Incidence du cout du risque de défaut sur les marges de taux des banques camerounaises( Télécharger le fichier original )par Joseph EVAGLE DIME Université de Yaoundé II-soa - Diplome dà¢â‚¬â„¢Etudes Supérieures Spécialisées de Gestion Bancaire et des Etablissements Financiers 2007 |
II-2- Détermination de la marge de taux sur la base du coût du risque constaté à postérioriLes modèles de Merton, CreditMetrics et le Z-Score de Altman déterminent la marge de taux sur la base du coût prévisionnel du risque de défaut. Mais, dans la mesure où les réalisations peuvent s'éloigner des prévisions, ce coût est en réalité difficile à anticiper. Il n'est souvent constaté qu'à postériori. Le principe de détermination de la marge de taux à partir du coût du risque de défaut constaté est décrit par Artus (1996). Dans cette présentation, les banques sont supposées avoir deux types d'emplois, les crédits et l'acquisition d'emprunts d'Etat. Elles utilisent trois types de ressources, les dépôts de la clientèle, leurs fonds propres et les ressources monétaires. La rémunération des dépôts est réglementée, le taux d'intérêt versé est, inférieur au taux r du marché monétaire. Les emprunts d'Etat ont un rendement aléatoire ö, le taux d'intérêt sur les crédits est R. 1°) Dans le cas d'un marché du crédit monopolistique, avec des banques regroupées en cartel, le taux d'intérêt R est commun à l'ensemble des banques. On suppose qu'il y'a un emprunteur unique représentatif dont la demande de crédit C est exogène et partagée entre N banques. L'emprunteur réalise un projet de taille C dont il tire le profit ; (1) Avec á < 1, un paramètre et un aléa qui affecte le profit Le projet est de taille C, décroissante avec le taux d'intérêt des prêts, soit : (2) Avec : R = Taux d'intérêt moyen des prêts de l'ensemble des banques ; C= demande de crédit ; L'emprunteur unique fait faillite s'il ne peut pas rembourser le crédit, donc si : (3) f est la distribution de probabilité de 1+. Si est suffisamment grand, il n'y a pas de faillite et le rendement des prêts est égal au taux d'intérêt. Lorsqu'il y'a faillite les banques subissent un coût ã lié à la faillite, par franc de crédit. L'espérance du rendement de capital de chacune des banques est : (4) K est le capital de chaque banque, r est le taux sans risque, T les emprunts d'Etat souscrits par la banque et D les dépôts collectés au taux. y est 1 plus le rendement du capital de la banque, ö le rendement de l'emprunt d'Etat est supposé indépendant de l'aléa de profit , ce qui implique que : (5) Le rendement de l'emprunt d'Etat est égal au taux sans risque. Les banques maximisent, étant le rendement anticipé du crédit, pour maximiser E(y) le rendement anticipé de leur capital. Cette maximisation implique que le taux d'intérêt est d'autant plus faible que la sensibilité a de la demande de crédit au taux d'intérêt est faible ; Il est d'autant plus élevé que la profitabilité (mesurée par ) est grande ; d'autant plus faible que le niveau de crédit exogène ou que le coût de la faillite ã est grand ; plus encore, que le risque mesuré par B est grand. Ceci résulte de ce que les banques essaient de réduire le coût de la faillite ou la probabilité de faillite de l'emprunteur, et fixent un taux d'intérêt d'autant plus bas que ses profits sont petits et l'encours de crédit grand, ou que le profit maximal possible du projet ((1+B)) est faible. 