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L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda

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par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE
Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006
  

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§2. Compétence territoriale et temporaire

C'est l'article 7 du Statut du TPIR qui consacre les compétences territoriale et temporelle du Tribunal. Aux termes de cet article, la compétence ratione loci du Tribunal international pour le Rwanda s'étend au territoire du Rwanda y compris son espace terrestre et son espace aérien, et au territoire d'Etats voisins en cas des violations graves du droit international humanitaire commises par des citoyens rwandais. La compétence ratione temporis du Tribunal international s'étend à la période commençant le 1er janvier 1994 et se terminant le 31 décembre 1994.

D'après cette disposition, la compétence territoriale du tribunal couvre non seulement les crimes commis au Rwanda mais aussi ceux commis dans les Etats voisins lorsqu'ils ont été commis par les ressortissants rwandais. Cette extension de la compétence du Tribunal aux crimes commis en dehors du territoire rwandais se justifie par le fait qu'une partie de la population rwandaise, dans les mois suivant le génocide, a pris refuge dans les camps des réfugiés dans l'ex-Zaïre et dans d'autres pays. Ainsi, il est probable que des violations du droit international humanitaire similaires à celles commises au Rwanda aient été commises dans ces camps de réfugiés30(*).

Quant à la compétence temporelle du TPIR, ce dernier est compétent pour juger les personnes s'étant rendues coupables de violations graves du droit international humanitaire du 1er janvier au 31 décembre 1994. Bien que la compétence du Tribunal ait été poussée dans le temps jusqu'à inclure les trois mois qui précèdent le déclenchement des massacres, elle a été critiquée par le Rwanda au motif, d'une part, que des projets pilotes d'extermination avaient eu lieu avant 1994, et d'autre part qu'une période de planification avait précédé les massacres de 199431(*). En conséquence, le Rwanda proposait que la compétence ratione temporis du TPIR commence le 1er octobre 1990, date qui correspond au début de la guerre entre le FPR et les ex-FAR.

§3. Compétence matérielle

La compétence du TPIR en matière de violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II est prévue à l'article 4 du Statut. Il s'agit des crimes qui sont réprimés s'ils sont commis pendant une période de guerre.

Dans son rapport, le Secrétaire Général a noté que les massacres et les tueries continuaient d'une manière systématique sur la quasi-totalité du territoire rwandais et que seule une enquête permettrait d'établir les faits et la responsabilité32(*). Par la suite, on a mis sur pied une Commission d'experts indépendants ayant pour mission d'enquêter sur la situation au Rwanda. Dans son rapport final33(*), la Commission a conclu que les actes de génocide avaient été commis à l'encontre du groupe tutsi par les éléments Hutus agissant de manière concertée, planifiée, systématique et méthodique, en violation de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et que ces mêmes individus avaient commis des crimes contre l'humanité et des violations graves du droit humanitaire.

De ce qui précède, il est remarquable que la compétence matérielle du TPIR a été déterminée par le Conseil de sécurité sur base du rapport de la Commission d'experts. Ce dernier indiquait, comme déjà dit ci-dessus, la nature des crimes que l'on pouvait supposer qu'ils avaient été commis au Rwanda à partir d'avril 1994 d'une part, et justifiaient l'applicabilité du droit international, d'autre part.

Cependant, en ce qui concerne les violations prévues à l'article 4 du Statut, il convient de constater que le Conseil de sécurité a opté pour une solution plus extensive en incluant des instruments internationaux sans tenir compte du fait que ces derniers ne font pas partie de la coutume internationale34(*) ou qu'ils engagent la responsabilité pénale individuelle de l'auteur du crime. Cette question figurait parmi les questions importantes qui attendaient le Tribunal à ses débuts.

Sur ce, le TPIR a retenu deux solutions pour cette question : premièrement, le Tribunal s'inspirant de la jurisprudence du TPIY35(*), a démontré le caractère coutumier de l'article 3 commun aux Conventions de Genève en jugeant que ledit article avait acquis le statut de règle du droit coutumier en ce sens que la plupart des Etats répriment dans leur code pénal des actes qui, s'ils étaient commis à l'occasion d'un conflit armé interne, constitueraient des violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève. Pour le Protocole additionnel II, en vertu du principe qui veut que « l'accessoire suit le principal », seules les garanties énoncées à son article 4 (2) ont été retenues car elles viennent affirmer et compléter l'article 3 commun aux Conventions de Genève36(*).

Quant à la deuxième solution, jugeant non nécessaire d'analyser le caractère coutumier des instruments en question, le Tribunal a cherché le fondement de leur inclusion dans la ratification par le Rwanda desdits textes légaux. Ceci a été illustré dans l'affaire Kayishema et Ruzindana dans ces termes :

« La Chambre est instruite du fait que la question de savoir si les instruments susmentionnés doivent être considérés comme des dispositions du droit international coutumier dont les violations graves engagent la responsabilité pénale des auteurs continue de faire l'objet de débats dans des cadres autres que celui du Tribunal. En l'espèce, une telle analyse lui semble superflue dans la mesure où la situation est assez claire. Le Rwanda est devenu partie aux Conventions de 1949 le 5 mai 1964 et au Protocole II le 19 novembre 1984. Par conséquent, ces instruments étaient bien en vigueur au Rwanda au moment où les tragiques événements de 1994 se déroulaient sur son sol [...]»37(*).

Il convient de noter que ces deux solutions sont proposées par le TPIR dans le cadre de sa recherche du fondement légal des incriminations de l'article 4 de son Statut afin qu'il ne lui soit reproché de violer le principe  « nullum crimen sine lege » lors de leur mise en oeuvre. Sur ce, que ce soit la première ou la deuxième solution, force est de constater que ce qui est essentiel est de rendre la justice aux victimes de ces atrocités et comme l'a écrit Claude LOMBOIS, la règle « nullum crimen sine lege » a été édictée pour protéger des innocents contres les abus éventuels de l'administration étatique et non ceux qui commettent des actes odieux en se tenant en dehors des termes des textes38(*).

* 30 Rapport du Secrétaire Général, 8 novembre 1994, S/PV. 3453, §. 13.

* 31 Id. §. 15.

* 32 Rapport du Secrétaire Général sur la situation au Rwanda, 31 mai 1994, UN DOC.S/1994/604.

* 33 Rapport de la commission d'experts, 9 décembre 1994, UN DOC. S/1994/1405.

* 34 La coutume internationale est définie comme étant une preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit. Elle tire son essence dans certaines pratiques des Etats qui se sont répétées au cours des années et ont acquis avec le temps un caractère obligatoire pour constituer le droit international coutumier. Voy. art. 38 paragraphe 1 du Statut de la Cour Internationale de Justice.

* 35 Le Procureur c. Dusko Tadic, Affaire n° IT-94-1-T, jugement, 7 mai 1997, §. 609 ; le Procureur c. Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-AR72, arrêt relatif à l'appel de la défense concernant l'exception préjudicielle d'incompétence, 2 octobre 1995, §§. 116-117 et 134.

* 36 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §§. 608-609 ; le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §§. 86-89 ; le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 242.

* 37 Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §§. 156-158. Voy. Egalement §§. 597-598.

* 38 C. LOMBOIS, Droit pénal international, Paris, Dalloz, 1979, p. 51 cité par M. L. NDIKUMANA, La responsabilité pénale de l'individu en droit international, mémoire, Butare, 1997, UNR, Faculté de droit, p. 22.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe