Secret et proces penal au cameroun( Télécharger le fichier original )par Pauline Priscille NGO NOLLA Université de Yaounde IIS SOA - DEA Droit privé option sciences criminelles 2010 |
SECTION II : LES SECRETS OPPOSABLES AU PROCES PENAL PAR LES CONFIDENTS DES PERSONNES PRIVEESIl s'agit des secrets professionnels (§I) et d'autres confidences opposées au procès pénal (§II). §I : LE SECRET PROFESSIONNEL OPPOSE AU PROCES PENAL41- A la base de la notion de secret professionnel, il y a le principe du respect du droit à la vie privée. Plusieurs secrets professionnels sont opposables au procès pénal, il y'en a des moins classiques comme celui du commissaire au comptes81(*), et des plus classiques comme le secret médical (I) et le secret des avocats (II). Ce sont ces derniers qui feront l'objet des développements qui suivent. I- Le secret médical82(*)opposé au procès pénalLa notion de secret médical (A), de même que la portée de son opposition au procès pénal seront envisagés (B). A- La notion de secret médical opposé au procès pénal 42- Le secret médical est fondé sur le serment d'Hippocrate qui dit que : « Ce que tu as appris de ton malade, tu le tairas dans toute circonstance. Les choses que dans l'exercice ou même hors l'exercice de mon art, je pourrais voir ou entendre sur l'existence des hommes et qui ne peuvent pas être divulguées au dehors, je les tairai. 83(*)».Tandis que le patient est maître du secret car il a le droit de le divulguer84(*), le médecin a le devoir de le garder. C'est dire que le secret médical l'intéresse au premier chef. Dans le cadre du procès pénal, il faut distinguer entre plusieurs types de médecins appelés à intervenir : le médecin qui endosse la casquette d'expert judiciaire, le médecin examinateur et le médecin traitant. Le secret médical dont ils sont porteurs est opposable de manière variable au procès pénal. Ainsi, le médecin-expert judiciaire est mandaté pour établir la véracité des faits recherchés par les autorités judiciaires lors d'un procès. Il ne paraît pas tenu par le secret médical, puisqu'il doit communiquer aux autorités judiciaires les informations médicales sur les antécédents de la victime ou du mis en cause, son état de santé au moment du procès. Mais il ne bénéfice à cet effet d'aucune prérogative légale. Aussi, les intéressés peuvent faire obstacle à l'examen ou à la transmission de leurs informations médicales. Le médecin examinateur quant à lui est celui qui effectue un examen auquel le patient se soumet non pour guérir d'une maladie, mais seulement pour obtenir des facilités c'est le cas soit dans le cadre d'une souscription d'assurance, ou l'habilitation à passer un concours ou un emploi. Le candidat sait d'autre part que le résultat de cet examen doit être communiqué à la direction de la compagnie, et que ce résultat dépend la conclusion du contrat. Mais est ce que ce médecin dont les informations reçues sont communicables à des tiers peut le faire aux autorités judiciaires ? A cela il est plausible de rétorquer l'adage selon lequel « qui peut le plus, peut le moins ». 43- Le médecin traitant quant à lui, est celui choisi par le malade non seulement en raison de la confiance qu'il lui accorde, mais aussi pour recouvrer la santé. L'éventualité d'une permission du patient au médecin de partager ses confidences avec des tiers, intervient dans la mesure où cela est nécessaire pour le soigner. Parce qu'il sait que ces personnes sont également tenues au secret. C'est cette option qui pose le plus d'intérêt en matière d'opposition au procès pénal. B- La portée de l'opposition du secret médical au procès pénal 44- L'opposition du secret médical au procès pénal vise à préserver des secrets de l'intimité de la personne. Les intérêts de recherche de la vérité ne sauraient alors justifier un manquement à cette exigence. Toutefois, pour des raisons relatives à la nuisance des maladies contagieuses85(*), ou encore plus grave de la transmission volontaire des maladies86(*), on note dans la pratique des limites à l'absolutisme du secret médical. L'article 310 du Code pénal qui représente dans notre droit pénal le fondement textuel de l'obligation de secret professionnel a prévu des raisons qui peuvent justifier la levée du secret. Il dispose clairement que le secret ne « s'applique pas aux déclarations faites aux autorités judiciaires ou de police judiciaire portant sur