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Les réseaux sociaux en ligne et la vie privée

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par Marie FAGET
Université Paris II Panthéon-Assas - Master 2 Droit du Multimédia et de l'Informatique 2008
  

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A. L'application des règles ordinaires de protection de la vie privée et de l'image Le droit à la vie privée et à l'image sont des droits de la personnalité. Les droits de la

personnalité peuvent être définis comme « les droits inhérents à la personne humaine quiappartiennent de droit à tout personne physique (innés et inaliénables) pour la protection de

ses intérêts primordiaux »104 La notion de droits de la personnalité est assez récente. En effet, l'apparition de la protection de la vie privée a été introduite dans le code civil à l'article 9 dudit code par la loi du 17 juillet 1970105. Nous envisagerons tout d'abord la protection civile de la vie privée et de l'image (a) puis leur protection pénale (b). Dans cette partie ne seront abordés que les aspects extrapatrimoniaux des droits de la personnalité des personnes majeures sur Facebook, (les personnes victimes d'atteinte aux droits de la personnalité dans les réseaux sociaux étant majoritairement des personnes lambda.)

1) La protection civile de la vie privée et de l'image sur Facebook

Nous verrons successivement le droit au respect de la vie privée (a) et le droit à l'image (b) sur Facebook.

a/ Le droit au respect de la vie privée

La vie privée est un droit fondamental reconnu dans de nombreux textes nationaux et internationaux.

Au niveau national, l'article 9 alinéa 1 du code civil dispose que « Chacun à droit au respect
de sa vie privée
». Le Conseil Constitutionnel, par une décision n° 99-416 DC datant du 23

104 Définition du dictionnaire Vocabulaire juridique de l'Association Henri Capitant, édition PUF, 7e édition.

105 Article 9 alinéa 1 du code civil.

juillet 1999, a considéré que le droit à la vie privée était une composante de l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. Il lui a donc reconnu une valeur constitutionnelle.

Au niveau international, deux textes importants protègent la vie privée. Tout d'abord, l'article 12 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 prévoit que « nul ne fera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteinte à son honneur ou à sa réputation ». Ce principe a été repris et détaillé à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CESDH) adoptée le 4 novembre 1950 et ratifiée par la France le 3 mai 1974 selon lequel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Si le premier des deux textes n'a qu'une valeur déclarative, le second a force obligatoire et peut être directement invocable par les particuliers lors d'un procès106. On remarque donc le souci qu'ont les différentes organisations internationales de vouloir protéger la vie privée.

Ces textes s'appliquent aux atteintes au droit à la vie privée commises sur Internet en raison du principe de neutralité technologique. En vertu de ce principe, issu des travaux de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), aucune discrimination ne doit être faite dans l'application du droit selon le support technologique utilisé. Les solutions proposées par la jurisprudence pour les atteintes commises sur support papier ont vocation à s'appliquer aux atteintes qui se sont produites sur Internet et donc sur les réseaux sociaux. Ainsi la diffusion sur un site Internet d'un article consacré à la vie familiale et sentimentale d'un chanteur a été considérée comme portant atteinte à sa vie privée et à son droit à l'image107.

Le droit au respect de sa vie privée signifie que toute personne est en droit de garder secrètes les informations concernant sa vie privée et donc de s'opposer à toute révélation la concernant. Comme la personne est maître de ses révélations, elle peut donc a fortiori décider quelles informations relatives à sa vie privée elle souhaite divulguer. Appliquées à Facebook, ces règles signifient que seul un membre du réseau social a le droit de divulguer sur le site des informations relatives à sa vie privée.

106 Article 1 de la CESDH.

107 TGI Paris référé 2 avril 2008, RLDI 2008/37 n° 1145, observations L. Costes

L'article 9 du code civil ne précisant pas quelles informations constituent des informations privées, les tribunaux ont du déterminer le contenu de la sphère privée. Un inventaire exhaustif de ces éléments n'étant ni possible (les informations étant très nombreuses et ayant variées dans le temps), ni le sujet de ce mémoire, il est préférable d'analyser les informations postées sur les réseaux sociaux qui pourraient être protégées par le droit à la vie privée. Les informations susceptibles d'être protégées sur les réseaux sociaux sont diverses : la vie affective108, l'adresse du domicile d'une personne109, l'état de santé110, l'image de la personne111, la religion112, la vie familiale113. La notoriété de la personne titulaire du droit au respect de la vie privée est indifférente à l'application du texte.

L'atteinte à la vie privée ne nécessite pas la réunion des trois éléments de la responsabilité civile de l'article 1382 du code civil qui sont une faute, un préjudice et un lien de causalité. Depuis un arrêt rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation le 5 novembre 1996114, réaffirmé à plusieurs reprises depuis, « la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ».

