La fiscalite des investissements et l'optimisation fiscale cas du cameroun( Télécharger le fichier original )par Elvice DJOMENI KOLOKO Université de Douala - Master II professionnel en fiscalité appliquée 2008 |
Paragraphe 2 : L'innovation de la LF 2008 : le régime fiscal des projets structurantsDans le cadre de la loi N° 2007/006 du 26 décembre 2007 relative à la LF 2008, le gouvernement vient marquer une fois de plus sa reconnaissance face aux efforts considérables que réalisent les entreprises. C'est dans cette perspective qu'il propose un régime fiscal particulier des projets structurants. L'adhésion à ce dernier est soumise à des conditions d'éligibilité (A) et les candidats retenus pourront bénéficier des avantages fiscaux y relatifs (B). A- Les conditions d'éligibilité L'éligibilité au régime fiscal des projets structurants porte sur les conditions de forme (I) et de fond (II). I- Les conditions de forme Pour bénéficier du régime fiscal des projets structurants, les entreprises doivent introduire un dossier en 02 exemplaires auprès de l'Agence de Promotion des Investissements constitué des pièces suivantes128(*) : - un demande timbrée au tarif en vigueur ; - un plan d'investissement précisant : · la nature et le montant des investissements projetés ; · la période d'étalement des investissements et leurs différentes phases de réalisation; · le nombre de postes d'encadrement, de maîtrise et d'exécution envisagés ; · les éléments justificatifs du financement du projet. Au terme de l'instruction du dossier et après avis favorable du MINFI, l'agrément au régime des projets structurants est signifié au requérant par le Ministre en charge de la promotion des investissements. Dans le cas contraire, l'arbitrage du Premier Ministre ou le rejet est notifié au candidat dans la limite de quarante cinq (45) jours à compter de la date de réception de la demande. Outre ces conditions de forme, l'adhésion au régime des projets structurants est soumise à des conditions de fond. II- Les conditions de fond Sur le fond, quatre (04) critères129(*) ont été retenus pour la définition d'un projet structurant. Ainsi, tout projet qui se veut structurant doit être un pôle de développement économique et social (a), doit être générateur d'emplois (b), doit donner lieu à des investissements importants (c) et être exécuté dans les secteurs retenus comme prioritaires (d). a) Le projet doit être un pôle de développement économique et social Un projet structurant doit constituer pour la localité dans laquelle il est mis en oeuvre, un instrument de conduite vers le progrès économique et social. Sa mise en oeuvre doit entraîner la création de richesses et d'emplois. b) Le projet doit être générateur d'emplois Un projet structurant doit constituer un facteur de réduction du chômage et de la lutte contre la pauvreté. A cet effet, le nombre et la qualité des emplois à créer au profit des nationaux constituent un élément d'appréciation du caractère structurant du projet. c) Le projet doit donner lieu à des investissements importants Le montant total des investissements liés à un projet structurant dans sa phase de construction doit au moins être égal à cinq (05) milliards pour les grandes entreprises130(*) et de 500 millions pour les PME131(*). d) Le projet doit être exécuté dans les secteurs prioritaires Les secteurs prioritaires retenus sont ceux à forte rentabilité, mais aussi des secteurs générateurs du progrès social qui sont pour l'essentiel issus du Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP). C'est notamment le secteur agricole, industriel, énergétique, touristique et de l'habitat social. Le respect des conditions sus évoquées ouvre droit à plusieurs avantages fiscaux. B- Les avantages fiscaux Les entreprises nouvelles132(*) ou anciennes133(*) agréées au régime des projets structurants bénéficient des avantages fiscaux134(*) en matière de patente (I), des droits d'enregistrement (II), de la taxe sur la valeur ajoutée (III) et d'impôt sur le revenu(IV). I- En matière de patente Une entreprise agréée au régime fiscal des projets structurants bénéficie de l'exonération de la contribution de patente prévue à l'article 159 du C.G.I. Toutefois, lorsqu'une entreprise ancienne développe une branche d'activité qui rentre dans les projets structurants, la fraction du chiffre d'affaires afférente au projet est exclue de la base de liquidation de la patente.
II- En matière des droits d'enregistrement Par dérogation aux dispositions des articles 339 et 346 du C.G.I., les actes de constitution, de prorogation et d'augmentation de capital ainsi que les mutations immobilières directement liées à la mise en place du projet sont assujettis à un droit fixe de 50 000 FCFA. Ces droits ramenés à un montant fixe quelque soit le montant du capital ou la valeur de l'immeuble visent à alléger la charge fiscale du contribuable. III- En matière de TVA Le régime des projets structurants prévoit l'exonération de la TVA prévue à l'article 115 du C.G.I. sur les achats de matériaux de construction et les importations destinées à la mise en place du projet. Les entreprises bénéficiaires doivent produire des factures pro forma pour les achats locaux et les déclarations d'importations effectuées auprès du DGI qui leur délivrera une attestation d'exonération de TVA à remettre respectivement au fournisseur et à la douane.135(*) Cette mesure vise à réduire le besoin de financement du projet et par conséquent, renforce la trésorerie de l'entreprise. IV- En matière d`impôt sur le revenu Les avantages fiscaux en matière d'impôt sur le revenu dans le cadre des projets structurants portent sur l'amortissement accéléré (a) et le rallongement de la durée du report déficitaire (b). a) La pratique des amortissements accélérés Conformément aux dispositions de l'article 7 (D) du C.G.I, « les amortissements sont réellement comptabilisés sur la base de la durée probable d'usage telle qu'elle ressort des normes accusées par chaque nature d'exploitation, y compris ceux qui auraient été antérieurement différés en période déficitaire sans que les taux puissent être supérieurs à ceux fixés ci-dessus ». En d'autres termes, le législateur préconise l'amortissement linéaire en matière fiscale conformément aux durées probables prescrites à l'article 7 (D). Par dérogation à cette disposition, les entreprises agréées au régime des projets structurants bénéficient d'un amortissement accéléré, c'est-à-dire le taux de droit commun majoré de 25% pour les immobilisations spécifiques acquises pendant la phase d'installation. A titre d'illustration, un taux de droit commun de 20% pour une immobilisation acquise pendant la phase d'installation passera à un taux dérogatoire de 25%136(*).
