Secret et proces penal au cameroun( Télécharger le fichier original )par Pauline Priscille NGO NOLLA Université de Yaounde IIS SOA - DEA Droit privé option sciences criminelles 2010 |
§II-LE SECRET DE L'AVOIR34- Le législateur camerounais, en optant pour la déclaration des biens et avoirs avant et après l'occupation d'un poste public, a retiré de la vie privée, les questions patrimoniales concernant une personne menant une vie publique. Malgré cela, le secret de l'avoir existe et est opposable au procès pénal dans deux cas de figure : le secret d'affaire et ses dérivés (PI) et le secret bancaire (PII). I- L'opposition au procès pénal du secret d'affaire35- En droit positif, le secret d'affaire est un générique sous lequel la doctrine classe des secrets légalement prévus et opposables au procès pénal. Dès lors, il est opportun de cerner la notion du secret d'affaire (A), avant de se rendre compte que les exigences de recherche de la vérité priment sur lui (B). A- La notion de secret d'affaire Le vocable affaires laisse envisager des réalités comme le commerce, le négoce, le business. D'une manière ou d'une autre, il renvoie à des sommes importantes d'argent qui suscitent de grands intérêts. Le monde des affaires est marqué par la concurrence, la célérité, l'innovation. Tout ceci mis ensemble fait entrevoir la nécessité du secret68(*). Ainsi, que l'acteur intervenant dans les affaires engage sa personne, des tiers, une entreprise ou une société, sa survie nécessite qu'il bénéficie du secret. La notion de secret des affaires qui s'enracine dans la propriété industrielle à laquelle se rattachent les concepts de secret commercial et de secret industriel, n'a pas été définie clairement par un texte législatif. Mais la doctrine tend à l'appréhender comme l'ensemble des biens informationnels ou immatériels de l'entreprise couverts par la confidentialité par le biais de mesures appropriées en vue de les tenir secrets, et dotés d'une valeur économique substantielle, répondant en ce sens à l'article 39.2 du traité relatif aux aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ou traité ADPIC)69(*). Aux Etats Unis, une jurisprudence constante l'appréhende comme : « toute formule, modèle, objet, ou compilation d'informations utilisées dans l'entreprise et donnant la possibilité d'obtenir un avantage compétitif par rapport à celui qui ne le connait pas ou ne l'utilise pas70(*) ». De manière spécifique, le secret industriel consiste à maintenir secret des dispositifs techniques de fonctionnement ou de fabrication d'un produit afin que la concurrence ne puisse pas fabriquer un produit équivalent ou du moins, pas dans les mêmes conditions. Il est mieux défini et réglementé que la notion de secret commercial. Le secret commercial quant à lui est, celui qui allie un élément substantiel de confidentialité atteint dans le cas où il serait difficile et coûteux pour les tiers d'obtenir et d'exploiter les informations sans adopter un comportement fautif ; et avantage économique actuel ou potentiel. Concomitamment, le secret commercial peut être une combinaison de données toutes présentes dans le domaine public, mais qui prennent une valeur particulière quand elles sont assemblées. De même, le secret commercial « ne confère pas de droits exclusifs, et n'empêchera personne de mettre au point une invention, création semblable à la vôtre et de la commercialiser »71(*). B- La prépondérance de la recherche de la vérité sur le secret d'affaire 36- Le secret d'affaire est surtout protégé de sa violation en dehors du procès pénal. Toutefois, ce dernier se familiarise avec lui à la faveur de la sanction de sa violation. Pourtant, une autre vision amène à se demander si le secret d'affaire peut être opposé aux investigations de la justice pénale ? En l'absence d'une réglementation claire à ce sujet en droit positif, la prudence conduit à nuancer les réponses qui devraient y être apportées. Une incartade dans le système juridique des Etats Unis qui a largement planché sur cette matière nous amène à constater que les secrets d'affaires n'y donnent pas naissance à un privilège absolu empêchant leur découverte, mais les droits à la propriété qu'ils impliquent, entrainent un privilège qualifié. Mieux dit, le demandeur doit ainsi justifier d'une raison légitime motivant l'acquisition des éléments de preuves visés puisque le propriétaire du secret arguera du préjudice dont il sera victime au cas où le secret est révélé72(*). 