouvoirs plus large qui sont à la disposition de l'instance étatique qui peut décider d'agir ou pas.

a-Les compétences liées des États parties

Pour ce qui concerne le cadre africain, la Convention de l'OUA renferme de nombreuses dispositions qui identifient clairement les compétences liées reconnues aux États. Elle confirme d'abord le caractère de la compétence à travers l'alinéa 1 de son article 6 en ce sens que

« Chaque État Partie est compétent pour connaître des actes terroristes visés à l'article premier ». La précision quant à la nature des actes soumis à la répression des États est dès lors explicite. Mais en poursuivant la lecture de notre article, il appert que la compétence de l'État ne peut être exercée que si « l'acte est commis sur son territoire ou en dehors de son territoire s'il est réprimé par sa législation nationale et si l'auteur de l'acte est arrêté sur son territoire »70. L'État est aussi fondé à agir lorsque « l'acte est commis à bord d'un navire arborant le drapeau de cet État ou d'un aéronef immatriculé en vertu de sa législation au moment où l'acte a été commis ; ou » si « l'acte est commis par un ou plusieurs de ses ressortissants ». (Article 6 alinéa 1 paragraphe b et c). Outre ces différentes situations, il peut avoir des cas dans lesquels pourront survenir des conflits de compétence entre les États parties à la Convention. La résolution de ces éventuels blocages va se faire à travers des procédés pacifiques, soit directement grâce à la coopération judiciaire entre les États en question, soit via la médiation des instances de l'UA. L'analyse par contre de toutes ces dispositions susmentionnées nous laisse sur notre faim en ce sens que le champ d'application de la compétence des États parties ne vaut que lorsque « l'acte est commis ». Il y a donc un vide

69Salmon, J. (2001) Dictionnaire de droit international public. Paris.Bruylant. pp-1200. ISBN : 978-2-8027-1520-7

70Article 6 alinéa 1 paragraphe a de la Convention de l'OUA de 1999

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juridique quant aux occasions dans lesquelles il y aurait eu que la tentative ou tout simplement si l'auteur est accusé d'avoir commis. En outre, « la ratification ou l'adhésion à la présente Convention » (alinéa 3 article 6) suffisent à rendre effectif la légalité d'exercice de la compétence de l'État. Cet effet immédiat s'explique sans doute par la volonté des États membres de lutter contre une menace omniprésente.

Quant à l'alinéa 4 de l'article 6 de la Convention, il dispose que « Chaque État Partie devra également prendre les mesures qu'il juge nécessaires pour établir sa compétence à connaître des actes visés à l'article premier au cas où l'auteur présumé se trouve sur son territoire et n'est pas extradé vers un État partie qui a établi sa compétence à connaître de tels actes conformément aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus. ». Les mesures nécessaires évoquées à travers ce passage ne sont rien d'autres que la pénalisation des actes dans le code pénal des États parties ainsi que la désignation de l'organe compétent à poursuivre et à juger l'auteur de l'acte. Ces mesures ont donc eu pour conséquence un réaménagement des dispositifs juridiques des États membres.

Nous relevons encore un vide juridique de la part de cette Convention en passant au peigne fin l'alinéa 1 de l'article 7. Cet alinéa se présente comme suit : « Une fois saisi de la présence sur son territoire d'une personne qui a commis ou qui est accusée d'avoir commis des actes terroristes tel que définis à l'Article premier, l'État Partie concerné doit prendre les mesures nécessaires, conformément à la législation nationale, pour enquêter sur les faits mentionnés dans l'information reçue. ». On voit ici cette centralisation de cet alinéa sur toute « personne qui a commis ou est accusée d'avoir commis des actes terroristes ». Quelle serait la solution à adopter au cas où la personne est « suspectée » d'être terroriste ? La Convention reste malheureusement muette dans ce cas.

Si notre réflexion sur les compétences liées laisse entrevoir des insuffisances notables, il nous revient néanmoins de poursuive notre périple en cogitant sur les compétences discrétionnaires.

b-Les compétences discrétionnaires des États parties

L'alinéa 2 de l'article 6 de la Convention de l'OUA sur le terrorisme détermine les domaines des compétences discrétionnaires. Il dispose qu'« Un État Partie peut également établir sa compétence à connaître de tout acte terroriste... » ; en vérité il s'agit d'une possibilité reconnue à l'État de choisir de connaître d'une affaire ou de s'en dessaisir au profit d'un autre État. Par contre, les matières pouvant faire l'objet de cette option sont explicitement précisées lorsqu'on poursuit la lecture de l'article 6. La première hypothèse c'est lorsque « l'acte est commis contre un de ses ressortissants ». Comme illustration à ce cas on peut évoquer la libération en décembre 2015

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par l'armée camerounaise dans l'Extrême-Nord du Cameroun de 900 otages parmi lesquels se trouvaient des ressortissants nigérians71. Etant donné qu'il s'agit d'un acte de terrorisme, le Nigeria a la possibilité d'exercer sa compétence.

Le texte poursuit en soulignant le cas où « l'acte est commis contre un État ou des installations gouvernementales de cet État à l'étranger, y compris son ambassade ou, toute autre mission diplomatique ou consulaire ainsi que tout autre bien lui appartenant » (article 6 alinéa 2 paragraphe b). Il ne s'agit rien d'autres que des hypothèses dans lesquelles la compétence de l'État est reconnue ipso facto puisque les intérêts des personnes morales mais aussi physiques de l'État sont conservés. Cette disposition a été sans doute rédigée pour donner une réponse claire et énergique à la suite des attentats perpétrés par Al-Qaïda contre les Ambassades des États-Unis à Nairobi le 7 août 198872.Rappelons que la Convention de Vienne de 1961 à laquelle sont liés les États africains disposent en son article 22 aux paragraphes 1 et 2 que « 1. Les locaux de la mission sont inviolables. Il n'est pas permis aux agents de l'État accréditaire d'y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission.

2. L'État accréditaire a l'obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin d'empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie. »73 Il est donc acceptable que l'État attaqué soit fondé en premier de connaître de l'affaire car logiquement « l'État victime est en mesure d'apprécier les dégâts et va les réprimer en fonction des dispositions de la loi pénale. Mais l'État où l'acte a été réalisé peut lui-même se déclarer compétent afin de juger les criminels mais en demandant l'avis de l'État victime »74 Il est de coutume que l'État accréditaire préfère lui-même régler le différend avec son national que de l'extrader. L'extradition a, en revanche, lieu si le délinquant est soit d'un pays tiers ou d'un État qui a décidé mettre en oeuvre les poursuites.

Pour ainsi dire, l'extradition constitue, en général, dans le fait pour l'État qui y procède d'exercer sa compétence sur un étranger ou dans les cas où « l'acte est commis par un apatride résidant habituellement sur le territoire de cet État ou l'acte est commis à bord d'un aéronef exploité par tout transporteur de cet État ou l'acte est commis contre la sécurité de cet État partie »( article 6 alinéa 2 paragraphe c , d et e )

71 Cameroun : l'armée affirme avoir libéré 900 otages et tué 100 islamistes. Le Parisien, [en ligne] le 02/12/2015. Disponible sur :< http://www.leparisien.fr/international/cameroun-l-armee-affirme-avoir-libere-900-otages-et-tue-100-islamistes-02-12-2015-5332935.php > [Consulté le 21/11/2016]

72 Lejeal, F. (2008) Attentats de Nairobi et Dar es-Salaam, Jeune Afrique, [en ligne] le 04/08/2008. Disponible sur : < http://www.jeuneafrique.com/130552/societe/attentats-de-nairobi-et-dar-es-salaam/ > [Consulté le 21/11/2016]

73 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 : https://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/19610070/index.html

74 NDIAYE Djiby, Mémoire DEA, la Convention de l'OUA...op.cit

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Au terme de notre examen sur les compétences discrétionnaires, nous pouvons retenir qu'il s'agit de garanties pour les États parties. Mais cette marge accordée ne signifie pas libertinage car des bornes et même des sanctions sont prévues. Quid des obligations que la Convention fait peser sur les États ?

2-Les obligations issues de la Convention

Il est possible de repartir les obligations qui incombent aux États africains parties à la Convention de l'OUA selon que l'infraction ait été réalisée ou pas.

a-L'obligation de prévention et de répression

A vrai dire, quand l'acte terroriste n'a pas été commis l'État doit répondre aux exigences que sont l'adoption de normes législatives et réglementaires pour prévenir les actes terroristes. A cela s'ajoute la promotion des accords de coopération. Tout domaine visant à assurer l'ordre public doit tomber sous le coup de la loi de sorte à garantir aussi bien la légalité que la légitimité afin d'éviter tout arbitraire. La prévention fait partie intégrante de l'intitulé de la Convention que nous étudions à présent et qui a pour libellé « Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme ». En pratique, la mise en oeuvre de cette obligation est transcrite par les États en obligation de faire ou de ne pas faire.

L'article 4, paragraphe 1 de la Convention dispose que « Les États Parties s'engagent à s'abstenir de tout acte visant à organiser, soutenir, financer, commettre, encourager des actes terroristes ou à mettre à leur donner refuge, directement ou indirectement, y compris leur fournir des armes ou les stocker, et à leur délivrer des visas ou des documents de voyage ». Ce passage concerne particulièrement les abstentions imparties aux États liés au texte. Il dégage un caractère contraignant pour ceux-ci. Toute non observation pourrait induire l'État en cause comme complice vu qu'il entrave à l'éradication de ce phénomène.

Pour prouver leur bonne foi, justement, la plupart des États parties ont adopté des lois spécifiques à la lutte contre le terrorisme75 .Ceux ne l'ayant pas encore fait disposent néanmoins dans leur ordonnancement juridique de « normes éparses contre le terrorisme »76. Cet impératif de prendre des « mesures légales » est conforté par le paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention qui dispose que « Les États Parties s'engagent à prendre toutes les mesures légales pour prévenir et

75 OCDE, Conflits liés aux ressources et terrorismes : Deux facettes de l'insécurité. Cahiers de l'Afrique de l'ouest.p.131 .2013

76 Ibid.

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combattre les actes terroristes, conformément aux dispositions de la présente Convention, ainsi que de leurs législations nationales respectives ». Il faut retenir ici, qu'en dehors des législations nationales, le droit international à travers les conventions est aussi un socle de référence pour les États. Cependant, en quoi doivent consister les « mesures légales » énoncées par la Convention de l'OUA sur le terrorisme ?

Il s'agit de plusieurs mesures, entre autres, de « veiller à ce que leur territoire ne soit pas utilisé comme base pour la planification, l'organisation ou la commission d'actes terroristes ou, pour la participation ou l'implication dans ces actes, sous quelque forme que ce soit ». C'est dans cet ordre d'idée que des pays ont mis sur pied leur cellule anti-terroriste avec pour but un travail en profondeur. Pour se faire, « les États membres créeront au sein de leur ministère chargé de la justice, de la défense et de la sécurité, des services spécialisés dotés de personnels qualifiés et d'équipements de communication.

Par ailleurs, les États parties se doivent de « mettre au point et renforcer les méthodes de surveillance et de détection des plans ou activités transfrontalières visant à transporter, à importer, à exporter, à amasser et à utiliser illégalement des armes, des munitions, des explosifs et d'autres matériels et moyens permettant de commettre des actes terroristes »77 . Il faut retenir, à travers ce passage, le besoin de technologies qui, de nos jours, permettent de pouvoir géo-localiser, traquer quelqu'un sans soupçon de la part de celui-ci. Hormis cela, ce passage implique aussi la mise en place de structures solides et anonymes qui pourront « surveiller les surveillants » car n'oublions pas que les terroristes disposent de moyens pour s'acheter les services de personnes chargées pourtant de les contrer. La corruption, en effet, est une réalité omniprésente des services publics en Afrique. Elle prend des proportions très considérables dans les administrations ouest-africaines78. C'est un projet, certes difficile, mais pas impossible si les moyens adéquats sont mis à disposition au niveau de secteurs concernant « le contrôle et la surveillance des frontières terrestres, maritimes et aériennes, ainsi que les postes de douanes et d'immigration, afin de prévenir toute infiltration d'individus ou de groupes impliqués dans la planification, l'organisation et l'exécution d'actes terroristes »79. Les États doivent aussi s'atteler à « renforcer la protection et la sécurité des personnes, des missions diplomatiques et consulaires, des locaux des organisations régionales et internationales accréditées auprès d'un État partie, conformément aux Conventions et règles

