La fiscalite des investissements et l'optimisation fiscale cas du cameroun( Télécharger le fichier original )par Elvice DJOMENI KOLOKO Université de Douala - Master II professionnel en fiscalité appliquée 2008 |
Paragraphe 2. Mesures fiscales relatives à l'exploitation de l'entreprisePour davantage susciter la création d'entreprises, la fiscalité des investissements accompagne les investisseurs au cours de la phase d'exploitation. Cette coopération se matérialise par l'allègement total ou partiel sur une durée plus ou moins longue des charges fiscales auxquelles sont soumises les entreprises au cours de leurs existences. C'est ainsi qu'on peut relever les incitations fiscales relatives à l'enregistrement des actes (A) et à l'allègement de l'impôt sur le revenu (B).
Les incitations fiscales relatives à l'enregistrement des actes au cours de la phase d'exploitation portent sur l'exonération des droits d'enregistrement en cas d'augmentation du capital (I), l'exonération des comptes courants associés (II) et l'exonération des prêts sur nantissement et sur hypothèque passés avec les établissements de crédit (III). I- L'exonération des droits d'enregistrement lors de l'augmentation du capital D'après l'Acte uniforme OHADA portant sur le droit des sociétés commerciales en son article 562, « le capital social est augmenté soit par émission d'actions nouvelles, soit par majoration du montant nominal des actions existantes. Les actions nouvelles sont libérées soit en espèces, soit par compensation avec des créances certaines, liquides et exigibles sur la société, soit par incorporation des réserves, bénéfices ou primes d'émissions, soit par apport en nature ». Sur le plan fiscal, le traitement est analogue à celui développé dans le cadre des opérations de constitution des sociétés27(*). Ainsi, les opérations d'augmentation de capital sont exonérées des droits dégressifs et des timbres gradués28(*). II- L'exonération des comptes courants associés L'une des difficultés majeures auxquelles sont confrontées les entreprises dans les pays en voie de développement en général et le Cameroun en particulier est celui du financement du fonds de roulement29(*). Ces entreprises font généralement recours à des emprunts auprès de leurs associés. Conscient de ces difficultés, le législateur camerounais dans la LF 2007 à l'article 546, exonère de la formalité d'enregistrement les conventions de comptes courants associés. La circulaire d'application relative à cette disposition énonce : « Afin d'encourager l'investissement, les conventions de comptes courants associés sont dorénavant exemptées de la formalité d'enregistrement. Ainsi, qu'elles soient matérialisées par un acte ou qu'elles découlent d'un constat sur les opérations de l'entreprise, ces conventions ne sont plus astreintes à la formalité d'enregistrement »30(*). Il s'agit là d'une mesure incitative aux investissements en ce sens qu`elle permet de réduire le coût des charges financières et fiscales31(*). Outre le recours aux associés, les entreprises font souvent appel aux établissements de crédit pour financer leurs activités. III- L'exonération des prêts sur nantissement et sur hypothèque passés avec les établissements de crédit Les prêts accordés par les établissements de crédit sont généralement assortis d'une mesure de sûreté qui garantit le remboursement à l'échéance. Lorsque cette mesure porte sur un bien immeuble, on parle d'hypothèque32(*). Lorsqu'elle porte sur un bien meuble, on parle de nantissement33(*). Sur le plan fiscal, les ouvertures de crédit sur hypothèque ou sur nantissement réalisées avec les établissements de crédit sont exonérées des droits d'enregistrement conformément à l'article 546, alinéa A-5 du CGI qui énonce : « Les prêts sur nantissement et sur hypothèque passés avec les établissements de crédit, ainsi que les mains levées, cautionnements et garanties y relatifs sont enregistrés gratis ».Il faut toutefois noter que ces prêts sont soumis au droit de timbre gradué.34(*) Au même titre que les incitations fiscales relatives à l'enregistrement des actes, les mesures fiscales incitatives en cours d'exploitation portent sur l'allègement de l'impôt sur le revenu.
