II- les textes exclusivement adoptés dans le cadre
ouest-africain
La perception en Afrique de l'Ouest de l'influence des bases
juridiques élaborées au sein de l'instance de l'UA s'est faite
à travers l'adoption de conventions sous régionales. Les
principales interviennent dans le cadre de la coopération judiciaire et
policière dans la sous-région pour combattre le terrorisme et les
infractions connexes. Pour ainsi dire, les principaux instruments juridiques
sont recensés au niveau des organisations sous régionales telles
que la CEDEAO (A) et l'UEMOA (B).
A-Dans le cadre de la CEDEAO
Lorsqu'on essaie de se focaliser sur l'analyse des dates
d'adoption des deux conventions principales à savoir la Convention
d'extradition de 1994 et la Convention relative à l'entraide judiciaire
de 1992, l'on peut affirmer que les pays de cette sous-région avaient
déjà anticipé l'esprit des Conventions et Protocoles
internationaux, régionaux en matière de lutte contre le
terrorisme. Toutefois, il convient de préciser la portée
générale de ces conventions qui traduisent la volonté des
États de l'Afrique de l'Ouest de « concourir ensemble à la
répression des crimes et délits sur l'ensemble du territoire de
la Communauté »99 .
1-La Convention d'Extradition A/P.1/8/94, 1994
Cet instrument juridique vise toutes les infractions passibles
d'extraditions y compris les actes terroristes. Cette Convention nous
révèle les principes et les conditions d'extraditions en vertu de
la compétence reconnue aux États parties.
Concernant les conditions, il faut distinguer celles se
rapportant aux faits et à la personne (a) et à
celles relatives à la peine et à la compétence
(b).
99 Préambule de la Convention d'extradition de
la CEDEAO de 1994
a-Les conditions relatives aux faits et à la
personne
Les conditions tenant aux faits sont en partie contenues dans
l'article 3 de ladite Convention. Celui-ci dispose en son alinéa 1 que
«ne pourront donner lieu à extradition que les faits punis par les
lois de l'État requérant et de l'État requis d'une peine
privative de liberté d'au moins deux ans ». Cette condition de
réciprocité est qualifiée dans le langage juridique de
« principe de double incrimination »100. En outre, il
importe de souligner que si une condamnation à une peine a
déjà eu lieu dans l'État requérant, l'extradition
ne pourra être accordée que si la peine restant à purger
est au moins de six mois101 .
Comme nous avons pu le souligner avec la Convention de l'OUA ,
certains faits peuvent justifier le refus d'extradition de la part de
l'État requis .On peut citer les cas suivants où une telle
décision est fondée : dans le cas d'une infraction politique, en
cas de de poursuite fondée sur des considérations de race , de
tribu , de religion, si la personne demandée subira des peines et
traitements inhumains ou dégradants, en cas d'incompatibilité
avec des considérations humanitaires liées à l'âge
ou à l'état de santé de l'individu réclamé,
s'il s'agit d'une d'infraction militaire, lorsque la personne
réclamée a déjà été jugée dans
l'État requérant par une juridiction
d'exception102.
Quant aux conditions portant sur la personne, le droit
d'extradition autorise l'État requis de ne pas extrader ses nationaux.
Cette règle est présente dans la plupart des Conventions
d'extradition. La Convention d'extradition de la CEDEAO l'évoque
d'ailleurs en ces termes : « l'extradition d'un national de
l'État requis sera laissée à la discrétion de cet
État. La qualité de national s'apprécie à
l'époque de la commission de l'infraction pour laquelle l'extradition
est demandée »103. Néanmoins, l'État
requis a l'obligation d'informer l'État requérant de sa
décision de ne pas extrader son ressortissant.
A présent, focalisons-nous sur les autres conditions
mentionnées plus haut.
100 L'exigence de la double incrimination est l'une des
règles générales appliquées à l'extradition.