77 Article 4 paragraphe 2(b) de la Convention de l'OUA

78 Olivier, M. (2015), [Infographies]-la corruption, insupportable fardeau de l'Afrique subsaharienne, Jeune Afrique, [en ligne] le 03/12/2015. Disponible sur : < http://www.jeuneafrique.com/283738/societe/infographies-corruption-insupportable-fardeau-de-lafrique-subsaharienne/ > [Consulté le 21/11/2016]

79 Article 4 paragraphe 2(d) de la Convention...op.cit.

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pertinentes du droit international ». (Article 4 paragraphe 2(d). Pour cela, il faut donc de l'échange d'informations entre ces différents États et organisations régionales et internationales, focalisé sur les entités à vocation terroriste. Cela se justifie par l'article 4 paragraphe 2(e) de la Convention de l'OUA qui exige de « promouvoir l'échange d'informations et de connaissances spécialisées sur les actes terroristes, et mettre en place des bases de données sur les éléments, groupes, mouvements et organisations terroristes ».

Nous pouvons, partiellement, retenir que bien au-delà de la bonne foi des rédacteurs de la Convention, tous les pays africains ne respectent pas toujours les clauses de leur engagement80. Cela ne doit pourtant pas les empêcher de faire des efforts pour promouvoir les accords de coopération.

En validant les instruments de ratification ou d'adhésion, les Etas parties se sont engagés à faire la promotion des accords de coopération. L'article 5 de la Convention, fondement de cette autre obligation, à cet effet, dispose que « les États Parties coopèrent mutuellement pour prévenir et combattre les actes terroristes, conformément à leurs législations et procédures nationales respectives, dans les domaines » énumérés dans les paragraphes dudit article ». De quels domaines s'agit ?

Parmi les domaines de coopération, l'information occupe une position cruciale. En effet, elle constitue un moyen de mettre au courant les États parties , de la présence ou la circulation d'un terroriste ou d'un auteur d'actes terroristes en Afrique.81 Cela est transcrit à travers la formule « les États Parties s'engagent à renforcer l'échange mutuel d'informations (... )»82. Les échanges des informations doivent donc être améliorés. Avec les progrès technologiques de notre époque, cette interaction se fait de manière sécurisée à travers des plateformes chiffrées pour empêcher toute soustraction de données sensibles. Cet « échange » doit porter sur « les actes et infractions commis par des groupes terroristes, leurs dirigeants et leurs membres, leurs quartiers généraux et leurs camps d'entraînement, leurs moyens et sources de financement et d'achat d'armes ainsi que les types d'armes, de munitions et d'explosifs utilisés, et sur tous autres moyens en leur possession ». Cet extrait fait une énumération des domaines de coopération les plus stratégiques à prendre en compte. Pour nous, les renseignements sur les acteurs, leur logistique et leurs sources de financement doivent faire l'objet d'une attention particulière de la part des États parties. Aucune guerre ne peut être menée sans argent. Outre cela, « les méthodes et techniques de communication et de propagande utilisées par les groupes terroristes, le comportement de ces groupes, les

80 NDIAYE Djiby, Mémoire DEA, la Convention de l'QUA ...op.cit.

81 Ibid.

82 Article 5 de la Convention de l'OUA

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mouvements de leurs dirigeants et de leurs membres, ainsi que leurs documents de voyage. » doivent passer au peigne fin des services secrets ou agences de renseignement de sorte à réciproquement mettre les États parties sur le même piédestal. C'est justement à travers ces procédés et techniques que les terroristes infiltrent les civils, trouvent leur repère pour ensuite se livrer à des attentats.

Les terroristes, eux aussi, se sont lancés dans une grande entreprise de coopération : la secte islamiste Boko Haram a fait allégeance à l'État islamique83. A l'instar de cette initiative, il importe aux États parties à la Convention d'étendre leur coopération au-delà des strates étatiques, politiciennes. Toutefois, si des objectifs efficients veulent être atteints, les États parties doivent rigoureusement respecter « la confidentialité de toutes informations échangées entre eux et à ne pas fournir une telle information à un autre État qui n'est pas partie à la présente Convention ou à un État partie tiers sans le consentement préalable de l'État Partie qui a donné l'information »84. Cette disposition est la bienvenue pour rappeler la portée de l'engagement des États parties. En outre, « les État Parties s'engagent à promouvoir la coopération mutuelle et à s'entraider en ce qui concerne les procédures d'enquête et d'arrestation des personnes suspectées, poursuivies, accusées ou condamnées pour des actes terroristes conformément à la législation nationale de chaque État Partie ». En ce qui nous concerne, ce passage est bien évidemment le sens même de coopérer. C'est une action tout à fait normale à poser par les États parties.

La coopération « pour entreprendre et échanger des études sur la manière de combattre les actes terroristes » n'est pas en marge des obligations. Elle a abouti à la création du centre d'étude et de recherche sur le terrorisme. Il revient donc aux gouvernements de coopérer pour fournir « toute assistance technique et opérationnelle en matière d'élaboration de programme »85.

Au terme de notre analyse sur les obligations des États parties en matière de prévention des menées terroristes, nous pouvons conclure que les rédacteurs ont eu à coeur de mettre en place des mécanismes inébranlables. Il ne reste qu'aux États de s'y investir pleinement et de bonne foi. En dehors de la prévention, il existe aussi la répression. Quelles obligations pour les États parties dans ce cas ?

83 Boko Haram fait allégeance au groupe État islamique, RFI, [en ligne] le 07/03/2015. Disponible sur : < http://www.rfi.fr/afrique/20150307-boko-haram-fait-allegeance-groupe-etat-islamique >[Consulté le 21/11/2016]

84 Article 5 paragraphe 3 de la Convention de l'OUA contre le terrorisme

85 Auvret-Finck Josiane, L'Union européenne et la lutte contre le terrorisme : état des lieux et perspectives, Larcier, 2010, ISBN : 978-2-8044-3958. pp.331.

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2-La répression à travers le régime de l'extradition

Les obligations ici s'articulent autour du régime de l'extradition prévu par la Convention et de la reconnaissance d'un certain nombre de droits aux auteurs ou présumés auteurs d'actes terroristes en vertu des Droits de l'Homme.

a-Les conditions de mise en oeuvre de l'extradition

L'extradition se définit sur le plan juridique comme « la procédure d'entraide répressive internationale par laquelle un État appelé requis accepte de livrer un délinquant qui se trouve sur son territoire à un autre État ; l'État requérant, pour que ce dernier puisse juger cet individu ou s'il a déjà été condamné, pour lui faire subir sa peine »86 Autrement dit, l'extradition est la plupart du temps mise en oeuvre lorsque la personne concernée est un étranger dans l'État où il est poursuivi. A contrario, les États préfèrent eux-mêmes, en principe, connaître des affaires de leurs délinquants. A propos de l'Afrique, en matière d'extradition, hormis les textes régionaux et accords bilatéraux ou multilatéraux, la Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme demeure une référence. Son article 8 paragraphe 1 dispose que « les États Parties s'engagent à extrader toute personne poursuivie, inculpée ou condamnée pour des actes terroristes commis dans un autre État Partie et dont l'extradition est sollicitée par cet État conformément aux procédures et modalités prévues par la présente Convention ou en vertu d'accords d'extradition signés entre eux et sous réserve des dispositions de leurs législations nationales ». On comprend par-là que c'est une procédure bien structurée. Elle doit ainsi répondre à des conditions bien précises Parmi ces conditions que nous pouvons qualifier d'élémentaires, il y a le fait que l'infraction consommée doit être punie comme infraction criminelle ou délictuelle dans l'État requis à travers sa législation. Dans la présente Convention, l'acte doit être qualifié d'acte terroriste s'il rentre dans la définition des actes terroristes prévus par la Convention. Il s'agit là d'un impératif, autrement dit une condition que les États devraient remplir à travers leur ordre juridique. « Chaque État partie s'engage à inclure comme une infraction passible d'extradition, tout acte terroriste tel que défini à l'article 1 de cette Convention dans tout traité d'extradition existant entre des États parties avant ou après l'entrée en vigueur de la présente Convention »87 . Comme illustration, nous pouvons évoquer l'extradition vers la CPI (Cour Pénale Internationale) du « touareg Ahmad Al Faqi Al Mahdi, accusé de crime

86 Emmanuelle Saulnier-Cassia, la lutte contre le terrorisme dans le droit et la jurisprudence de l'Union européenne, LGDJ, 2014, ISBN :2275043470, 9782275043470 ,517pp.