des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit, ni aux réponses en justice à quelque demande que ce soit ». Cette exception se justifie par les impératifs de recherche de la vérité et les conséquences désastreuses et parfois irréversibles que peut avoir une condamnation sur la vie d'un citoyen87(*). Aussi, ce secret peut être rompu dans le sens d'une divulgation requise par la loi88(*). Puisque dans certaines circonstances clairement spécifiées, la loi peut stipuler que des informations, qui seraient autrement confidentielles, doivent être rendues publiques ou révélées à des tierces personnes. Il peut aussi être violé en vertu de la doctrine du secret médical partagé qui représente une exception à l'exigence de la confidentialité, dans la mesure où elle suppose que l'information sur la séropositivité d'une personne est partagée par tous ceux qui sont associés aux soins qui lui sont prodigués, qu'il s'agisse du personnel de santé ou des membres de la famille89(*). Même si certains pensent que le médecin doit prendre l'accord préalable de son patient avant d'avertir un tiers, soit par lui-même, soit par l'intermédiaire d'une autre personne ou d'une équipe spécialisée, soit en exhortant le patient à prendre sur lui-même l'initiative de partager la confidentialité. Il ne semble pas exister de loi statuant en la matière, du moins dans la majorité des juridictions africaines et internationales90(*). C'est ce qui fait dire à KANTE que le droit doit nécessairement réagir pour remplir sa double fonction de protection et de sanction91(*). 45- De plus, le médecin qui, bien qu'astreint au secret a connaissance des sévices ou des privations infligés sur mineur ou qui a constaté des sévices faisant présumer l'existence de violences sexuelles est tenu d'informer le procureur de la République. En plus, les impératifs de sécurité publique obligent tout médecin ou chirurgien qui reçoit un malade blessé par balle d'informer le procureur ou les autorités de police avant même de lui administrer des soins et d'apporter son témoignage s'il est requis. Enfin, un tribunal peut exiger qu'une personne qui a reçu des informations confidentielles et s'est engagée à ne pas les divulguer à des tiers rompe sa promesse de confidentialité92(*). * 81 Lire à ce sujet, Robil ADAMOU, Le commissariat aux comptes dans la société anonyme, Université Saint Thomas d'Aquin de Ouagadougou (Burkina Faso) - Maitrise 2010. * 82 CEDH 26 septembre 1995,Diennet c. France (Gaz.Pal. 1996 II 529), « Si la nécessité de préserver le secret professionnel d'un médecin ou la vie privée des patients peut motiver le huis clos, celui-ci doit être strictement commandé par les circonstances ». * 83 POUILLARD, http://règlesdéontologiqueetéthiques.com * 84 Art.19al.1et 16 de la CADHP. * 85 Cf. l'Art. 260 Cp intitulé : Maladies contagieuses : « (1) Est puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans celui qui par sa conduite facilite la communication d'une maladie contagieuse et dangereuse ». * 86 V. à ce sujet le large débat sur la pénalisation de transmission volontaire du VIH, V. aussi, La loi type de N'Djamena (2004) en matière de pénalisation de la transmission volontaire du VIH. * 87 Jean-Marie TAMNOU DJIPEU, Le témoignage dans la procédure pénale au Cameroun, Mémoire de DEA Université de Douala -2006. * 88 En droit français, la loi n'a pas hésité à restreindre le champ du secret professionnel dans des cas limités et dans l'intérêt supérieur de la collectivité: ainsi, un médecin est tenu de révéler l'identité des porteurs de maladies contagieuses. Plus récemment, elle a autorisé les personnes astreintes au secret à révéler les mauvais traitements où atteintes sexuelles infligés à des mineurs de 15 ans ou des adultes privés de discernement. Forts de cette autorisation, nombre de médecins et de membres de professions paramédicales n'hésitent pas à dénoncer ce genre de faits au Parquet. * 89 M.KIRBY, Human rights and HIV/AIDS: upholding human dignity and defending principles, n°1, 1996, p.5. * 90 C. BARRET, « La criminalisation de la transmission du VIH : Le point sur le Zimbabwe », in Bulletin du réseau africain sur l'éthique, le droit et le VIH, n°2, 1996, p.10. * 91 B .KANTE, Note introductive sur la dimension éthique de la lutte contre le SIDA, Sénégal, Saly Portugal, 1993, p.5. * 92 Cf. art. 310 CP al. 3a. |
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