Si l'on apprécie de manière extensive cette notion, on peut en
déduire qu'elle a une double portée : elle signifie tout d'abord
que l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée doit exister
aussi bien dans l'ordre législatif de l'État requis que dans
celui de l'État requérant. Elle signifie ensuite que cette
infraction doit avoir un certain degré de gravité pour pouvoir
justifier l'extradition.
101 Article 3 paragraphe 1 de la Convention d'extradition de la
CEDEAO
102 Article 4 alinéa 1 et 2, Article 5, 6, 7 et 8 de la
Convention relative à l'extradition entre les États membres de la
CEDEAO
103 Article 10 alinéa 1 de la Convention relative à
l'extradition entre les États membres de la CEDEAO
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b- Les conditions tenant à la peine et à la
compétence
Les anciennes conventions énuméraient toutes les
infractions punies. Mais de nos jours, les rédacteurs ont opté
pour des critères permettant de regrouper lesdites infractions et de
déterminer la gravité de la peine. Il y a, par exemple, le
critère de la loi pénale compétente et celui du temps
minimal prévu pour la peine privative de liberté. Les conventions
d'extradition peuvent prévoir la prise en compte de la loi de
l'État requérant et/ou de l'État requis comme loi
pénale compétente pour accorder l'extradition d'un individu. A
cet effet, la Convention relative à l'extradition entre les États
membres de la CEDEAO dans son article 1, dispose que : « donneront
sous certaines conditions lieu à l'extradition les faits punis par les
lois de l'État requérant et de l'État requis d'une peine
privative de liberté d'un minimum de deux ans ». Le temps
minimal prévu pour la peine privative de liberté, suivant la
Convention susmentionnée, doit être au moins de deux ans.
Concernant les conditions relatives à la
compétence, elles dépendent soit de l'État
requérant, soit de l'État requis. Pour ce qui est de
l'État requérant, comme tout État, il peut faire valoir
ses compétences personnelle et territoriale. Mais cela n'est pas
clairement exprimé dans cette Convention. En effet, son article 2 ne
fait que disposer que « les États et autres parties
adhérentes s'engagent à se livrer réciproquement, selon
les règles et sous les conditions déterminées par ladite
Convention, les individus qui se trouvant sur le territoire de l'État
requis, sont poursuivis pour une infraction ou recherchés aux fins
d'exécution d'une peine par les autorités judiciaires de
l'État requérant ».Toutefois, La compétence de
l'État requis peut empêcher la procédure d'extradition
étant donné qu'il peut se prévaloir du principe de la non
extradition de ses ressortissants. A vrai dire celui-ci a le droit d'extrader
ses ressortissants ou de ne pas le faire. En d'autres termes, «
l'État requis peut accorder l'extradition, tout comme il peut refuser
d'accorder l'extradition de ses ressortissants »104. En dehors
des conditions spécifiques à cette Convention, il importe aussi
de se pencher sur les principes et la procédure relatifs à
celle-ci.
-Les principes de l'extradition dans l'espace CEDEAO
Ces principes peuvent être classés en deux
catégories. L'alinéa 2 de l'article 2 nous révèle
le premier principe en ces termes : « les États et autres parties
adhérentes s'engagent à se livrer réciproquement, selon
les règles et sous les conditions déterminées par ladite
Convention, les individus qui se trouvant sur le territoire de l'État
requis, sont poursuivis pour une infraction ou recherchés aux fins
d'exécution d'une peine par les autorités judiciaires de
l'État requérant ».On peut
104 Martial Fabrice ETEME ONGONO, La coopération
judiciaire pénale dans les communautés économiques
régionales en Afrique : cas de la CEEAC et de la CEDEAO,
Université de Yaoundé II - Master en Droit public international
et communautaire 2013.
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déduire ce passage qu'il s'agit du principe de
l'engagement réciproque de remise des personnes poursuivies ou
recherchées.
Quant au deuxième principe, il se rapporte à la
prise en considération de l'intérêt des mineurs au moment
de la demande de l'extradition. Il a pour fondement juridique l'article 2,
alinéa 2 de la Convention relative à l'extradition entre les
États membres de la CEDEAO qui dispose comme suit: « les
autorités compétentes de l'État requérant et celles
de l'État requis prendront en considération
l'intérêt des mineurs âgés de dix-huit ans au moment
de la demande les concernant, en recherchant un accord sur les mesures les plus
appropriées toutes les fois qu'elles estimeront que l'extradition est de
nature à entraver leur reclassement social ». Il s'agit en
quelque sorte d'une garantie à prendre des décisions pouvant
assurer le bien-être des mineurs. Quid de la procédure
d'extradition en elle-même ?
-La procédure d'extradition dans l'espace CEDEAO
La procédure d'extradition est certes
subordonnée à la décision de l'État mais il faut
obligatoirement qu'une demande d'extradition explicite soit formulée par
l'État requérant. Rappelons que c'est la loi de l'État
requis qui est « la seule applicable en matière de procédure
d'extradition. D'ailleurs, l'État requérant et l'État
requis doivent assurer à la personne réclamée les droits
de la défense notamment celui d'être entendue par une
autorité judicaire et celui d'avoir recours à un avocat choisi
par cette personne »105. Aussi, une autorité judiciaire
devra apprécier la détention à titre extraditionnel ainsi
que les conditions de détention de la personne réclamée.
Selon l'article 18 alinéa 1 de la Convention « la requête
sera formulée par écrit et adressée par le
Ministère de la Justice de l'État requérant au
Ministère de la Justice de l'État requis ; toutefois la voie
diplomatique n'est pas exclue. Une autre voie pourra être convenue par
arrangement direct entre deux ou plusieurs États ». Une fois la
requête reçue, les autorités compétentes de
l'État requis étudieront la demande d'extradition. En cas
d'acceptation ou de rejet de la demande d'extradition, l'État requis en
informera l'État requérant dans les plus brefs délais.
Cependant, en cas de rejet de la demande d'extradition par l'État
requis, celui-ci doit motiver sa décision de rejet.
Au-delà de la procédure, nous avons pu remarquer
que cette Convention nous apporte quelques informations au sujet de ses
relations avec les autres conventions et autres accords. En effet, elle dispose
à l'alinéa 3 de son article 4 que sa mise en oeuvre «
n'affectera pas les obligations que les États auront assumées ou
assumeront aux termes de la Convention de Genève du 12 août
105 Ibid.
1949 et de ses protocoles additionnels ainsi que de toute
autre Convention internationale à caractère multilatéral
». L'examen de ce passage prouve ainsi la supériorité des
conventions internationales à caractère multilatéral. Quid
de la deuxième Convention principale en vigueur entre la plupart des
États de l'Afrique de l'Ouest ?
2-La Convention A/P.1/7/92 sur l'entraide judiciaire en
matière pénale
Cette Convention s'inscrit dans le même esprit que la
Convention sur l'extradition : la volonté des États de l'Afrique
de l'Ouest de créer un large domaine de coopération et surtout de
ne pas laisser la criminalité impunie.
Aux termes du paragraphe 2 de l'article 2 de ladite Convention
« l'entraide judiciaire prévue aux termes des
dispositions de la présente Convention vise :
(a) le recueil de témoignages ou de dépositions
;
(b) la fourniture d'une aide pour mise à la
disposition des autorités judiciaires de l'État membre
requérant de personnes détenues ou d'autres personnes, aux fins
de témoignage au d'aide dans la conduite de l'enquête ;
(c) la remise des documents judiciaires ;
(d) les perquisitions et les saisies ;
(e) les saisies at les confiscations des fruits
d'activités criminelles ;
(i) I `examen d'objets et de lieux :
(g) la fourniture de renseignements et de pièces
à conviction ;
(h) la fourniture des originaux ou de copies
certifiées conformes de dossiers et documents pertinents y compris de
relevés bancaires, de pièces comptables, de registres montrant le
fonctionnement de l'entreprise ou ses activités commerciales ».
Cette entraide vise donc à la mise en place de procédés,
systèmes de coopération entre les pays ouest-africains pour une
bonne administration de sorte à assurer un traitement rapide mais
efficace en matière de répression des infractions surtout de type
criminel.
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