IV-2-3- L'enthousiasme des pairs
Elle se présente sous forme d'effet
d'entraînement par le groupe de pairs. Sans cet effet, la propre
volonté de l'élève ne l'aurait pas décidé
à faire le dépistage comme le témoignent ces deux cas :
« Sans l'effet du groupe, c'est pas sûr que je
serais allé seul, parce que je peux dire que le courage m'aurait
manqué ; je me dis que c'est parce qu'on était nombreux. Comme on
est en groupe, on est motivé ; ça donne le moral. Sinon, si
c'était seul, ce n'est pas sûr que ce soit faisable. »
Syprien (20 ans, catholique, terminale topographie, adhérent)
« Les amis de classe, ceux à qui moi je
fréquente fréquemment, on est toujours ensemble. Eux en tout cas
ils sont partis et puis comme je ne voulais pas partir, donc ils m'ont dit
seulement : il faut venir, que y a rien, que c'est mieux, il faut
connaître son statut sérologique, que c'est bien. C'est ce qui m'a
amené à partir. En tout cas, mon courage ne me permettra pas de
partir. S'il n' y avait pas ces conseils là, je n'allais pas partir.
» Marcel (20 ans, catholique, 1ère G2,
adhérent)
Le soutien du groupe paraît orienter favorablement le
comportement individuel. En effet, dans la conformité «il faut
être soutenu par un groupe d'amis qui vous convainc qu'il n'y a pas de
raison d'avoir peur...»48
Mais, en fait, ce qui sous-tend la conformité, c'est la
peur de la réaction des pairs, en cas de non-conformité car comme
des élèves l'affirment : « ceux qui ont fait se moquent de
ceux qui n'ont pas fait ». Amadou (18 ans, musulman,
1ère F3, adhérent) en rend le témoignage
suivant :
48 MENDRAS Henri, Eléments de sociologie,
Armand Colin, Paris, 1996, p97.
« Je les [les réticents] ai montré le
résultat bien sûr ! C'était la moindre des choses pour leur
prouver en fait que c'était des « mouillards »49 .
Là où je suis, si on me demande : toi-même :ta
sérologie ? je suis capable de le dire. Mais eux, quand on va parler
dans une discussion du sida, eux ils seront persécutés. »
Moins donc que le bénéfice d'information pour
une adhésion enthousiaste, l'entraînement au dépistage
s'explique plus par le courage qui est une qualité à prouver,
préserver et conserver au sein de la sphère relationnelle car :
« certains sont venus se faire dépister par orgueil parce que
leurs camarades vont, eux aussi ils vont aller» précise Aline
(Surveillante et marraine du club FAWE du LTO). A ce sujet toujours, Robert (22
ans, catholique, terminale F3, adhérent) en donne le discours suivant
:
« Moi je ne voulais pas aller. Je les ai laissés
partir et puis entre temps, je ne me suis dis pourquoi pas ? Il faut aller
faire, ça fait partie du courage. Parce que moi je sais que celui qui
n'est pas courageux ne peut pas faire le test. Le courage- là, dire que
je suis courageux, je suis courageux, c'est en ce genre de test. Donc je les ai
rejoint après, on a fait le test. »
La conformité est présente dans le sous groupe
masculin alors que dans le sous-groupe féminin elle n'apparaît
pas. Ce constat peut être un reflet de la différence de
socialisation entre sexe qui induit une différence de comportement en
face d'une situation de risque en tant qu'événement probable
dangereux.
49 Dans le jargon scolaire, l'expression «
mouillard » désigne une personne qui fuit les situations
difficiles.
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