87 Article 9 de la Convention de l'OUA

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de guerre pour avoir "dirigé intentionnellement des attaques" contre neuf des mausolées de Tombouctou et contre la porte de la mosquée Sidi Yahia entre le 30 juin et le 11 juillet 2012. »88

Néanmoins, chaque État peut « adresser au Secrétaire général de l'UA, les motifs pour lesquels l'extradition ne peut être demandée, en indiquant les dispositions juridiques empêchant une telle extradition conformément à sa législation nationale ou aux Conventions internationales auxquelles il est partie. Le Secrétaire général transmettra ces motifs aux États Parties ». (Article 8 paragraphe 2 de la Convention.) Il s'agit à ce niveau, d'une option reconnue aux États si l'on sait que ceux-ci sont membres de plusieurs conventions qui pourraient présenter des incompatibilités avec d'autres. Il est alors important de vérifier la faisabilité de l'extradition qui doit être justifiée en cas de refus de la part de l'État requis.

Toutefois, l'État requérant doit lui aussi motiver sa demande d'extradition en accompagnant ladite demande des pièces énumérées à l'article 11 de la Convention89. Par contre, l'article 8 paragraphe 3 de la Convention prévoit des cas où l'extradition pourrait être refusée. Selon ledit article, « L'extradition ne peut être acceptée si un jugement définitif a été prononcé par les autorités compétentes de l'État requis contre l'auteur d'un ou de plusieurs actes terroristes fondement la demande d'extradition. L'extradition peut également être refusée si les autorités compétentes de l'État requis décident soit de ne pas engager, soit d'interrompre la procédure judiciaire relative à ce ou ces actes terroristes. » Il faut souligner que le refus d'extrader n'implique pas impunité du délinquant car il y a la possibilité pour l'État requérant d'exiger des poursuites judiciaires de la part de l'État requis à l'égard de son citoyen. Ce principe énoncé par Hugo de Grotius est connu par les juristes sous la formule aut dedere aut judicare : « Lorsqu'il en est requis, un État doit soit punir le coupable comme il le mérite, soit le remettre entre les mains de l'État requérant » 90. Son but est tout simplement de combattre l'impunité.

Cependant, quelle est la conduite à tenir pour un État partie en cas de plusieurs requêtes ? La question trouve sa réponse à l'article 13 de la Convention qui dispose que « Au cas où un État Partie est saisi de plusieurs requêtes d'extradition de divers autres États Parties au sujet du même suspect et pour le même acte ou pour des actes différents, il examine ces requêtes en tenant compte de toutes les circonstances, notamment la possibilité d'une nouvelle requête d'extradition, les dates de réception des diverses requêtes et la gravité de l'acte ».

88 Le premier jihadiste jugé par la Cour pénale internationale, Ahmad Al Faqi Al Mahdi, condamné à 9 ans de prison, LE HUFFINGTON POST [en ligne] le 05/10/2016. Disponible sur : < http://www.huffingtonpost.fr/2016/09/27/le-premier-jihadiste-juge-par-la-cour-penale-internationale-ahm/> [Consulté le 21/11/2016]

89 Lire : Article 11 de la Convention de l'OUA

90 Hugo Grotius, De Jure Belli ac Pacis, Livre II, chap. XXI, sect. IV. Le droit de la guerre et de la paix : traduction française, par Jean Barbeyrac, Amsterdam, Pierre de Coud, 1724, vol. 1, p. 639 à 660, p. 640.

