2- La relation banque/PME tunisiennes :
Nous avons déjà relevé qu'entre la banque
et la PME règne un climat de manque de confiance pour plusieurs raisons.
Cette fois, nous avons choisis de nous adresser à trois banques
tunisiennes, deux privées et l'autre étatique, pour savoir
comment ces banques aperçoivent les PME par rapport aux grandes et
comment elles gèrent cette relation.
1. Les participants de la recherche :
L'étude qualitative, évoque des participants qui
possèdent des caractéristiques rattachées aux objectifs de
la recherche. Ainsi vu que notre travail porte sur la manière dont on
peut réduire les conflits qui existent entre la banque et la PME, nous
cherchons à interroger des personnes possédant les
caractéristiques prévues : chef d'agence ou un chargé
du service crédits.
2. Approche constructive :
Pour mieux cerner le sujet et encadrer les participants, nous
avons opté pour un guide d'entretien composé de dix questions
ouvertes. Afin, de laisser la personne interrogée s'exprimer librement
pour avoir des informations riches et pertinentes.
1. Les institutions financière invoquent
souvent le risque financier supérieur des PME. Partagez-vous cet
avis ? Et pourquoi ?
UBCI : Je partage cet avis, le risque
PME existe par rapport aux grandes entreprises. En effet, face à la
petite dimension nous somme confrontés à une mauvaise gestion des
gérants. Ils souffrent parfois de certaines carences managériales
et ils refusent d'avoir un comptable, rien que pour garder leur autonomie et
leur indépendance. Ils ont souvent tendance à dévier des
fonds reçus pour une satisfaction personnelle, ce qui nous rend
méfiant face à ce type d'entreprise.
BNA : Le risque PME
existe car nous craignons l'échec de leur projet, puisque nous ne
disposons pas souvent la bonne information concernant la viabilité de
leur projet.
BIAT : Je confirme, le risque PME existe
par rapport aux grandes pour deux raisons fondamentales :
- Les PME sont des entreprises dirigées par une seule
personne qui s'occupe de tous. On ne peut pas prévoir comment il pense
et quels sont ses objectifs, toute est liées à sa
personnalité. Le risque d'avoir des mauvaises surprises est alors
très élevé.
-Les PME sont mal structurées est très
centralisées. C'est beaucoup plus facile alors de falsifier ou de
manipuler l'information dans ce type d'entreprise que dans une grande.
D'ailleurs, il n'existe pas un bilan qui présente la situation
réelle de l'entreprise. Le dirigeant s'occupe de tous, il
présente un premier bilan au banque, un deuxième au fisc et le
bon n'existe pas.
2. Sur 100 PME, combien réussissent à avoir
le crédit ? pourquoi?
UBCI : 50% des demandes
de crédit ne sont pas accordés. D'après mon
expérience, je prévois automatiquement quels sont les projets
rentables et ceux qui ne le sont pas. Je ne prends jamais le risque et
pour la moindre doute le dossier sera refusé.
BNA : 40% des demandes sont
acceptées. Les autres ne sont pas accordés, soit parce qu'ils
sont incomplets, soit parce que l'étude n'est pas convaincante.
BIAT : Je ne peux pas vous donner un
pourcentage car tous dépend de la viabilité des demandes
proposées. On peut parfois les accepter tous et vice-versa.
3. Généralement, quels sont les
problèmes que vous confrontez face aux PME ?
UBCI : Nous sommes
généralement confrontés, soit à une mauvaise
gestion, soit à des prélèvements personnels excessifs des
gérants à partir des ressources de l'entreprise. Ce qui diminue
les flux disponibles pour le remboursement de l'emprunt.
BNA : Nous confrontons souvent
des problèmes de recouvrement.
BIAT : Nous confrontons beaucoup de
problèmes, tels que, la mauvaise gestion des trésoreries,
c'est-à-dire, une confusion entre le patrimoine de l'entreprise et les
besoins personnelles du dirigeant. Par exemple, on reçoit souvent des
chèques avec des montants énormes, provenant des parfumeries, des
boutiques de vêtements ou autres ; qui n'ont aucune liaison avec
l'activité de l'entreprise ce qui entraîne un retard de paiement.
Et le grand problème, c'est qu'on ne peut pas prévoir, comment il
peut agir ultérieurement car il ne subit pas un contrôle quotidien
comme c'est le cas des grandes entreprises.
4. Comment vous procédez pour se
prémunir contre le risque PME ?
UBCI : Notre banque ne
prend jamais le risque, avant d'accorder le crédit, nous faisons des
visites sur les lieux pour voir si l'étude présentée
correspond à la réalité. Une fois le crédit est
accordé, nous commençons le suivi. Nous disposons des logiciels
modernes et très efficaces et une liaison directe avec la banque
centrale. Ce qui nous permet de suivre le comportement du client, même
s'il est à l'étranger ou même s'il collabore avec d'autres
banques. Et dès le moment où il commence à dévier
ou à détourner des fonds, nous le convoquons pour régler
la situation.
BNA : Pour se prémunir contre le
risque nous augmentons le coût du crédit, nous exigeons plus de
garanties et des taux d'intérêt élevés.
