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L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda

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par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE
Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006
  

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§2. La torture

La torture relève de la compétence du TPIR à divers titres. Elle peut être constitutive d'un crime de guerre (violation de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II) en vertu de l'article 4 du Statut du TPIR. Elle est également énumérée comme l'un des actes constitutifs d'un crime contre l'humanité à l'article 3 du Statut du TPIR. Cependant, aucun des ces articles n'apporte de précision quant à la définition de cet acte.

Dans l'affaire Musema, la Chambre de première instance a donné la définition de la torture dans les termes suivants :

« La torture s'étend à tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination ou une autre, lorsqu'une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou tout autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux autres souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles » 204(*) .

Il convient de remarquer que pour dégager cette définition, la Chambre de première instance du TPIR s'est référée à la définition retenue par la convention de 1984 sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cette définition a été confirmée également par le TPIY dans les affaires Celebici, Furundzija, et Kunarac205(*).

Dans l'affaire Celebici par exemple, le débat judiciaire s'est établi autour de la question du but spécifique dans lequel l'acte constitutif de la torture doit avoir été perpétré. En effet, la défense faisait valoir que le but de l'acte de torture était l'obtention d'informations. A l'inverse, le Procureur estimait que la torture pouvait être qualifiée dans des cas où il n'est pas seulement question d'obtenir des informations mais également de punir ou d'intimider la victime206(*). La Chambre a rejeté la position de la défense et a affirmé en effet que la définition de la convention de 1984 sur la torture doit être utilisée en ce qu'elle reflète le plus exactement la notion coutumière de torture207(*).

La définition de la torture telle que donnée par la convention de 1984 indique différentes circonstances dans lesquelles la torture peut se commettre. Dans l'affaire Celebici, la Chambre de première instance a estimé que cette définition présente une liste non exhaustive des fins permettant de qualifier la torture et précise en outre que ces fins peuvent ne constituer que l'une de motivations de la conduite de l'agent208(*). En définitive, la Chambre considère que l'infliction de souffrances aiguës par un agent agissant à titre officiel pourra être qualifiée de torture dès lors que la conduite de l'agent n'aura pas été motivée par des raisons d'ordre privé209(*).

Par ailleurs, il n'est pas exigé que la torture soit commise uniquement par un agent de la fonction publique ; elle peut être retenue contre toute autre personne sans distinction dès que les éléments sont réunis. Ceci a été confirmé par la Chambre de première instance du TPIR dans l'affaire Semanza, qui a considéré qu' « en dehors du cadre fixé par la convention contre la torture, le droit international coutumier n'exige pas que le crime soit commis par un agent de la fonction publique dans les cas où la responsabilité pénale d'un individu est retenue à raison d'actes de torture210(*) ».

En somme, le renvoi à la définition coutumière de la torture telle qu'exprimée par la Convention de 1984 contre la torture conduit à dépasser la figure de la souffrance infligée dans un but spécifique d'information, pour couvrir la souffrance infligée par un agent public dès lors qu'il n'agit pas pour des raisons d'ordre privé. Ce modèle se trouve également dépassé par l'affirmation que le viol commis par des agents officiels contre des femmes satisfera toujours aux critères de l'acte de torture211(*).

En effet, s'attachant à la torture exercée sous forme du viol commis par des agents officiels contre les femmes, la Chambre de première instance dans l'affaire Akayesu a considéré qu' « à l'instar de la torture, le viol est utilisé à des fins d'intimidation, de dégradation, d'humiliation, de discrimination, de sanction, de contrôle ou de destruction d'une personne. Comme elle, il constitue une atteinte à la dignité de la personne et s'assimile en fait à la torture lorsqu'il est commis par un agent de la fonction publique ou par toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite »212(*).

Enfin, comme ce n'est pas n'importe quel acte qui peut être considéré comme constitutif de torture, la Chambre de première instance, dans l'affaire Musema a précisé que le terme « torture » ne s'étend pas à la douleur ou aux autres souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles213(*). Ce qui distingue la torture retenue par la convention de 1948 d'une sanction légale est le caractère illégal de l'acte. Pour qu'une douleur ou une souffrance ne puisse pas être considérée comme une torture, il faut que la personne ait été condamnée par une décision d'une juridiction régulièrement constituée.

* 204 Le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 285; Voy. également jugement Akayesu, op. cit., §§. 594-595, 681.

* 205 Le Procureur c. Mucic et al. ( arrêt Celebici ), jugement, cité à la note 62, §. 459; le Procureur c. Furundzija, jugement, cité à la note §§. 160- 161; Jugement Kunarac, op. cit., §§. 149-151.

* 206 Jugement Mucic et al. ( arrêt Celebici ), op. cit., §§. 447-451.

* 207 Id., §. 459.

* 208 Id., §. 470.

* 209 Id., §. 471.

* 210 Le Procureur Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 597.

* 211 H. ASCENSIO, et R. MAISON, « L'activité des tribunaux internationaux », in AFDI, 1998, pp. 371-411.

* 212 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 597.

* 213 Le Procureur c. Musema, jugement, cité à la note 16, §. 285.

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