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N'oublions pas que les États préfèrent juger leurs propres ressortissants. A défaut, la Cour Internationale de Justice peut se prononcer sur les différends existants entre les États si les recours prévus par la Convention sont épuisés sans parvenir à un accord entre les différentes parties91. Outre cela, il faut rappeler que parmi les refus d'extradition, il y a généralement le motif suivant lequel l'État requis refuse si la personne encourt des sanctions qui sont de l'ordre à porter atteinte au respect des droits de l'homme. La Cour européenne des Droits de l'Homme (C.E.D.H) , à cet effet, a jugé que l'extradition d'une personne qui se trouverait de ce fait exposée au « syndrome du couloir de la mort » est contraire aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme aux termes duquel « nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitement inhumain ou dégradant»92 Cette conception peut être implicitement justifiée par l'article 8 paragraphe 2 de la Convention en ces termes : « tout État Partie peut, au moment du dépôt de ses instruments de ratification ou d'adhésion, adresser au Secrétaire général de l'OUA, les motifs pour lesquels l'extradition ne peut être demandée (... ) ».

Dans le cas où l'extradition est acceptée, l'article 13 paragraphe 2 de la Convention dispose que « les États Parties s'engagent à saisir, confisquer et transmettre les biens et revenus provenant d'activités terroristes vers l'État requérant. » Ces biens selon leur valeur pourront soit aider à dédommager les préjudices qu'ils auraient pu occasionner, soit ils constitueront aussi des sources crédibles pour comprendre et détecter l'ensemble du réseau terroriste en cause.

Même si nous pouvons unanimement admettre que les menées terroristes du fait de leurs conséquences méritent des mesures très sévères de la part des États, cela ne doit pas nous empêcher de reconnaître que les terroristes demeurent des êtres humains et qu'ils nécessitent par conséquent qu'on leur reconnaisse des droits.

b-Les garanties reconnues aux délinquants ou présumés terroristes en matière de répression

La reconnaissance des droits de la défense est un principe général reconnu dans la plupart des pays démocrates ; il est surtout en accord avec l'État de droit. Exceptée la procédure de flagrance93, où la culpabilité du terroriste ne souffre d'aucune contestation, un problème se pose par contre lorsque celui-ci est accusé ou est présumé auteur d'un acte à portée terroriste. Les droits de la

91 Article 35 du Statut de la CIJ (Cour Internationale de Justice)

92 (P.) Daillier, (M.) Forteau, (A.) Pellet, (Nguyen Quoc Dinh †), Droit international public, Paris, LGDJ, 2009, 8ème édition, p.614.

93 Le flagrant délit (de l'expression latine in flagrante delicto) est une situation où une personne est prise sur le fait au moment de son infraction (ou immédiatement après) et en possession d'indices démontrant sa participation à cette infraction. Cela ouvre alors une enquête de flagrance.

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défense existent à bon escient pour élucider cette situation de doute. Peu importe les situations, les États ont pour obligation de « reconnaitre les droits des auteurs ou présumés auteurs d'actes terroristes. »94

En matière de garanties dont disposent les auteurs ou présumés auteurs d'actes terroristes, conformément à l'article 7 paragraphe 3 (a) de la Convention, les États parties doivent leur permettre « d'entrer immédiatement en contact avec le représentant compétent de son État d'origine ou de l'État chargé d'assurer la protection de ses droits, ou encore, en cas d'apatridie, avec le représentant de l'État sur le territoire duquel il réside habituellement ». Cela va dans le sens du respect des droits de l'homme. Aussi, la Convention précise que l'auteur ou présumé terroriste droit « d'être informé de ses droits aux termes des alinéas (a) et (c) ». (Article 7 paragraphe 3 (d) de la Convention). Même si l'on reconnaît la règle universelle « Nemo censetur ignorre legem »95 consacrée par les juristes, il arrive en effet, que le présumé terroriste n'ait aucune connaissance de ses droits « soit parce qu'il est analphabète, soit qu'il n'avait pas accès aux instruments juridiques lui permettant de saisir les avantages que lui procure le droit »96. D'ailleurs, la liberté d'expression et d'association et, le droit à l'information sont des garanties parmi d'autres auxquelles ils ont droit. Ainsi, le fait de lutter contre le terrorisme ne doit pas servir de justifications aux États parties pour commettre la violation de normes et valeurs fondamentales liées aux droits de l'homme. Seul le droit international des droits de l'homme peut établir des tempéraments à cette logique. Malgré tout, il convient de noter que la Convention renferme des insuffisances en matière de reconnaissance des droits des terroristes. Elle laisse un grand champ au droit interne. Cela a pour conséquence l'adoption par les États de mesures de lutte contre le terrorisme qui constituent une ingérence dans la vie privée. Par exemple, les procédures de perquisition, d'arrestation et de garde à vue sont parfois arbitraires.