37- Ramené dans notre contexte, il serait judicieux de penser qu'en fonction de la gravité de l'affaire en cause, de l'importance des informations tenues secrètes, du préjudice qu'entraînerait leur révélation, les autorités judiciaires peuvent juger de l'opportunité de cette opposition. Entendu que si le secret des affaires s'avère être une sérieuse entrave au procès pénal il sera bafoué. Ainsi, un témoin pourra opposer le droit au silence si son témoignage portant sur des procédés de fabrication protégés par la loi, sont mis en péril. Néanmoins un juste milieu peut être trouvé, dans la mesure de l'adoption d'une publicité restreinte. Ce qui conduirait comme dans le droit communautaire européen à contraindre les autorités d'enquête, d'instruction et même de poursuite à un secret professionnel strict, et le juge à ne publier ces informations que dans le mesure du respect des droits à la défense73(*). La Cour Suprême américaine est allée plus loin dans l'arrêt Seattle Times Co. c. RHINEHART en établissant que les documents rassemblés durant les investigations peuvent être protégés par un ordre de la cour et ne sont pas ouverts au public. Le législateur camerounais devrait en prendre de la graine pour éviter que la recherche de la vérité ne justifie des conflits socio-économiques issus de la découverte abusive des secrets d'affaires par l'entremise du procès pénal. La problématique de l'opposition du secret d'affaire au procès pénal met en balance intérêts économiques et judiciaires, l'opposition exercée par le secret bancaire au procès pénal n'est pas en reste. * 68Cf. A. CHERON, Avocat au Barreau de Paris et de Bruxelles, ACBM avocats quand il affirme que : « Le patrimoine des entreprises est aujourd'hui composé en grande majorité par des biens immatériels qui présentent un intérêt économique particulièrement élevé dès lors qu'ils sont propres à chaque entreprise et qu'elles représentent leur faculté à se distinguer de leurs concurrents et à survivre sur un marché donné. Il est donc incontestable que ces informations présentent le plus souvent un caractère secret qui doit être maintenu au sein de l'entreprise». * 69 Selon la précision apportée par le professeur Galloux (J.-C. Galloux, Ébauche d'une définition juridique de l'information, D. 1994. Chron. 229). * 70 V. dans ce sens, l'affaire Peabody c. Norfolk (1868), dans laquelle, la cour suprême du Massachussetts a établi que les efforts personnels et l'investissement de Peabody augmentaient la valeur pécuniaire de son entreprise et faisaient naître un droit de propriété sur ses secrets d'affaires. * 71 Informations consultées sur Wikipédia. * 72 Pour une information plus détaillée lire Jean-Eric BRIN, « Secret des affaires et acquisition des preuves à travers l'arrêt Laffitte c. Bridgestone », Université Paris Ouest- Nanterre la Défense, 13 juillet 2011 ; V. aussi James R. Jarrow, « Industrial Espionnage? Discovery Within the Rules of Civil Procedure and the Battle for Protective Orders Governing Trade Secrets and Confidential Information », Washburn Law Journal, Spring 1993 (32 Washburn L.J. 318); Sylvie Pierre-Maurice, « Secret des affaires et mesures d'instruction in futurum », receuil Dalloz 2002, p. 3131, Eric Delfly, « Concurrence déloyale : limites aux opérations de constat d'huissier avant tout procès au fond », Article Cabinet Vivaldi Avocats, 20 Octobre 2008 (http://www.vivaldi-chronos.com/index.php. * 73Lire dans ce sens Pierre-Olivier de BROUX, « La confidentialité des secrets d'affaires et les droits de la défense dans le contentieux administratif économique ». |
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