2°) Dans le cas de plusieurs banques en situation de concurrence monopolistique sur le marché du crédit : a) si les banques sont confrontées à un emprunteur unique, la demande est toujours donnée par : (1) Pour la ième banque, la demande de prêts est : (2) Lorsque son taux d'intérêt des prêts est inférieur au taux moyen R de l'ensemble des banques elle gagne des parts de marché, mais ce gain est affecté d'un aléa. Dans la mesure où l'hypothèse d'absence d'aversion pour le risque conduit chaque banque à maximiser le rendement anticipé du crédit, il s'ensuit que le taux agrégé est: (3) Le taux d'intérêt des prêts croit avec le taux monétaire, avec la composante exogène de crédit ; décroit avec c la sensibilité de la demande de crédit adressée à chaque banque au taux qu'elle pratique. L'encours des titres publics ou le niveau des dépôts n'ont aucun effet sur le taux d'intérêt choisi, puisque l'objectif est séparable. Lorsque la demande de crédit chute, il y'a concurrence accrue sur le marché du crédit, et le taux d'intérêt d'équilibre est plus bas. b) Dans le cas où les banques sont confrontées à deux emprunteurs semblables mais de risque différent, en supposant que la distribution de probabilité de l'aléa de profit est uniforme, et que pour le premier emprunteur la dispersion de la distribution est plus grande (), pour chacun des emprunteurs la demande de crédit est donnée par : (1,2) On suppose que les banques cherchent à maximiser le rendement anticipé du capital et éviter d'être insolvables, c'est-à-dire de ne pouvoir couvrir leurs engagements à l'aide de leurs placements (fonds d'Etat et crédits), en sachant que si elles deviennent insolvables elles seront obligées d'entamer leurs fonds propres, c'est-à-dire, de faire appel à des actionnaires pour être recapitalisées. Si l'emprunteur ne fait pas faillite, cela signifie que : (4) La perte éventuelle sur le portefeuille de crédits et les emprunts d'Etat l'emporte sur le rendement du capital (avantage d'avoir des fonds propres) et l'avantage apporté par la disposition de dépôts (si). Si le coût de la faillite des emprunteurs ã est très grand pour la banque, elle cherche à éviter la faillite de celui qui est le plus coûteux. Son comportement optimal vis-à-vis de cet emprunteur a la caractéristique suivante : - Le taux d'intérêt baisse avec le risque B et avec la demande de crédit pour éviter la faillite ; - Les achats de titres croissent avec la demande de crédit (si R>r), avec les dépôts (si r>) avec les fonds propres de la banque, en raison de l'effet positif de la hausse de ces variables sur les profits de la banque ; - La marge de taux décroit avec B et, croit avec â. Une réduction de la marge d'intérêt entraine une baisse des achats d'emprunts d'Etat, puisque la profitabilité bancaire est réduite. La solution optimale est obtenue lorsqu'il n'y a jamais défaillance de cet emprunteur. Par conséquent, au cas où elle ne peut pas discriminer face à deux emprunteurs, elle prête aux deux emprunteurs. En supposant que la relation vérifie R > r, c'est-à-dire que la banque a bien intérêt à prêter. Elle choisit :
(5) C'est-à-dire un taux d'intérêt plus faible pour éviter la faillite de l'emprunteur le plus risqué (de paramètre) Si la banque peut discriminer entre les deux emprunteurs, elle choisit : (6) L'emprunteur 1 plus risqué () bénéficie d'un taux d'intérêt plus bas. En d'autres termes, la banque facture le coût de la faillite éventuelle à l'emprunteur le moins risqué, en réduisant les marges sur l'emprunteur risqué et en augmentant les marges de taux des crédits octroyés à l'emprunteur le moins risqué. Suivant Redouin45(*) (2007), la généralisation de ce mécanisme à l'ensemble du portefeuille de crédit de la banque aboutit à une atomisation du coût du risque Les banques scindent le coût du risque de défaut et le répartissent sur un grand nombre de clients. Elles réduisent les marges de taux sur les emprunts importants46(*) et augmentent les marges sur les emprunts peu risqués47(*). Section III : Les résultats des études empiriques De nombreuses études se sont intéressées à la relation entre les marges de taux bancaires et le coût du risque de défaut, mais elles ne permettent pas d'établir une relation mécanique entre ces deux éléments au niveau empirique. Les difficultés rencontrées par ces études sont liées à deux facteurs principaux: - la pluralité des cadres institutionnels et réglementaires dans lesquels évoluent les banques complique la comparaison des résultats entre pays. Les réserves