Chapitre 1
3.1- APPROPRIATION ET
REAPPROPRIATION : QUESTION D'INCULTURATION
Pedro Arrupe définissait l'inculturation comme
''l'incarnation de la vie et du message chrétien dans un contexte
culturel particulier, faite de telle manière que cette expérience
non seulement puisse s'exprimer à travers des éléments
propres à la culture en question mais encore devienne un principe qui
anime, dirige et unifie la culture, et ce faisant, la transforme et la
remodèle si bien qu'une «nouvelle création en sorte»''
Alors qu'il y a davantage de discussions sur l'inculturation, sur le terrain,
l'enthousiasme semble décliner. Or il est clair qu'on ne saurait plus,
à voir le style de vie des gens, parler d'une culture africaine. La
culture africaine est en réalité une mosaïque de cultures;
et malgré les intentions les plus pures pour adhérer
l'être-là africain à la modernité, le peuple
cherche à vivre, à exprimer et à célébrer
son identité à travers les symboles de sa propre culture.
Incarnant ainsi la Bonne Nouvelle, l'Eglise africaine pourrait ainsi
efficacement et authentiquement en témoigner dans son contexte. Or en
raison de la situation actuelle de l'être-là africain, son
identité culturelle ne doit pas seulement être affirmée
mais d'abord découverte et retrouvée. La liberté pour se
vouer à une telle entreprise n'existe point. Ce qui rend du coup aussi
impossible l'oeuvre de l'inculturation, d'abord par un organe central, au
nom de la préservation de l'authenticité de l'Evangile et de la
sauvegarde de l'unité. On se demande alors si l'inculturation
consiste simplement en la traduction de vérités éternelles
dans différentes cultures. La culture originale qui aurait accueillie
l'évangile, en la transmettant à d'autres cultures,
transmet-elle seulement une tradition qui doit être
interprétée et permettre une expression neuve et
créatrice dans une autre culture ? Tout se joue à notre
avis, sur le mot inculturation. En théorie, elle s'explique à
partir de l'incarnation. Mais en pratique, c'est le fait qu'une
communauté dans son approche inculturée de l'Evangile, va
à la rencontre d'une autre dont la culture est soutenue par sa propre
religion. Naît donc un dialogue à la fois interculturel et
interreligieux duquel devra émerger une nouveauté. Un tel enjeu
de l'inculturation n'a pas eu de fruit sur l'être-là africain
dans la mesure où l'inculturation a posé l'Evangile comme un
conquérant qui va au devant des cultures, pour les conquérir,
les intégrer et les enrichir. Il y a là une sorte de domination
qui permet de concevoir l'Evangile comme un pur produit; or tout
évangile avant d'aborder une culture est dans une forme
inculturée. L'évangile donc, étant donné ses
limites culturelles, a quelque chose à apprendre des autres cultures,
notamment de l'Afrique. D'où le dialogue devient le paradigme de la
rencontre évangile -culture. Face à ce pluralisme culturel et
religieux, le souhait n'est plus de christianiser la culture, mais
plutôt d'annoncer l'Evangile en invitant chaque culture à la
transformation. Car les cultures aujourd'hui sont prises dans un processus de
changement et d'interaction. Il s'ensuit que ce qui importe maintenant, c'est
que Dieu rencontre l'africain, cette personne humaine, et qu'il réponde
à Dieu dans sa vie, non seulement à travers sa culture, et ses
relations, mais aussi à travers les structures économiques et
socio-politiques.
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