Secret et proces penal au cameroun( Télécharger le fichier original )par Pauline Priscille NGO NOLLA Université de Yaounde IIS SOA - DEA Droit privé option sciences criminelles 2010 |
II- L'opposition au procès pénal du secret bancaire38- Le secret bancaire est en principe opposé au procès pénal (A), même s'il s'avère de plus en plus nécessaire d'y déroger. A- Le principe du secret bancaire opposé au procès pénal Le secret bancaire est soit l'obligation qu'ont les banques de ne pas livrer des informations sur leurs clients à des tiers, soit les mécanismes qui permettent à des personnes morales ou physiques de détenir des avoirs bancaires de manière plus ou moins cachée. La loi N° 2003/004 du 21 avril 2003 relative au secret bancaire au Cameroun74(*) dispose à cet égard que : « Le secret bancaire consiste en l'obligation de confidentialité à laquelle sont tenus les établissements de crédit par rapport aux actes, faits et informations concernant leurs clients, et dont ils ont connaissance dans l'exercice de leur profession. Le bien fondé en est la préservation de la vie privée de la personne, et la protection de son développement à l'abri des regards indiscrets et malveillants. Le procès pénal fait intervenir également le public et par conséquent toutes les dérives justifiant la discrétion autour de l'avoir des personnes. Ce qui induit en principe l'opposabilité du secret bancaire au procès pénal. Mais ce postulat a priori évident, n'est à la réalité pas si simple. B- La nécessaire levée du secret bancaire lors du procès pénal 39- Malgré la libéralisation des services bancaires qui induit une plus large adhésion, la banque reste une réalité le plus souvent propre aux classes aisées. La richesse dans un pays en quête d'émergence au-delà d'être souhaitée est encouragée. Ce qui n'empêche pas d'en réguler la provenance et la destination, d'où la lutte contre des infractions s'attaquant aux fortunes privée et publique telles, l'enrichissement illicite, le détournement de deniers public, le vol, l'escroquerie et la liste n'est pas exhaustive. La banque est un canal adéquat qui voit transiter les produits de toutes ces infractions. On parle alors de blanchissement « d'argent sale ». C'est la raison pour laquelle un auteur a pu dire que « les blanchisseurs sollicitent beaucoup et presque toujours la banque parce que cette dernière assure à leur butin un refuge paisible et anonyme grâce au secret auquel sont tenus ses agents. C'est le secret bancaire en effet qui attire ces criminels qui, sans scrupule, y recourent pour cacher leurs fortunes afin de les débarrasser des odeurs de corruption et de trafics de tous genres dont elles sont issues à l'origine75(*) ». 40- Le phénomène de paradis fiscaux en est un parfait symbole, ces banques nichées dans des zones de non droit qui récupèrent des fonds indépendamment de leur provenance sans avoir à rendre des comptes. Notre pays est malheureusement en proie à cette réalité puisque d'importantes sommes d'argent distraites à l'occasion des détournements de fonds publics ne peuvent être rapatriés, ni constituer des preuves d'infraction76(*). Parallèlement, au Cameroun comme partout en Afrique, cette situation délétère est une préoccupation. En effet comme le souligne un expert de l'Interpol, « des groupes criminels achètent des banques en Afrique pour s'en servir comme points de transit avant de transférer les fonds dans d'autres banques, sur des marchés financiers plus solides »77(*). Fort heureusement, le législateur78(*) habilite les autorités de la Commission bancaire qui enquêtent sur le blanchiment, à solliciter des informations auprès des établissements de crédit sans que le secret bancaire ne puisse leur être opposé79(*). D'autre part, les autorités judiciaires, et plus précisément cette fois-ci les procureurs de la république, sont dépositaires d'informations suspectes venant de la banque, chaque fois que les dirigeants ou les agents de celle-ci savent ou pensent que les sommes en cause proviennent d'infractions à la législation sur les stupéfiants ou au blanchiment d'argent80(*). S'il est opportun de marquer l'importance du secret bancaire, il est autant nécessaire de signaler les graves préjudices qu'il peut entraîner dans la société. Ce qui justifie sa levée. Les droits privés prenant la forme de secrets, sont aussi opposables au procès pénal lorsqu'ils ont été confiés à des tiers. * 74Art. 26 -- (1) Est puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 1.000.000 à 10.000.000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement, celui qui viole le secret bancaire. (2) Si l'infraction est commise par voie de presse ou de réseau informatique, les peines ci-dessus sont doublées. Art. 27 -- Est puni d'un emprisonnement de un à cinq ans et d'une amende de 1.000.000 0 20.000.000 FCFA, toute personne qui participe à la direction d'un établissement de crédit ou est employée par celui-ci et qui ne déclare pas au procureur de la République ou à l'autorité monétaire les opérations portant sur des sommes d'argent qu'ils savent ou présument provenir au trafic de stupéfiants, de l'activité d'organisations criminelles ou du blanchiment des capitaux. Art. 28 -- Outre l'application des peines prévues aux articles 26 et 27 ci-dessus, le tribunal peut prononcer : - la confiscation du " corpus delicti " ; - la déchéance de droits civiques ; - l'interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité dans un établissement de crédit ; - la fermeture de l'établissement de crédit ; - la publication de la décision prononcée. * 75 H. M. TCHABO SONTANG, Secret bancaire et lutte contre le blanchiment d'argent en Zone CEMAC, Université de Dschang - DEA droit communautaire et comparé CEMAC 2004. * 76 Lire dans ce sens le rapport général des Etats généraux sur la protection de la fortune publique au Cameroun, tenus du 9 au 11 octobre 2012 à Yaoundé. * 77 Assemblée Générale des Nations Unies Session extraordinaire consacrée au PROBLEME MONDIAL DE LA DROGUE 8-10 juin 1998, article de fond, le blanchiment d'argent. http://www.un.org. * 78 Cf. Art. 10 de la Loi n° 003/2006 du 25 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs. « En cas de refus de déclaration des biens et avoirs par les personnes assujetties ou de doute sur la déclaration, la Commission peut demander à tout service public ou privé compétent de lui communiquer toute information pouvant lui permettre d'établir les biens et avoirs de celles-ci ». * 79 Cf. Art. 126, loi de 1997 sur le trafic des stupéfiants, et Art. 8 al. 1 loi de 2003 sur le secret bancaire. * 80 V. en ce sens la loi n° 97/019 sur le trafic des stupéfiants poursuit sa logique en son article 128 en apportant des éléments sur l'action du procureur informé. Cet article dispose en effet que : « Dans le délai prévu pour l'opération en cours, le procureur de la république accuse réception au déclarant qui fait alors procéder à l'exécution de ladite opération. Le procureur de la république peut toutefois assortir l'accusé de réception d'un blocage de fonds, compte ou titre». |
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