réglementaires, le niveau du capital ou le mode de provisionnement varient d'un pays à l'autre ; - la qualité des données est loin d'être parfaite, surtout dans le cas des pays en développement. L'accessibilité aux données des établissements bancaires est particulièrement difficile, et celles qui sont retenues dans le cadre de la plupart des cas sont des données estimées. Les éléments mesurés ne sont par conséquent pas identiques. Les études empiriques comprennent aussi bien des enquêtes que des études économétriques. III-1-Les résultats des enquêtes Le sondage réalisé dans le cadre de l'enquête sur les conditions comparées d'octroi des prêts à la clientèle de la Commission Bancaire française de 199548(*) révèle que, pour cette période, il n'existe aucun lien entre le coût du risque de défaut et les marges de taux en France, malgré la pratique des scores dans les banques. En effet, à chaque niveau de score correspond en principe un barème fonction de la durée du crédit et de la qualité de la signature des clients. L'enquête constate que les barèmes ne servent généralement que de base de départ. Face à la pression concurrentielle, l'ensemble des banques interrogées admettent ne pas pouvoir se tenir aux barèmes qu'elles fixent. Les marges de taux réelles, plus faibles que les barèmes affichés, n'intègrent pas le coût des fonds propres et/ou la couverture préalable du coût du risque statistique des crédits. Ces conclusions sont proches de celles du rapport sur le risque de crédit du Conseil National du Crédit français (1994), selon lequel la concurrence bancaire en France lamine les marges de taux des banques. Les marges reflétaient d'autant moins le coût du risque de défaut que le provisionnement ex post en vigueur en France pendant la période de l'enquête limitait la prise en compte du coût du risque dans la tarification bancaire. Selon la Banque Mondiale (2000), La hausse de la rentabilité des banques marocaines sur la période 1993-1998 est quant à elle due à une augmentation des marges de taux, en dépit de la baisse générale des taux. Les marges de taux élevées étaient destinées à absorber des montants élevés de provisions pour créances douteuses, conformément au volume élevé des créances en souffrance. Selon la ventilation des créances en souffrance, une proportion importante du risque de crédit des banques était attribuable aux gros clients, dans la mesure où 60 % de ces créances en souffrance provenaient d'un groupe de prêts ayant chacune une taille de plus de 10 millions de Dirhams. Mais, ces crédits étaient accordés à des taux avoisinant les taux de base. Pour la Banque Mondiale, la tarification du crédit sur les créances de petites tailles aurait été faussée, et établie de manière à compenser l'expérience des pertes sur les créances de montant élevé. III-2-Les résultats des études économétriques Boutillier, Kierzenkowski et Rousseau (2004) isolent la marge de taux en retranchant aux taux des crédits bancaires sur contrats nouveaux les taux des emprunts d'Etat de maturité équivalente. Leur étude en panel porte sur trois compartiments du marché du crédit bancaire français (crédit à la consommation, crédit à l'habitat et crédit aux entreprises) ventilés par période de fixation initiale des taux, soit onze séries de taux distinctes concernant des agents et des objets différents, disponibles sur la période 1992-2004. Ils observent dans certains cas une relation positive et significative entre les marges de taux et le coût du risque de défaut dans les trois compartiments du marché du crédit. Dans d'autres cas, cette relation est négative et significative. Ils en déduisent que l'impact de la variable provisions pour créances douteuses sur les marges de taux est ambigu. Franks et Davydenko (2005) calculent des marges de taux à partir de 2280 contrats de prêts, noués par trois banques françaises, trois banques allemandes et quatre banques anglaises entre 1993 et 2003. Ils observent que les provisions pour