B- L'isolement des actionnaires
Le législateur de l'OHADA a conçu la
société de capitaux comme un véritable Etat
démocratique observant le principe de séparation des
pouvoirs158.
154 MALAURIE P. et AYNES L. , Régimes matrimoniaux,
cités par KAGOU KENNA P. H., op. cit., p. 16.
155 KAGOU KENNA (P.), op. cit. p. 18.
156 Tel sera le cas lorsque les statuts exigent, par exemple, un
certain nombre d'actions pour accéder à une assemblée
générale ordinaire.
157 HEMARD, TERRE, MABILAT : Sociétés commerciales,
cités par MERCADAL (B.), JANIN (P.), op. cit., n° 1825, p. 556.
158 Le principe de la séparation des pouvoirs
développé tour à tour par John LOCKE et MONTESQUIEU
postule une indépendance et une égalité entre les
différents organes de la société : l'organe
délibérant, l'organe exécutif et l'organe de
contrôle, afin d'éviter toute concentration du pouvoir,
annonciatrice de la mort des droits.
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Aussi, l'assemblée générale des
actionnaires détient-elle la souveraineté : elle nomme,
contrôle et révoque les administrateurs. Le conseil
d'administration, organe exécutif, doit rendre compte de sa gestion au
moins deux (02) fois l'an. Pour exercer utilement leur droit de contrôle,
les actionnaires peuvent, avant la tenue de l'assemblée, exiger des
explications, et si celles-ci paraissent insuffisantes, solliciter une
expertise de gestion.
Mais ce système, équilibré sur le papier,
s'avère en pratique étrangement modifié. D'une part, le
choix des administrateurs échappe aux actionnaires : les premiers se
confondent avec les fondateurs. Sans doute ils devront être
confirmés par l'assemblée constitutive; mais comment les membres
de cette assemblée pourraientils avoir seulement l'idée de leur
refuser confiance ?159 D'autre part, si le choix des administrateurs
échappe ainsi aux actionnaires, ces derniers ne peuvent pas exercer avec
efficacité leur droit de contrôle, ni celui de vote. L'actionnaire
isolé n'a, en effet, ni le temps ni la capacité, encore moins le
goût de vérifier quoique ce soit. Il ne vient que très
rarement à l'assemblée. Cela est d'autant vrai que le local
où doit se tenir l'assemblée, serait notoirement insuffisant
à contenir fût-ce le quart des actionnaires convoqués,
surtout lorsque la société fait appel public à
l'épargne.
Cet absentéisme des actionnaires aux assemblées
générales est si fréquent que pour y remédier, les
sociétés envoient en même temps que les convocations un
pouvoir en blanc à signer d'avance, et allouent même souvent un
jeton de présence, pour obtenir soit le retour du pouvoir signé,
soit la présence effective de l'actionnaire à la
réunion160.
On peut souligner en outre au sujet de leur droit de vote que,
dans les entreprises importantes, les actionnaires, nombreux et isolés,
ne se sentent guère impliqués par la marche de la
société car, ils ne disposent individuellement que d'un nombre de
voix insuffisant pour influencer le vote. Ils préfèrent donc
s'absenter et renoncer tout simplement à ce droit. Parfois même,
notamment dans les sociétés cotées en bourse, ils ignorent
l'activité de la société. Ils ont acquis quelques titres
uniquement pour faire un placement. Pour finir, beaucoup ne viennent pas aux
assemblées et ne s'y font même pas représenter.
Si l'on peut observer qu'on ne peut protéger utilement
celui qui ne veut se protéger lui-même, force est de constater que
cet état d'isolement et d'absentéisme est en partie imputable au
caractère non incitatif de la législation OHADA, qui n'offre pas
un cadre absolument propice à l'épanouissement des actionnaires.
Ce qui justifie à suffisance une intervention urgente et correctrice du
législateur.
159 PERROUD (J.), « La condition de l'actionnaire »,
Mélanges Georges RIPERT, Tome 2, p. 320.
160 PERROUD (J.), op. cit. p.321.
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