Le cadre juridique de la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Ouest( Télécharger le fichier original )par Akpélé Aimé Timalelo KOUASSI Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr - Master 2 Droit international public 2017 |
A-La résolution des problèmes sociaux récurrentsEn réalité, les raisons qui poussent au terrorisme sont connues de tous. Ils ont pour dénominations : chômage, échec scolaire, inégalités territoriales, discriminations, stigmatisations, pseudo-identité nationale construite sur le rejet d'une partie des citoyens, mais aussi la négation de pans entiers de l'histoire au sein des différents pays ouest-africains. Comme illustration, on peut évoquer cette opposition qui existe entre les régions du Nord et celles du Sud. Le Sud est généralement plus développé au détriment du Nord. C'est l'une des raisons de la montée du 171 (J-P) Hanon, « Militaires et lutte antiterroriste », Cultures & Conflits [En ligne], 56 | hiver 2004, mis en ligne le 07 janvier 2010, consulté le 25/11/ 2016. Disponible sur : < http://conflits.revues.org/1636> ; DOI : 10.4000/conflits.1636 116 fondamentalisme islamiste au Nord-Est du Nigeria, des revendications d'indépendance des populations du Nord en Côte d'Ivoire, au Mali. La lutte contre le terrorisme doit donc forcément passer par des mesures visant à corriger ses disparités sociales qui sont de l'ordre à rendre ces populations vulnérables à la propagande et aux campagnes d'enrôlement des djihadistes172. B-Les réformes des méthodes des forces de l'ordre et la promotion dans l'éveil dans l'éveil des consciences Ensuite, il faut sans doute revoir des dispositifs policiers, notamment sur le plan du renseignement pour améliorer le partage des informations entre les ministères de l'Intérieur et de la Justice dans chaque pays. En effet, l'on devrait plutôt opter pour le renseignement humain fondé sur un modèle de proximité en infiltrant les réseaux de recrutement dans la sous-région. Néanmoins, il ne faut pas se méprendre sur la nature de ce combat. Il n'est formellement pas question d'une guerre au sens strict du terme, mais les États sub-sahariens doivent faire face à un adversaire, organisé, doté d'une idéologie, d'une stratégie, de moyens et d'un objectif essentiellement territorial (au moins pour Boko Haram au Nigeria). N'oublions pas qu'il commet les mêmes actes terroristes dans tous les pays alliés des États-Unis (présentés par Al-Qaïda et l'EI comme l'ennemi principal depuis trente ans) et beaucoup plus encore dans les pays musulmans. La réponse efficace ne peut donc pas se résumer à une mesure unique. Elle doit tenir compte, comme nous avons déjà eu à l'affirmer dans notre développement, de plusieurs dimensions. A cet effet, les États ouest-africains doivent aussi se doter de capacités matérielles et humaines afin de mieux contrôler certains sites Internet qui sont devenus des vecteurs majeurs du terrorisme. Cela étant, il faut assurer l'application du blocage administratif de sites glorifiant le terrorisme. De manière concrète, les fournisseurs d'accès doivent être contraints à bloquer l'accès à ces sites sans intervention d'un juge. A contrario, il faudrait créer des sites web dédiés à la prévention et à la lutte antiterroriste, s'adressant au grand public, aux proches de jeunes en voie de radicalisation (professeurs, associations) ainsi qu'aux jeunes eux-mêmes. Pédagogique, il pourra permettre aux citoyens de mieux cerner les enjeux et moyens de la lutte antiterroriste et met à leur disposition des outils pratiques (infographies, vidéos de témoignages, affichettes). En ce sens, les valeurs aussi fondamentales que l'antisémitisme, l'antiracisme, le respect des femmes doivent être défendues et enseignées, au sens plein du terme. Tout ce qui permettra de favoriser le vivre-ensemble fera reculer les défiances, les replis. C'est le meilleur antidote au poison de la division. 172 OCDE (2013), Conflits liés aux ressources...op.cit. 117 Aussi, l'usage de caméras piétons doit-il être prévu pour les forces de l'ordre, afin notamment de prévenir les incidents au cours des interventions. Par exemple, le concept de la caméra, portée de manière visible, enregistrera donc à titre préventif et pourra aussi permettre la constatation d'infractions. Elle pourra également être utilisée dans le cadre des poursuites. De ce fait, le but est ici à la fois de protéger les forces de l'ordre dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions et de protéger le justiciable contre tout risque d'incidents ou de débordements Ainsi, lorsqu'un grand événement est prévu, par exemple lors de grands rendez-vous sportifs incluant un nombre immense de spectateurs, des mesures peuvent être décidées afin de renforcer les contrôles d'accès aux installations 173. Enfin, les contrôles administratifs doivent être renforcés, notamment lorsqu'une personne s'est rendue ou a manifesté la volonté de se rendre à des endroits où ont lieux des activités, des opérations terroristes. Ce contrôle toutefois sera limité dans le temps. Les interdictions administratives de sortie et d'entrée sur le territoire seront exécutées pour empêcher les départs vers les zones contrôlées par les djihadistes. C'est aussi un moyen de pouvoir mieux surveiller les frontières nationales et par ricochet les flux des populations. Cependant, la mise en place de mesures visant à renforcer la surveillance, si elles sont légitimées par l'ampleur des attaques, ne doit pas nous éloigner de la réalité, marquée par la difficulté à identifier l'adversaire. L'une des caractéristiques des organisations terroristes transnationales, catégorie à laquelle l'État islamique appartient malgré sa territorialisation - est de rechercher l'invisibilité, en refusant des moyens de communication pouvant être interceptés, et en évitant de se présenter sous la forme de structures pouvant être identifiées et décapitées. Le principe de la nébuleuse est ainsi privilégié. Cela constitue un inconvénient pour ceux qui combattent le terrorisme dans la mesure où il rend difficile le travail de renseignement en amont des attaques terroristes, c'est-à-dire lors de leur préparation. Et pourtant, une idée reçue persiste encore, celle d'un terrorisme organisé, structuré et présentant des caractéristiques à bien des égards semblables à des forces armées régulières. Or, c'est justement tout l'inverse. Le label des groupes terroristes transnationaux est suffisamment vague pour que des militants de toute nature, et défendant parfois même des opinions à priori divergentes, puissent se retrouver derrière cette « bannière ». Au passage, notons que même dans le cas d'une victoire militaire contre Boko Haram et Aqmi ainsi 173 (L.) VALY, (2016) Lutte contre le terrorisme : 3 nouveautés à ne pas manquer ! [en ligne] le 13/06/2016.Disponible sur : < http://www.net-iris.fr/veille-juridique/actualite/35232/lutte-contre-le-terrorisme-les-3-nouveautes-a-ne-pas-manquer.php#plan_content_1 > [Consulté le 26/11/2016] 118 que d'autres groupuscules terroristes, le risque de dispersion des combattants est plus qu'important dans la sous-région ouest-africaine. |
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