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II. Diagnostic managérial
générationnel
A. Du point de vue des acteurs
1. L'intelligibilité du manager a. La
méthodologie
J'ai réalisé six entretiens qualitatifs
auprès de managers. Ils sont managers dans l'industrie
aéronautique, dans la santé, dans la restauration, dans la
communication... et ont tous dans leurs équipes des digital natives et
des digital immigrants. L'objectif de ces entretiens :
? Connaitre leur équipe
? Savoir s'ils reconnaissaient des différences dans
leurs salariés entre les plus et les moins de 30 ans
? Connaitre leur définition de digital native, digital
immigrant. Savoir s'ils en avaient dans leur équipe.
? Apprendre les forces et les faiblesses des digital natives
selon eux.
? Savoir comment ils comprenaient, géraient,
motivaient et fidélisaient les digital natives dans l'équipe et
dans l'entreprise.
L'intérêt de nos interviewés, c'est qu'il
y avait tous les styles de managers. Les équipes managées
allaient de 2 salariés à 40 salariés. La fourchette
d'âge des équipes étaient en moyenne de 25 à 55
ans.
La méthodologie de notre étude qualitative
auprès des managers a été réalisée selon nos
lectures scientifiques60. Nous avons souhaité créer un
entretien guide mais libre dans la réponse. Il y a donc le
mélange entre le style directif, car l'ensemble des questions
étaient écrites et notre entretien suivait un chemin
défini, et un style non directif car nous ne souhaitions pas obtenir des
réponses fermées, entre Oui et Non,
60 THIETART Raymond-Alain, Méthodes de recherche en
management, Dunod, Paris, 2007
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nous voulions vraiment laisser le participant
réfléchir à chacune des questions et qu'il puisse parler
du sujet librement. Le guide était en 9 étapes :
Etape 1 : Vous et votre entreprise
· Nom, Prénom ?
· Quel est le nom de votre entreprise ?
· Quel est le secteur d'activité de votre entreprise
?
· Quel est votre poste dans votre entreprise ?
Etape 2 : Vous et votre équipe
· Combien managez-vous de salarié(s) ?
· Quelle est la fourchette d'âge de votre
équipe ?
Etape 3 : Comparaison des plus et des moins de 30 ans
selon vous
· Y a-t-il des différences entre les salariés
de plus de 30 ans et ceux de moins de 30 ans ? Si oui, lesquelles ? Si non,
pourquoi ?
· Voyez-vous des différences dans leur comportement
?
· dans leur savoir ?
· dans leur savoir-faire ?
· dans leur savoir-être ?
Etape 4 : Votre compréhension des notions des
digital natives et immigrants
· Qu'est-ce que le terme de digital native (ou natif
numérique) vous évoque?
· Qu'est-ce que le terme de digital immigrant vous
évoque ?
Etape 5 : Votre vision du digital native en tant que
salarié
· Avez-vous dans vos équipes des digital natives
?
· Quelles sont leurs forces ?
·
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Quelles sont leurs faiblesses ?
· Certaines fonctions dans l'entreprise correspondent-elles
plus aux profils et aux compétences des digitales natives ?
Etape 6 : Votre management des digital natives en
comparaison avec celui des digital immigrants
· Comment managez-vous vos digital natives ?
· Comment managez-vous vos digital immigrants ?
· Quelles sont les différences que vous effectuez
dans le management des digital natives et le management des digital immigrants
?
Etape 7 : Votre compréhension de cette
génération pour mieux les gérer
· Comprenez-vous vos employés digitales natives ?
· Comment les gérez-vous ?
Etape 8 : Votre management pour motiver cette
génération
· Comment réussissez-vous à MOTIVER vos
digitales natives ?
Etape 9 : Votre management pour les
fidéliser
· Comment faites-vous pour les FIDELISER et garder leur
force dans l'entreprise ?
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b. Retranscription synthétique de
l'étude qualitative auprès des managers
Pour Dario POLLACCI, Responsable Service chez Liebherr et
manager de 12 salariés en interne et de 15 en externe à
l'entreprise (sous-traitants), la pyramide des âges montre que sur
différents échelons d'âge, les générations
ont des objectifs différents. Les moins de 30 ans sont davantage «
intéressés par l'argent ». Jusqu'à 45 ans, il y a un
besoin d'avoir « un positionnement important dans les échelons
professionnels », après 45 ans, ils recherchent « l'estime des
autres et la reconnaissance ». Florence ARENOU, Médecin Chef au
Logis des Francs, structure hospitalière, et manager de 40
salariés, et Delphine ROUDOT, Chef de Projet Digital à HighCo et
manager de 2 salariés, semblent dire la même chose, les
compétences sont égales, c'est plutôt les comportements qui
sont différents et qui évoluent avec le temps.
Selon nos managers, voici la liste des forces qu'ils m'ont
cité :
· Rapidité
· Maitrise des outils
· Polyvalence
· Curiosité
· Outils informatiques
· Adaptation
· Compréhension
· Réactivité
· Ouverture d'esprit
· Créativité
· Multitâche
Selon nos managers, voici la liste des faiblesses qu'ils m'ont
cité :
· Dispersion
· Manque de connaissance de fond
· Concentration
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Pour un fondateur d'une agence de communication digitale (nom
non cité) : « Le problème des digital natives, c'est qu'ils
prennent le travail comme un jeu et n'ont pas toujours conscience de certains
risques lorsqu'ils communiquent avec l'extérieur de l'entreprise. En
tant que manager, je suis obligé de les fliquer. » Pour Dario
POLLACCI, ils ont une force qui est aussi une faiblesse : « la
facilité de trouver tout de suite, sans réfléchir, a
amené un manque de connaissance de fond. L'avantage, c'est la
capacité de répondre très rapidement. » Vincent
GREGOIRE-DELORY, Maître de Conférences à
l'Université catholique de Toulouse, ira jusqu'à dire qu'avec
« la plasticité du cerveau, le cerveau va s'adapter à
ça, un cerveau moins académique. Des générations un
peu naïves car sans l'ordinateur, on est un peu plus malléable
».
Par la suite, j'ai cherché à savoir s'ils
effectuaient des différences de management entre les digital natives et
les digital immigrants. Pour l'ensemble des managers, la réponse fut
oui. Florence ARENOU dira qu'elle « essaye d'être plus souple, moins
autoritaire (avec les plus de 30 ans) pour qu'ils ne se trouvent pas en
difficulté. Elle expliquera aussi qu'elle a un management plus
traditionnel car elle est elle-même une digital immigrant par
conséquent, elle est plus dure et plus sévère avec les
digital natives. Pour Dario POLLACCI, « leurs attentes sont
différentes ». Avec les moins de 30 ans, il doit être «
plus direct et malheureusement leur donner moins de marge de manoeuvre car ils
n'ont pas une implication à long terme ».
Dario POLLACCI explique qu'il a du mal à les
gérer car il n'est pas un digital native et pour lui : « la
fracture existe » et « la différence crée la faiblesse
».
Pour les motiver, les managers interviewés essayent de
les pousser à innover et les laisser prendre des initiatives.
L'autonomie est un autre point abordé. Pour les fidéliser, la
reconnaissance dans leur travail, un cadre de travail agréable... sont
des méthodes utilisées. Cependant, on nous dit aussi que c'est
« impossible (de les fidéliser) ». « On fêtait
avant des retraites de 35ans d'entreprises. Aujourd'hui, il faut leur laisser
la possibilité de partir quand ils veulent, ce sont les plus mauvais
qui
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acceptent de rester ». Pour les autres « 5 ans
maximum et après c'est mort. Ils préfèrent des primes car
l'argent est là tout de suite plutôt que des augmentations de
salaire qui sont dans le long terme ».
Malgré cela, Delphine ROUDOT minimise cet écart
générationnel en disant que « s'ils n'ont pas grandi avec le
digital (les digital immigrants) ils ont le force d'en avoir saisi les enjeux,
les opportunités et les limites ».
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