L'intangibilté du capital social et la protection juridique des créanciers sociaux( Télécharger le fichier original )par Mahawa DIOP Université gaston berger de Saint Louis - Maitrise 2006 |
B. La libération des apports par les souscripteursEn conformité avec le principe général dégagé dans le cadre de l'article 1843-3 du code civil, il est possible d'affirmer que « c'est seulement dans la mesure où les apports sont effectués que la garantie que constitue le capital social prend quelque consistance49(*) ». C'est la raison pour laquelle, la libération du capital social n'est pas pour la loi une exigence fondamentale pour les sociétés de personnes ; puisque le capital social n'est pas considéré comme une garantie réelle pour les créanciers sociaux. Ceux-ci lorsqu'ils poursuivent le patrimoine de l'entreprise se trouvent en concours avec les créanciers personnels des associés. Cependant, les créanciers sociaux disposent d'une action directe en versement contre l'associé qui n'aurait pas effectué son apport.50(*) Du reste, la libération du capital social implique la réglementation tant en ce qui concerne les apports en nature que ceux en numéraire. - s'agissant des premiers apports, leur libération doit respecter deux impératifs quelle que soit la forme sociale considérée : elle doit être immédiate et intégrale. Aux termes de l'article 45 al. 2 de l'A.U SC/ G.I.E, « les apports en nature sont intégralement libérés lors de la constitution de la société ». Les apports en nature étant réalisés par le transfert de droit réels ou personnels correspondent aux biens apportés et que effectivement sont mis à la disposition de la société, les droits portant sur ces biens. La loi fixe la date limite du caractère immédiat de la libération des apports en nature. En effet, pour les SARL, c'est la signature de l'acte constitutif, et l'émission des actions pour les SA qui constituent la date exacte. La seule limite extrême est la date de l'immatriculation. Ainsi, « par suite de l'obligation de libérer...dés lors la constitution de la société, la simple promesse d'apport à réaliser après la constitution est nulle ».51(*) La libération ne peut subordonnée à aucune condition. L'intérêt de la détermination de la date vise le cas de destruction par cas fortuit du bien objet de l'apport. Si la destruction intervient, avant la constitution, le capital initial ne sera plus intégralement souscrit, l'apporteur aura à subir quant à lui les risques en raison de l'adage « res périt domino ». En ce qui concerne l'impératif de libération intégrale, le principe a été exprimé de manière plus générale dans le cadre de l'article 1843-3 du code civil qui dispose que « chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu'il a promis de lui apporter en nature, en numéraire ou en industrie ». Cette obligation juridique permettra, en cas de réticence dans la libération des apports, d'intenter une action en exécution forcée à l'encontre de l'apporteur défaillant.52(*) - Quant aux seconds apports dits en numéraire, la réglementation est encore plus stricte. L'exigence de libération des apports en numéraire répond d'un souci d'assurer pour la société d'un fonds de roulement initial minimum, et la limitation de souscriptions fictives.
Dans les SARL, la libération des apports en numéraire est immédiate et intégrale. Une SARL ne peut être valablement constituée que si les parts sociales ont été réparties entre les associés dans l'acte de société et ont été intégralement libérées.53(*) Par contre, la libération des actions en numéraire dans les sociétés anonymes (SA) peut être successive et fractionnée. Aux termes de l'article 389 de l'AU, « les actions représentant des apports en numéraire sont libérés, lors de la souscription du capital, d'un quart ou augmenté de leur valeur nominale. La libération du surplus54(*) intervient dans un délai qui ne peut excéder 3 ans55(*) à compter de l'immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, selon les modalités définies par les statuts ou par décision du conseil d'administration ou de l'administrateur général ». A la question de savoir quelles sont les modalités de libération des apports en numéraire, la réponse selon une certaine doctrine est que devant être immédiate, elle ne peut s'effectuer par voie de compensation avec une créance sur la société ; car cette dernière n'a pas encore la capacité juridique ; elle pourra être faite par tout moyen, et il suffit que les espèces soient mises à la disposition de la société le jour de la signature du pacte sociale. Cependant, il en serait autrement en cas d'apport dans le cadre d'une augmentation du capital social, puisque la société a alors la personnalité morale.56(*)
Les sanctions de la non libération du capital social différent selon que l'on se place à la constitution, ou après, sur appel du conseil d'administration. Dans le premier cas, la non libération intervenant sur le premier quart constitue une entrave à la constitution de la société, ce qui peut bloquer le mécanisme en l'absence de régularisation. Dans ce cas, on peut envisager la responsabilité civile ou pénale des fondateurs pour fausse déclaration de conformité.57(*) En revanche, lorsque la non libération intervient sur le surplus, il est prévu la mise en vente des actions non totalement libérés appelés « exécution en bourse » après mise en demeure resté infructueuse un mois.58(*)
Du reste, la libération du capital social est certifiée par un ensemble de dispositions concernant le dépôt de fonds et leur retrait.
En droit OHADA, la constatation de la libération et du dépôt des fonds est organisée par l'article L 314 de l'AUSC. En droit français, la formalité du dépôt des fonds est prévue par les articles L 38 al 2 pour les SARL, et L 77 et 84 pour les SA. Dans tous les cas les fonds provenant de la libération des titres sociaux doivent faire l'objet d'un dépôt dans les huit (8) jours de leur réception au nom et pour le compte de la société en formation, auprès d'un banquier, d'un notaire, ou à la caisse des dépôts et consignations, et sont frappés d'indisponibilité.59(*) Cependant, un formalisme beaucoup plus contraignant frappe les sociétés anonymes, pour lesquelles le dépôt de fonds doit être constaté par un certificat établi par le dépositaire qui effectue une simple constatation matérielle. Le retrait de fonds en revanche, n'est légalement autorisé qu'après immatriculation de la société au RCCM et ne peut être effectué par le mandataire de la société que sur présentation du certificat du greffier attestant l'immatriculation. De sorte que tant que la société n'a pas de personnalité morale, « les fonds se trouvent bloqués en sûreté, au profit de la future société, et indisponibles ».60(*)C'est la fonction de financement de la société par le capital social qui est mis en évidence.
Cette fonction sera beaucoup plus remplie notamment lorsqu'il s'agit de mettre en exergue les aspects du rôle juridique de la notion du capital social au profit des créanciers sociaux. * 49 Enc. Dalloz, Rep. Soc., V° cap., n°46 et s * 50 Ibid * 51 P Bezard, Juriscl. Soc., Fasc. 71, n°62 * 52 Cass. Com. 28 juin 1976, Rev. Soc. 1977- 237, note J. H. et RTD com. 1979. 254, n°2, obs. Houin * 53 Art. 38 de la loi de 1966 * 54 Ce qui peut être libéré par compensation car la société aura à l'époque de l'appel la personnalité morale, sous réserve que la créance soit liquide et exigible. * 55 Cinq (5) ans selon l'article 75 de la loi de 1966 * 56 S. D. Desmaret, opt. Cit, p 145, n°121 * 57 Cass. Crim. 28 mai 1979, JCP 1979-VI, 251 : le fondateur avait déclaré que chaque souscripteur avait libéré le montant du, alors qu'il avait lui-même procuré l'emprunt fictif pour faire face aux versements apparents. * 58 Art. 281 de la loi de 1966 * 59 Paris, 30 novembre1976, Rep. Defrénois 1978, I, p 435, n° J. M. Defrénois * 60 A. Bourgnoux, Juriscl. Soc., Fasc. ,121-2, n°30 |
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