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L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda

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par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE
Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006
  

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SECTION II : LA DETERMINATION DE LA RESPONSABILITE PENALE INDIVIDUELLE DE L'ACCUSE

La responsabilité pénale individuelle est consacrée par l'article 6 du Statut. Cet article prévoit deux sortes de responsabilités : la responsabilité pénale individuelle de l'accusé pour ses propres actes (§1) et la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique pour les actes commis par ses subordonnés (§2).

§1. La responsabilité pénale au regard de l'article 6 (1) du Statut du TPIR

L'article 6 (1) stipule que : quiconque a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 2 à 4 du présent statut est individuellement responsable dudit crime.

Cette disposition énonce un certain nombre de modes d'imputation de la responsabilité qui établissent les principes de base de responsabilité pénale individuelle pour action. Il s'agit d'une responsabilité pénale en vertu de laquelle une personne n'est poursuivie que pour ses propres actes criminels.

En effet, pour que cette forme de responsabilité soit établie, il faut que soient démontrés deux éléments : tout d'abord la participation au fait incriminé, c'est-à-dire que l'accusé doit avoir contribué, par sa conduite à la Commission de l'acte illégal (I), et ensuite la connaissance ou l'intention, c'est-à-dire que l'auteur doit avoir été conscient qu'il participait à la Commission d'un crime (II)39(*).

I. La participation au fait incriminé (Actus reus)

L'article 6 (1) du Statut du TPIR envisage différentes étapes de la Commission d'un crime, dès sa planification initiale à son exécution, en passant par son organisation. Toutefois, pour le TPIR, le principe de la responsabilité pénale figurant audit article suppose que la planification ou la perpétration débouche effectivement sur la Commission, exception faite du crime de génocide40(*).

En outre, pour satisfaire aux exigences de l'article 6 (1) du Statut du TPIR, il faut que la participation de l'accusé ait eu un effet important sur la Commission41(*). C'est une question de fait et il appartient au juge d'apprécier sur la base des éléments de preuve qui ont été fournis.

Il convient de noter que l'article 6 (1) du Statut du TPIR énonce 5 formes de participation, à savoir : la planification, l'incitation, ordonner, commettre, et enfin l'aide et encouragement.

- La planification :

Cette planification rappelle la notion d'entente en Civil Law, ou de conspiracy en Common Law, figurant à l'article 2 (3) du Statut, à la différence que la planification, contrairement à l'entente ou à la complicité, peut être le fait d'une seule personne. Ainsi, la planification pourrait être définie comme supposant qu'une ou plusieurs personnes envisagent de programmer la Commission d'un crime, aussi bien dans ses phases de préparation que d'exécution42(*).

- Incitation de commettre un crime :

Selon la jurisprudence du TPIR, l'incitation consiste dans le fait de provoquer autrui à commettre une infraction. L'incitation n'est punie que si elle a abouti à la commission effective de l'infraction voulue par l'instigateur, à l'exception du crime de génocide, pour lequel la responsabilité pénale individuelle d'un accusé peut être engagée pour le crime d'incitation à commettre le génocide, sur la base des dispositions de l'article 2 (3) (c) du Statut, même si cette incitation n'est pas suivie d'effet43(*).

Dans le cadre du conflit rwandais, l'incitation semble revêtir une grande importance devant le TPIR, tant il est vrai que les crimes commis au Rwanda n'auraient sans doute jamais eu lieu sans la propagande massive des tristement célèbres médias de la haine44(*). Toutefois, le caractère direct ou public n'est pas requis pour l'incitation45(*).

- Ordonner la commission d'un crime :

Selon le TPIR, cette forme de participation suppose une relation de subordination (relation supérieur-subordonné) entre la personne donnant l'ordre et l'exécutant, la personne étant en position d'autorité pour persuader autrui de commettre une infraction46(*).