Le droit à la vie privée peut entrer en conflit avec la liberté d'expression prévue à l'article 10 de la CESDH et être limité par celle-ci. Ces deux droits ayant une valeur normative identique, il appartient aux tribunaux de déterminer selon le cas d'espèce lequel des deux droits doit prévaloir sur l'autre. La solution sera fonction des circonstances, les juges devant mettre en balance les différents intérêts invoqués. Néanmoins, la jurisprudence a dégagé trois critères généraux permettant de passer outre le consentement de la personne.

Le premier critère susceptible d'être mis en oeuvre est l'information du public ou la contribution à un débat d'intérêt général. Si la vie privée d'une personne est impliquée dans un événement d'actualité, ou si la révélation d'informations intimes contribue à un débat d'intérêt général, l'importance de l'information légitime la divulgation de sa vie privée. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la révélation de l'appartenance à la francmaçonnerie d'un certain nombre d'élus d'une municipalité était licite car la révélation

108 Cass. Civ. 2e 24 avril 2003.

109 TGI Paris 2 juin 1976.

110 TGI Paris 23 octobre 1996.

111 Cf. voir B du paragraphe.

112 Cass. Civ. 1e 6 mars 2001.

113 La Maternité par exemple: Civ. 2e 5 janvier 1983

114 Bulletin civil I, n° 378.

s'inscrivait dans le contexte d'une actualité judiciaire et permettait l'information du public sur un débat d'intérêt général115. Appliqué à Facebook, ce moyen de défense a peu de chance de prospérer étant donné que les membres victimes de révélations sont généralement des personnes anonymes. La personne à l'origine de la divulgation aura la difficile tâche de prouver que l'information qu'elle a publiée participe soit à un débat d'intérêt général, soit que l'élément divulgué sur la vie privée de la personne est un événement d'actualité.

Le caractère anodin de l'information divulguée chasse également l'atteinte au respect de la vie privée. La révélation de la grossesse d'une princesse a par exemple été considérée comme licite car anodine116. Ce critère est difficile à manier car très subjectif, ce qui est anodin pour une personne peut ne pas l'être pour une autre. Ce critère joue également pour les personnes anonymes et les personnes vulnérables telles que les mineurs mais seulement s'ils sont impliqués dans un fait d'actualité117. En effet, pour faire sortir la révélation de la sphère privée, il faut que le public ait un intérêt à connaître cet élément118. Sur Facebook, le prévenu devra donc non seulement prouver que l'intéressé est concerné par un événement d'actualité mais également que l'élément dévoilé est bénin.

Enfin, les faits déjà rendus publics sortent de la sphère privée de la personne et peuvent être librement divulgués119. La personne ayant donné son autorisation à la révélation ne peut pas à l'heure actuelle bénéficier automatiquement du droit à l'oubli120. Le droit à l'oubli n'est plus qu'un argument parmi d'autres que le juge prendra en considération dans la balance des intérêts en jeu121. Seules les circonstances de l'espèce peuvent conduire les juges à estimer que la rediffusion de ces informations est fautive. Sur Facebook, si une personne rappelle des faits déjà divulgués, elle pourra bénéficier de cette exception. Toutefois, comme les propos sur Facebook peuvent constituer des données à caractère personnel, (cf. infra B 2), la loi Informatique et Libertés pourrait diminuer la force de cette exception.

115 Cass. Civ. 1e 24 octobre 2006 ; legipresse 2007, troisième partie p. 89.

116 Cass. Civ. 1e 19 février 2004 ; D. 2004 p.1633, C. Caron.

117 Cass. Civ. 2e 29 avril 2004.

118 Cass. Civ. 2e 25 novembre 2004 ; D. 2005 p. 2643, A. Lepage, L. Marino, C. Bigot.

119 Cass. Civ. 2e 3 juin 2004; D. 2005 p. 2643, A. Lepage, L. Marino, C. Bigot.

120 Cass. Civ. 1 20 nov. 1990, JCP 1992. II. 21908, obs. Ravanas : arrêt rendu à propos du rappel, dans un livre, d'une condamnation pénale. A cette occasion, la Cour de cassation a refoulé le droit à l'oubli comme règle générale du droit.

121 T. Hassler « Droits de la personnalité : rediffusion et droit à l'oubli » D. 2007 p. 2829.

Toutes ces exceptions s'appliquent sous réserve du respect de la dignité de la personne humaine122. Une image ou des propos choquants diffusés sur Facebook seraient donc sanctionnés pour atteinte à la vie privée sans que l'auteur des propos ou de l'image ne puisse valablement invoquer la liberté d'expression.

L'atteinte à la vie privée sur les réseaux sociaux est souvent réalisée par la mise en ligne d'une photographie pour laquelle la personne représentée n'a pas donné son consentement. Cette atteinte au droit à l'image doit donc être abordée (b).

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon