2) L'élément intentionnel de la diffamation
et de l'injure
L'article 121-3 alinéa 1 du code pénal dispose
« Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le
commettre ». Il faut donc que la diffamation et l'injure aient
été publiées intentionnellement. La victime doit ainsi
prouver que l'auteur des propos voulait porter atteinte à sa
réputation. De jurisprudence constante, l'intention coupable est
présumée pour ces deux infractions dès l'instant oü
l'acte matériel est réalisé187. Ainsi, la
personne à l'origine du message est présumée avoir
conscience de rendre publique un propos diffamatoire ou injurieux. L'intention
délictuelle de l'auteur de propos diffamatoire ou injurieux
publiés sur Facebook sera ainsi présumée. Toutefois,
l'auteur conserve la possibilité d'invoquer des circonstances de fait
justifiant le parti pris diffamatoire de ces propos ou la provocation au propos
injurieux.
A titre de défense, l'article 35 de la loi de 1881 a
prévu un fait justificatif propre à la diffamation : le
caractère délictueux de la diffamation disparaît dès
lors que le prévenu établit l'exactitude de ses propos, il s'agit
de l'exceptio veritatis. En raison des conditions étroites dans
lesquelles le fait justificatif est enfermé, la jurisprudence a par la
suite créé un deuxième fait justificatif, la bonne foi de
l'auteur des propos.
La personne à l'origine des propos a la
possibilité de prouver la vérité des faits
allégués. La vérité ne peut néanmoins
être démontrée dans trois domaines : lorsque les faits ont
un rapport avec la vie privée de la personne, ont plus de 10 ans, ou ont
fait l'objet d'un pardon188 (sauf pour les faits constitutifs de
l'infraction de pédophilie, datant de plus de 10 ans ou touchant
à des faits privés, dont la preuve est autorisée depuis la
loi du 17 juin 1998)189. En dehors de ces trois exceptions, la
preuve de la vérité doit être totale pour produire son
effet absolutoire : le
186
http://blog.charentelibre.com/journal/index.php?2009/04/03/2791-au-lycee-jean-monnet-de-cognac-facebookvire-au-jeu-de-massacre
187 Par exemple : Cass. Civ. 2e, 14 janvier 1998, Bull.
civ. II, n°11 ; D.1999 p. 134.
188 Article 35 alinéa 3 a/, b/ et c/ de la loi du 29
juillet 1881.
189 Article 35 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881.
moindre doute privera le prévenu du
bénéfice du fait justificatif. Selon la chambre criminelle de la
Cour de cassation, la preuve doit être « parfaite, totale et
corrélative aux imputations dans toute leur portée et leur
signification diffamatoire »190.
Si le prévenu échoue dans sa tentative d'offrir
la preuve du fait diffamatoire, celui-ci peut néanmoins invoquer sa
bonne foi par l'existence de circonstances particulières. La bonne foi
suppose quatre critères cumulatifs : la légitimité du but
poursuivi par l'auteur du propos (l'information du public), l'absence
d'animosité personnelle, la fiabilité de l'enquête ainsi
que la prudence et la mesure dans l'expression191.
L'excuse de provocation est également
insérée dans des conditions restrictives : l'auteur de l'injure
doit être la victime méme de la provocation, le contenu injurieux
doit être en rapport direct avec le contenu de la provocation et la
provocation doit avoir été injustifiée.
En l'absence de jurisprudence spécifique visant les
sites de réseaux sociaux, il convient d'examiner les affaires relatives
aux forums de discussion et aux blogs pour déterminer si les tribunaux
apprécient différemment ces moyens justificatifs dès lors
que les infractions sont commises sur Internet. On constate dans plusieurs
décisions que les critères de la bonne foi en matière de
diffamation sur les blogs sont appréciés avec indulgence
notamment concernant la fiabilité des sources.
Dans un jugement du 17 mars 2006, le Tribunal de grande
instance de Paris retient qu'un journaliste qui s'exprime à titre
privé sur son blog et qui ne vérifie pas la
véracité des sources qu'il reproduit bénéficie
néanmoins de l'exception de bonne foi. Les juges feraient une
distinction entre journaliste et non journaliste (ou journaliste ne s'exprimant
pas en cette qualité), la personne non journaliste étant
dispensée de vérifier la fiabilité des informations
qu'elle publie192. Toutefois dans un arrêt du 6 avril 2006, la
Cour d'appel de Paris rétablit l'orthodoxie juridique et impose au
blogueur « un minimum d'enquête » pour qu'il puisse
bénéficier de l'exception de bonne foi 193. Ces
difficultés d'application des faits justificatifs aux blogs seraient
susceptibles de se poser aux diffamation et injures réalisées sur
les sites de réseaux sociaux.
190 Cass. Crim. 29 avril 1997; Legipresse 1998, n° 151, I,
p.50.
191 Cass. Civ. 2e 14 mar 2002; Bull. civ. 2002, II, n° 41 p.
34.
192 TGI Paris 17 mars 2003 ; CCE mars 2006 p. 39, A. Lepage.
193 Cour d'appel de Paris 16 janvier 2003 CCE octobre 2003 p. 13,
A. Lepage.
Après avoir envisagé la constatation de la
diffamation et de l'injure sur les sites de réseaux sociaux, nous
examinerons à présent la répression de ces infractions sur
les réseaux sociaux (II).
|