L'application par les juridictions répressives internationales de l'article 3 commun aux conventions de Genève et du protocole additionnel II auxdites conventions: cas du tribunal pénal international pour le Rwanda( Télécharger le fichier original )par Jean Baptiste UWIHOREYE MUKARAGE Universite Nationale du Rwanda - Licence en Droit 2006 |
CHAPITRE III :LA REPRESSION PAR LE TPIR DES VIOLATIONS DE L'ARTICLE 3 COMMUN ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL IIL'article 4 du Statut du TPIR établit toute une liste des violations qui peuvent engager la responsabilité pénale individuelle de l'auteur si elles sont commises en temps de guerre. Comme la justice est rendue au nom du peuple pour réparer le préjudice moral subi par la société, à tout acte incriminé doit correspondre une sanction pour décourager dans l'avenir la Commission dudit acte. Toutefois, avant de prononcer une peine, le juge doit définir l'acte délictueux et établir la responsabilité de l'auteur. Dans le présent chapitre, nous analyserons successivement les crimes déférés devant le TPIR en application de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II (Section I) et les difficultés auxquelles sont confrontées les juges du TPIR dans l'application desdits textes légaux (Section II). SECTION I : LES CRIMES DEFERES DEVANT LE TPIR EN APPLICATION DE L'ARTICLE 3 COMMUN ET DU PROTOCOLE ADDITIONNEL IIL'article 4 du Statut comprend 8 paragraphes et chacun d'eux comprend un ou plusieurs actes délictueux indépendants. Il convient de remarquer que toutes les violations de l'article 4 du Statut n'ont pas été commises dans le cadre du conflit rwandais. Pour ce faire, cette section ne va porter que sur les violations pour lesquelles le Procureur a saisi le TPIR en application de l'article 3 commun et du Protocole additionnel II. Ces violations sont notamment le meurtre (§1), la torture (§2), le viol et les violences sexuelles (§3). §1. Le meurtreLa définition du meurtre a été donnée pour la première fois par la Chambre de première instance du TPIR dans l'affaire Akayesu199(*). Selon elle, le meurtre est le fait de donner illégalement et volontairement la mort à un être humain. A cette occasion, la Chambre de première instance a précisé les critères requis pour qu'il y ait meurtre. Premièrement, la victime doit être morte ; deuxièmement, la mort doit résulter d'un acte illégal ou d'une omission illégale de l'accusé ou de son subordonné ; et enfin, le coupable doit, au moment de la Commission du meurtre, avoir été habité par l'intention de donner la mort à la victime ou de porter atteinte grave à son intégrité physique, sachant que cette atteinte était de nature à entraîner la mort et il lui était indifférent que la mort de la victime en résulte ou non. En effet, le terme assassinat a été utilisé quelques fois par les chambres du TPIR indifféremment avec le terme meurtre200(*). A notre avis, cette pratique est contestable non seulement parce que le terme assassinat n'apparaît pas sur la liste des violations de l'article 4 du Statut, mais également parce que les deux actes diffèrent quant aux circonstances qui entourent leur mise en oeuvre. La Chambre de première instance du TPIR, dans l'affaire Kayishema et Ruzindana, a donné la différence entre ces deux termes. Selon elle, le meurtre s'entend du fait de donner volontairement la mort à autrui. Il n'est pas nécessaire de démontrer que cet homicide a été commis avec préméditation. La Chambre a dégagé cette conclusion après avoir examiné l'utilisation du terme meurtre par opposition au terme assassinat dans la version française du statut201(*). Bien que le meurtre et l'assassinat soient deux formes d'homicide, ils divergent sur leur élément moral. Pour l'assassinat, il faut qu'il y ait préméditation tandis que pour le meurtre elle n'est pas requise. La préméditation exige, à tout le moins, que l'accusé ait patiemment conçu le projet de tuer avant de commettre l'acte qui donne la mort, et non qu'il ait nourri cette intention en même temps qu'il accomplissait l'acte. Il n'est pas nécessaire qu'il ait nourri cette intention pendant très longtemps : un calme moment de réflexion suffit202(*). Normalement, un combattant au sens juridique du terme a le droit de rendre infirme ou tuer son adversaire soldat. Le meurtre peut s'élever au niveau d'une violation de l'article 3 aux commun Conventions de Genève et du Protocole additionnel II s'il est commis contre les personnes juridiquement protégées à savoir les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités. Par conséquent, les dégâts humains survenus à la population civile au cours d'une attaque armée ne peuvent être justifiés que s'ils peuvent constituer une légitime défense. Dans ce cas, les conditions d'existence de la légitime défense doivent être réunies203(*). * 199 Le Procureur c. Akayesu, jugement, cité à la note 21, §. 589. * 200 Le Procureur c. Rutaganda, jugement, cité à la note 16, §. 445. * 201 Le Procureur c. Kayishema et Ruzindana, jugement, cité à la note 16, §. 137-140. * 202 Le Procureur c. Semanza, jugement, cité à la note 16, §. 339. * 203 Les accusés doivent démontrer qu'ils étaient agressés et que l'agression était actuelle, imminente et injuste. Ensuite l'attaque pour riposter doit être nécessaire, mesurée ou proportionnée à l'attaque de la population civile. Voy. A. NDAYISHIMIYE, De la légitime défense en droit pénal rwandais, mémoire, Butare, UNR, Faculté de droit, 1998, p. 50. |
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