BIAT : Pour se prémunir contre le
risque, nous exigeons le maximum de garanties et des taux
d'intérêts élevé. Toutefois, il faut avouer que
certaines PME bénéficient des conditions de crédit,
parfois, plus avantageuses que celles des grandes car elles font toujours
preuve de loyauté. Mais, ce n'est qu'une minorité.
5. Plusieurs études montrent que les banques
ont tendance à devenir plus exigeantes, lorsqu' une PME connaît
des difficultés, qu'en pensez vous ?
UBCI : Lorsque la PME connaît des
difficultés, on essaye de l'aider en proposant un crédit
d'actualisation, mais si elle n'arrive pas à s'en sortir, on devient
plus exigeant. Par exemple, en diminuant les facilités de caisses ou
en changeant la formule du crédit.
BNA : Lorsqu'elle connaît des
difficultés, on essaye d'identifier son problème. Si l'ajout
d'un deuxième crédit est une solution, on lui accorde cette
chance, sinon on suit une procédure légale pour le
remboursement.
BIAT : Face à une PME en
difficulté, on fait le maximum pour la sauver surtout si la cause est
expliquée. Par exemple, suite au 11 septembre, beaucoup d'entreprises,
dans le domaine du tourisme, ont connu des difficultés. Dans ce cas, on
devient très compréhensive, on peut allonger les
échéances ou accorder un deuxième crédit avec un
taux d'intérêt très faible. Notre but, c'est que la PME
s'en sort et qu'elle puisse nous rembourser. Mais, dans le cas contraire, on
passe à la procédure judiciaire.
6. Les PME se plaignent souvent du coût du
crédit élevé par rapport aux grandes, qu'en pensez
vous ?
UBCI : Pas
forcément, si la PME est en bonne santé et elle respecte ses
échéances, il n y aura aucune raison pour que le coût du
crédit soit supérieur à celui des grandes.
BNA : C'est vrai, le coût du
crédit des grandes entreprises est moins élevé et je
trouve que c'est logique car on court moins de risque avec eux . En plus, si on
accorde pas des faveurs à ces entreprises, ils se dirigeront vers nos
concurrents.
BIAT : C'est tout a fait logique, avec
les grandes le risque est souvent maîtrisé. Elles sont bien
structurées, l'information est disponible, il existe souvent un
commissaire aux comptes qui nous garantie la fiabilité des informations.
Surtout, qu'il existe des actionnaires qui exigent le contrôle des
dirigeants pour qu'ils agissent dans l'intérêt de l'entreprise
7. Les dirigeants se plaignent aussi de
l'incapacité de la banque à évaluer la viabilité de
leur projet, qu'en pensez vous ?
UBCI : Je ne suis pas d'accord, car tout
dépend du dirigeant. Si ce dernier présente une bonne
étude, s'il fournit toutes les pièces que nous demandons et s'il
n' y a pas de manipulation de sa part. Nous aurons une bonne visibilité
sur la viabilité de son projet.
BNA : Peut être, car on ne peut pas
prévoir le comportement du dirigeant après l'accord du
crédit.
BIAT : Au contraire, c'est notre
métier d'évaluer la viabilité des projets. Si notre
agence n'arrive pas à accomplir cette tâche, nous envoyons les
dossiers au siége, à la direction du crédit. Nous avons
des spécialistes très qualifiés, ils peuvent
prévoir, selon leur expérience, la rentabilité des projets
et ils peuvent également conseiller et aider les dirigeants pour qu'ils
réussissent
8. La littérature bancaire a souvent
défendu que la relation à long terme banque / entreprise
réduit les risques, partagez vous cet avis ?
UBCI : Je partage cet avis, car la
relation à long terme, nous permet d'avoir une meilleure connaissance de
l'emprunteur. Ainsi, on peut le soutenir tout au long de son
développement en remédiant ses carences managériale et en
proposant des produits qui s'adaptent avec sa situation.
BNA : Je suis d'accord car la relation
à long terme crée un environnement de confiance.
BIAT : Je partage cet avis car cette
relation nous donne une meilleure connaissance du client ce qui
réduit le risque.
9. Pensez- vous que vos clients partage aussi cet
avis?
UBCI : Je pense que nos clients
partagent cet avis puisque on assiste très rarement à un
départ d'un client fidèle
BNA : Je pense aussi que nos clients
partagent cet avis car nous accordons des conditions de crédit beaucoup
plus intéressantes avec nos fidèles clients, vus que nous
collaborons avec l'Etat
BIAT : C'est tout a fait logique
qu'il partage cet avis
10- Pour conclure, proposez vous des conseils aux PME
et aux jeunes promoteurs pour qu'ils réussissent leur relation avec les
banques.
Les trois banques proposent les conseils suivants :
§ Le dirigeant doit être crédible
§ « il doit garder les pied sur
terre »,c'est-à-dire, qu'ils ne doit pas dépasser ses
capacités financières et intellectuelles
§ Il ne doit jamais confondre entre la richesse de
l'entreprise et ses besoins personnels
§ Il doit se doter d'un comptables et des conseillers qui
veilleront à ce que l'intérêt de l'entreprise soit bien
pris en compte.
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