b) Le rallongement de la durée des reports déficitaires Conformément aux dispositions de l'article 12 du CGI, « En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si le bénéfice n'est pas suffisant, pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au quatrième exercice qui suit l'exercice déficitaire ». Par dérogation à cette disposition, les entreprises agréées au régime des projets structurants ont la possibilité de reporter le déficit jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. DEUXIEME PARTIE INSUFFISANCES ET PERSPECTIVES DE LA FISCALITE DES INVESTISSEMENTS COMME MOYEN D'OPTIMISATION FISCALE Après plusieurs décennies, le législateur camerounais n'a cessé d'élaborer des mesures fiscales incitatives aux investissements pour accompagner les entreprises et par voie de conséquence, promouvoir le développement durable et la croissance économique du Cameroun. Mais, suivant le rapport Doing Business 2009 classant les pays suivant la facilité d'y faire des affaires, le Cameroun arrive à la 164ème position sur 181ème au classement général. Par ailleurs, la commission de reforme fiscale 2007 dans l'avant-propos de son rapport général affirmait : « Notre fiscalité apparaît aux yeux de nombre d'opérateurs économiques nationaux et étrangers peu attractive et contraignante»137(*). Ces différentes affirmations ne sont- elles pas la conséquence de quelques insuffisances que renferme notre dispositif fiscal incitatif aux investissements ? Pour apporter des éclaircissements à cette problématique, nous avons décidé de procéder à la recherche des insuffisances (chapitre 1) afin de dégager des perspectives pour une fiscalité des investissements plus efficace (chapitre 2). CHAPITRE 1 : RECHERCHE DES INSUFFISANCES DES MESURES FISCALES INCITATIVES AUX INVESTISSEMENTS Dans les économies modernes, les mesures fiscales incitatives aux investissements sont créées pour doter l'économie d'une infrastructure industrielle permettant d'impulser les emplois, le transfert des technologies et par conséquent, la relance économique. Le Cameroun n'est pas resté en marge de cette vision. Juste après son indépendance, il s'est efforcé à encourager les investissements par la mise en place d'un Code des investissements. Au cours des années 90, la pression des bailleurs de fonds138(*) et la mauvaise gestion des entreprises publiques conduisent à la privatisation de plusieurs entreprises publiques139(*). Face à cette situation et dans le souci d'assurer la régulation de l'économie, l'Etat décide d'encourager les investissements en instituant les ordonnances n°90/001 créant le régime de ZPFI, n°90/007 afférente au Code des investissements, et plusieurs autres mesures. Curieusement, la position mondiale qu'il occupe dans le classement Doing Business 2009 suscite plusieurs inquiétudes quant à son climat des affaires, remettant ainsi en cause l'effectivité ou l'efficacité de ces incitations fiscales. Pour mieux nous situer sur cette appréhension, nous avons décidé d'aller à la rencontre des investisseurs solliciter leurs avis. La pertinence des analyses suite à l'exposé des insuffisances recueillies auprès de ces derniers (section 2) passe nécessairement par la présentation de la démarche empirique (section 1). * 128 Articles 4 et 5 du décret n°2008/2304 /PM du 29 juillet 2008 précisant les modalités d'application du régime fiscal particulier des projets structurants. * 129 Article 3 du décret n°2008/2304 /PM du 29 juillet 2008. * 130 « Grande entreprise » désigne une entreprise dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur ou égal à un (01) milliard de francs CFA. Voir article 2 (2) du décret n°2008/2304 /PM du 29 juillet 2008. * 131 « Petite et moyenne entreprise » désigne une entreprise dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à un (01) milliard de francs CFA. Voir article 2 (2) du décret n°2008/2304 /PM. * 132 « Entreprise nouvelle » désigne une entreprise qui est immatriculée au registre de commerce au titre de l'année considérée et qui se présente au service des impôts pour une première immatriculation. Cf. article 2(2) du décret n°2008/2304 /PM. * 133 « Entreprise ancienne » désigne une entreprise déjà immatriculée au registre de commerce et qui développe de nouveaux projets. Cf. article 2(2) du décret n°2008/2304 /PM du 29 juillet 2008. * 134Article 115 du CGI ou Cameroun Tribune du 08 février 2008, p. 10. * 135Article 8 (1) du décret n°2008/2304 /PM du 29 juillet 2008. * 136 Ce taux dérogatoire s'obtient en multipliant le taux de droit commun par 1,25. * 137 Commission de reforme fiscale 2007 : Rapport général, P. VII. * 138 Dans le cadre du programme d'ajustement structurel, les économistes du FMI proposent au Cameroun une série de mesures parmi lesquelles la privatisation des entreprises publiques mal gérées pour lutter contre le déséquilibre des finances publiques. Voir ATANGANA FONGUE, op.cit., p.44. * 139 SONEL, REGIFERCAM, SOCAPALM sont quelques exemples d'entreprises publiques privatisées. |
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