94 NDIAYE Djiby, mémoire DEA, la Convention de l'OUA ...op.cit.

95 Traduit en français par « Nul n'est censé ignorer la loi ». Cet adage s'explique pour des raisons pratiques car c'est tout d'abord un principe nécessaire à l'ordre social (quel serait le tableau si on admettait que l'ignorance de la loi soit une excuse suffisante pour s'y soustraire, y désobéir) car sinon ce serait une prime à l'ignorance et une peine infligée à l'intelligence, source d'inégalité entre les citoyens mais aussi une source de paralysie de l'action de l'État.

96 NDIAYE Djiby, mémoire de DEA ...op.cit.

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B-Le Protocole additionnel à la Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme

En 2001, les dirigeants africains ont opté pour un nouvel élan dans la mise en oeuvre de la Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme par l'adoption de la déclaration de Dakar contre le terrorisme, qui a ouvert la voie au développement en 2002 du plan d'action de l'UA pour la prévention et la lutte contre le terrorisme en Afrique. Il faut souligner que ce plan exprimait de manière concrète les obligations exposées dans la Convention de l'OUA et dans la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l'ONU. Ce plan s'est transformé en projet de Protocole avec pour visée l'établissement d'un « Mécanisme pour la lutte contre le terrorisme », car la Convention d'Alger97 n'en prévoit aucun.

Le projet a finalement été adopté comme Protocole additionnel à la Convention de l'OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme par la conférence de l'Union africaine lors de sa troisième session ordinaire, qui s'est tenue du 6 au 8 juillet 2004 à Addis-Abeba en Éthiopie. La conférence de l'Union africaine avait demandé à la commission de l'UA de prendre toutes les mesures nécessaires pour accélérer son entrée en vigueur. Le Protocole, selon le paragraphe 2 de son article 2, a « pour objectif principal de renforcer la mise en oeuvre efficace de la Convention et de donner effet à l'article 3 (d) du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, sur la nécessité de coordonner et d'harmoniser les efforts du continent dans la prévention et la lutte contre le terrorisme dans tous ses aspects ainsi que sur la mise en oeuvre des autres instruments internationaux pertinents ».

En pratique, le Protocole de 2004 met à la charge du Conseil de paix et de sécurité de l'UA, l'harmonisation et la coordination au niveau continental, des efforts de prévention et de lutte contre le terrorisme. Le Commissaire en charge de la paix et de la sécurité est quant à lui responsable du suivi des questions liées à la prévention et la lutte contre le terrorisme, avec le soutien du Centre africain d'études et de recherche sur le terrorisme (CAERT) crée en 2004, basé à Alger98 .

C'est donc un cadre stratégique qui prend en compte un grand nombre de mesures de prévention qui existaient déjà et reconnaît un grand nombre de conditions favorables à la recrudescence du terrorisme et des abus liés aux droits de l'homme déjà identifiés dans la Stratégie et dans les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l'ONU.

97 Convention de l'OUA de 1999 sur la prévention et la lutte contre le terrorisme a été adoptée à Alger.

98 Metou, B. (2015) Vers un sommet de l'UA consacré à la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme [en ligne]. Disponible sur : < http://www.sentinelle-droit-international.fr/?q=node/88 > [Consulté le 21/11/2016].

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Au terme de notre analyse sur la Convention de l'OUA ainsi que de son Protocole additionnel, nous pouvons conclure que ce sont là des instruments juridiques à portée générale qui ont certes pour ambition de réprimer sévèrement le terrorisme mais tout en garantissant le respect de droits fondamentaux dont jouit tout être humain même s'il a enfreint à l'ordre public. L'esprit véhiculé par ces instruments existait plus ou moins déjà dans certains textes sous-régionaux.

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