créances douteuses des banques anglaises sont plus faibles respectivement que celles des banques allemandes et celles des banques françaises, à cause d'un taux de recouvrement plus élevé (92%) au Royaume-Uni qu'en Allemagne (67%) et en en France (56%). Mais, ils constatent que les marges de taux des banques anglaises sont plus élevées que celles des banques françaises. Selon ces auteurs, leur découverte se justifie par les structures de marché de ces deux pays. Au Royaume-Uni, contrairement à la France où les emprunteurs font jouer la concurrence entre les banques, la fidélisation de la clientèle est plus poussée, à cause de l'existence de relations traditionnelles entre les banques et leurs clients. La faible concurrence qui en résulte permet aux banques anglaises de travailler avec des marges élevées. S'agissant des banques commerciales chinoises, Zhou, Kaiguo, Wong et Michael (2008) observent une relation négative et significative entre les marges de taux et le coût du risque de défaut, ce qu'ils justifient par une forte concurrence dans le secteur bancaire chinois. Doliente (2003) obtient des résultats contradictoires dans les banques commerciales de quatre pays d'Asie du Sud-est, pour la période 1994-2001. Dans le cas de la Malaisie et des Philippines, il trouve une relation positive et significative entre les marges de taux et le coût du risque de défaut. Par contre, il obtient des résultats inverses en Thaïlande et en Indonésie. Selon Doliente, les résultats obtenus dans ces deux derniers pays s'expliquent par le laxisme des autorités. Suite à la crise des années 80, la plupart des banques de ces deux pays ont fait faillite. Pour survivre, les banques qui ont résisté aux effets de la crise, mais qui possédaient d'importants stocks de créances douteuses, ont adopté une stratégie de taux d'intérêt faibles pour gagner des parts de marché et se refaire une santé financière. Elles ont réduit leurs marges, sans tenir compte du coût qu'elles devaient supporter sur leur stock de créances douteuses. Randall (1998) identifie une relation négative et significative entre les marges de taux et le coût du risque de défaut pour les pays de l'Est des Caraïbes. Sur la période 1991-1996, il observe qu'une augmentation des provisions pour créances douteuses de l'ordre de 1% conduit à une diminution des marges de taux de l'ordre de 19%. Dans le cas du Maroc, Mansouri et Afrouch (2008) obtiennent des résultats conformes à la théorie. Ils montrent dans le cas des cinq principales banques marocaines, pour la période 1993-2004, que la relation entre les marges de taux et le coût du risque de défaut est positive et significative. Ils justifient ce résultat par une bonne maîtrise du coût des risques et par la facturation du coût du risque à la clientèle dans ces banques. Ces résultats et conclusions sont identiques à ceux obtenus par Mlachila et Chirwa (2002) au Malawi et par Buchs et Matisen (2005) au Ghana. A partir d'une étude de Panel, ils trouvent que les marges de taux sont liées positivement et significativement au coût du risque de défaut. Pour eux, cette relation s'explique par une forte discipline financière et par la faible concurrence bancaire dans ces pays. Les résultats mitigés de ces études empiriques suscitent de la curiosité quant à l'incidence du coût du risque de défaut sur les marges de taux des banques commerciales au Cameroun. * 45 J-P. Redouin, « le risque de crédit : même transféré il ne disparait pas », Intervention de Monsieur Jean Paul-Redouin, premier sous-gouverneur de la Banque de France, Paris Europlace, Stockholm, 29 mars 2007.Disponible sur www.banque-de-france.fr/fr/instit/.../disc20070405.pdf - * 46 Ceux sur lesquels le montant des pertes potentielles est le plus élevé. * 47 Ceux pour qui les pertes potentielles de la banque sont faibles. * 48 Voir Bulletin de la Commission Bancaire française n° 13, novembre 1995, p. 17. |
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