Sur cette forme de participation, les Chambres de première instance du TPIR ont considéré que la seule présence et la participation personnelle de l'accusé à la commission des actes criminels pouvait faire valoir à ses subordonnés hiérarchiques de les commettre47(*). L'utilisation d'un langage imagé, si son sens était clair pour les subordonnés, ne s'oppose pas à ce que la responsabilité de l'accusé soit établie. Ça pourrait être le cas d'un chef qui dirait à ses hommes : Ici il y a beaucoup de saleté qui doit être nettoyée. en distribuant les machettes et des armes à feu. Cela équivaut à un ordre de tuer48(*).

- Commettre :

La Chambre de première instance dans l'affaire Semanza49(*), a considéré que par commettre on entend la participation directe et physique ou personnelle de l'accusé à la perpétration des actes qui constituent effectivement les éléments matériels d'un crime visé par le statut.

- Aide et encouragement :

Même si aider et encourager peuvent apparaître comme synonymes, les deux termes ont des sens distincts puisque l'aide consiste dans le fait d'apporter une assistance à quelqu'un tandis que l'encouragement consisterait plutôt à favoriser le développement d'une action en lui exprimant sa sympathie. Le problème se pose de savoir si la responsabilité pénale individuelle prévue à l'article 6 (1) du Statut n'est engagée que s'il y a eu à la fois aide et encouragement. La seule aide ou le seul encouragement peut suffire à engager la responsabilité individuelle de son auteur50(*).

Il s'ensuit qu'il n'est pas nécessaire pour aider que l'accusé soit présent au moment des faits, à condition que la contribution à la Commission soit substantielle. Dans ce sens la Chambre de première instance du TPIR, dans l'affaire Rutaganda, a conclu comme suit :

Dans l'un et l'autre, peu importe que la personne qui aide ou encourage autrui à commettre une infraction soit présente ou non lors de la Commission de ladite infraction. L'acte concourant à la perpétration et l'acte constituant la perpétration proprement dite peuvent être séparés dans le temps et dans l'espace. La Chambre estime que l'aide et l'encouragement couvrent tous les actes d'assistance, qu'elle soit matérielle ou morale, mais souligne néanmoins que toute forme de participation doit directement concourir à la perpétration du crime51(*).

Quant à l'encouragement, le fait pour un fonctionnaire d'envoyer un signal clair de tolérance officielle, d'être témoin de violences sexuelles ou même de ne pas les désapprouver suffisent52(*), à condition que le spectateur approbateur ne soit pas un simple subalterne53(*).

Il convient de remarquer que l'encouragement comme fondement de la responsabilité pénale à l'égard de l'article 6 (1) ne peut pas être assimilé à une infraction par omission de l'article 6 (3) du Statut du TPIR. En effet, le spectateur n'est responsable que s'il a agi en sachant que sa présence et son comportement seraient regardés par l'auteur de l'infraction comme approbation tacite, une incitation ou un soutien moral54(*) ; ce qui constitue une aide sous forme de soutien moral, c'est-à-dire l'actus reus du crime. Il s'agit, à notre avis, d'une responsabilité pénale par Commission tandis que la responsabilité pénale de l'auteur sous l'empire de l'article 6 (3) est une forme de responsabilité pénale par omission qui n'exige pas nécessairement que le supérieur hiérarchique ait connaissance des conséquences de son comportement (Voir. infra Chap. I., Sect. II, §2).

* 39 Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 198.

* 40 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 473 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 34 ; Le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16, §.378.

* 41 Le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 379.

* 42 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 480 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 17, §. 37 ; le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16, §.380 ; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 119.

* 43 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 481 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 38 ; L e Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 120.

* 44 F. MEGRET, op. cit., p. 204.

* 45 Le Procureur c. Akayesu, affaire n° ICTR-96-4-A, arret, 1er juin 2001, §§. 474-483.

* 46 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 483 ; Le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 39 ; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 121.

* 47 Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 568 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 391; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §§. 902-903, 911-912.

* 48 F. MEGRET, op. cit., p. 204.

* 49 Le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 383.

* 50 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 484

* 51 Le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 43.

* 52 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §§. 422, 452, 693, 704-706 ; Le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §§. 311-313 ; Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 468 ; Le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16, §§. 865-926.

* 53 Le Procureur c. Bagilishema, Affaire n° ICTR-95-1A-T, jugement, 7 juin 2001, §§. 34-36.

* 54 Ibid.

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