A la fin de chaque exercice fiscal, les contribuables sont tenus de souscrire une déclaration des résultats obtenus dans leurs activités au cours de la période servant de base à l'imposition35(*). Dans le cadre de ces travaux qui visent à arrêter les comptes annuels, le législateur a prévu plusieurs mesures d'allègement des charges fiscales. Ces mesures portent sur le report des déficits antérieurs (I), la déductibilité des frais d'assistance technique relatifs au montage d'usine au Cameroun (II), le régime de faveur des opérations de scission, de fusion ou d'apport partiel d'actif (III), les avantages fiscaux au profit des adhérents des centres de gestion agréée (IV) et les avantages fiscaux au profit d'acquéreurs d'entreprises en difficulté (V). I- Le report des déficits antérieurs En vertu du principe de l'autonomie du droit fiscal36(*), l'analyse fiscale des charges et des produits n'obéit pas aux mêmes règles que l'analyse comptable et financière37(*). Ainsi, un déficit réalisé au cours de l'exercice n-1 peut être considéré comme une charge déductible au cours des exercices suivants. Pour une gestion rationnelle des déficits antérieurs, il y'a lieu de distinguer38(*) les reports déficitaires (a) des amortissements différés en période déficitaire (b) quant à l'ordre d'imputation (c). a) Les reports déficitaires Qualifiés de déficits ordinaires, c'est la différence entre le déficit fiscal réalisé et les amortissements fiscaux pratiqués. Les reports déficitaires réalisés au cours d'un exercice peuvent s'imputer sur les bénéfices fiscaux réalisés au titre des quatre exercices suivants celui au cours duquel le déficit est réalisé39(*). Au delà de cette période, le déficit est prescrit et ne peut plus être déductible. Ainsi, les reports déficitaires résultant des charges déductibles au cours de l'année n peuvent s'imputer sur les bénéfices réalisés au titre des exercices fiscaux n+1, n+2, n+3 et n+4. Il convient de noter que les reports déficitaires doivent nécessairement s'imputer sur l'ensemble des résultats bénéficiaires des exercices suivants, et cette imputation ne peut être limitée à une somme qui permettrait de réduire le résultat fiscal de telle manière que l'impôt sur les sociétés se situe à un montant équivalent à celui du minimum de perception. Illustration : Soit une société ayant un déficit de 125 000 000 FCFA au cours de l'exercice fiscal 2006. En 2007, cette même société réalise un chiffre d'affaires de 3 000 000 000 F CFA et un bénéfice fiscal de 150 000 000 FCFA. A défaut de réaliser un déficit en 2006, cette société aurait à payer pour 2007 un impôt sur les sociétés de : 150 000 000 x 38.5% = 57 750 000 FCFA. Après imputation du déficit de 2006, le résultat fiscal serait de : 150 000 000 - 125 000 000 = 25 000 000 FCFA. Dans cette première démarche, nous pouvons résumer ainsi : Impôt sur les sociétés : 25 000 000 x 38.5% = 9 625 000 FCFA. Minimum de perception à payer : 3 000 000 000 x 1.1% = 33 000 000 FCFA. Economie d'impôt réalisée : 57 750 000 - 33 000 000 = 24 750 000 FCFA. Solde report déficitaire : = 0 FCFA. Or, on peut être tenté de limiter l'imputation du déficit de sorte que l'impôt calculé au taux de 38.5% sur le résultat fiscal s'équilibre avec le minimum de perception afin de réaliser une économie des reports déficitaires, soit : (150 000 000 - déficit imputé) x 38.5% = 33 000 000 FCFA. D'où le déficit à imputer est égal à 64 285 714 FCFA, pour un résultat imposable de 85 714 286 FCFA40(*). Cette seconde démarche se résume ainsi : Impôt sur les sociétés : 85 714 286 x 38.5 % = 33 000 000 FCFA. Minimum de perception à payer: 3 000 000 000 x 1.1% = 33 000 000 FCFA. Economie d'impôt réalisée : 57 750 000 - 33 000 000 = 24 750 000 FCFA. Solde report déficitaire : 125 000 000- 64 285 714 = 60 714 286 FCFA Cette seconde hypothèse est remise en cause par l'Administration fiscale dans les dispositions de l'article 12 du CGI en ces termes « .....Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée ....». Ainsi, les reports déficitaires constituent de véritables instruments fiscaux à l'optimisation des charges fiscales au sein des entreprises. b) Les amortissements différés en période déficitaire Contrairement aux reports déficitaires qui sont déductibles du résultat fiscal dans la limite des quatre exercices qui suivent celui du déficit, les amortissements différés en période déficitaire sont reportables indéfiniment41(*). Ces amortissements doivent respecter les conditions suivantes : · être comptabilisés et conformes aux taux prescrits par le CGI ; · être remplis au tableau 8 ou 10 des amortissements de la Déclaration Statistique et Fiscale (DSF) selon qu'on est au régime simplifié ou au régime du réel ; · être repris dans le tableau 17 ou 22 des réintégrations de la DSF selon qu'on est · assujetti du régime simplifié ou du réel ; · les déductions doivent être pratiquées sur les résultats des premiers exercices suivants bénéficiaires. Il convient toutefois de noter que les amortissements différés au même titre que les reports déficitaires ne sont pas directement transmissibles dans le cas d'une opération d'apport de fusion, scission ou d'apport partiel d'actif. c) Ordre d'imputation des déficits antérieurs L'ordre d'imputation préférentiel sur le bénéfice est le suivant : - amortissements normaux de l'exercice ; - reports déficitaires non prescrits en commençant par le plus ancien ; - amortissements différés en période déficitaire. II- La déductibilité des frais d'assistance technique relatifs au montage d'usineAux termes des dispositions de l'article 7, alinéa A (1.d) du CGI, les rémunérations de services rendus aux entreprises par les personnes physiques ou morales domiciliées à l'étranger sont partiellement 42(*)admises en déduction à condition qu'elles ne soient pas exagérées. Par dérogation à cette dernière et conscient que la promotion des investissements passe par le transfert des technologies, le législateur camerounais n'a pas fixé de limite pour la déductibilité des frais d'assistance technique et d'étude relatifs au montage d'usine au Cameroun. Il s'agit là d'une mesure d'allègement fiscal qui vise à promouvoir la création et l'expansion des entreprises industrielles par le transfert des technologies et des compétences. * 27 Article 546 (A-6) du CGI. * 28 Ces innovations sont relatives à la loi de finance 2010. Avant cette dernière, ces opérations étaient soumises aux droits dégressifs. * 29 Le fonds de roulement est ce qui reste des ressources durables lorsqu'elles ont financés les actifs immobilisés. Il doit non seulement être positif, mais être capable de financer le besoin de financement de l'entreprise. Dans le cas contraire, l'entreprise sera tenue de procéder à des emprunts pour couvrir ce besoin. Voir NZAKOU (A) : Difficultés comptables et fiscales, Tome 1, pp. 58-60. * 30 Circulaire n°0004/MINEFI/DGI/LC/L du 25 janvier 2007, p. 11. * 31 Le taux d'intérêt appliqué est généralement très faible à celui appliqué par les institutions financières. Les charges d'intérêts y relatives sont déductibles du résultat fiscal dans la limite du taux de la BEAC majoré de deux points. * 32 Article 117 de l'Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés. * 33 Ibid., article 63. * 34 Article 585 du CGI. * 35 Article 74 du CGI. * 36 Source du droit fiscale, c'est le principe selon lequel le droit fiscal dispose d'une certaine liberté dans la définition de ses concepts. Cependant, il ne fait pas systématiquement abstraction aux définitions données par d'autres branches du droit. Voir COZIAN (M) : Les grands principes de la fiscalité des entreprises, pp. 1-15. * 37 En vertu du principe d'indépendance des exercices comptables, le droit comptable OHADA autorise de ne rattacher à un exercice que les charges et les produits qui le concernent (Voir art.59 de l'Acte uniforme OHADA sur le droit comptable). A contrario, le droit fiscal recommande de rattacher à un exercice, les charges et les produits qui le concernent et certaines charges antérieures sous certaines conditions. * 38 Cette distinction est capitale dans le retraitement du résultat fiscal car les reports déficitaires sont prescrits dès la quatrième année qui suit la réalisation du déficit tandis que les amortissements différés en période déficitaire sont reportables indéfiniment. Il est donc souhaitable d'imputer au préalable les reports déficitaires. * 39 NZAKOU (A) : Difficultés comptables et fiscales, Tome 2, pp. 94 -95 et l'article 12 du CGI. * 40 Ce résultat imposable représente le résulta fiscal de l'exerce (150 000 000) diminué des imputations de l'exercice (64 285 714). * 41 Article 7(D) du CGI. * 42 A l'exception des frais d'assistance technique versés en France entièrement déductibles, certains services effectifs rendus aux entreprises camerounaises par des personnes physiques ou morales domiciliées à l'étranger sont déductibles dans la limite de 10% du résultat fiscal intermédiaire. Cette limitation est fixée à 5% du CAHT pour les entreprises de travaux publics et à 15% du CAHT pour les bureaux d'études fonctionnant conformément à la réglementation. Cf. art. 7(D) du CGI. |
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