IV-2-2- La contrainte parentale
Elle se présente comme une conformité et est en
ce sens «le fait d'une discipline imposée.
»47par un membre autoritaire de la famille et qui l'impose
aux autres membres. Le choix de comportement individuel se retrouve
enrobé par une seule volonté influente d'adhésion au
dépistage. C'est donc cette volonté superlative qui produit
l'effet de coercition à l'origine de la conformité. Parmi les
interviewés, certains ont été sous cet effet.
C'est ainsi qu'Elise, membre de la Jeunesse Catholique pour la
Chasteté, (18 ans, catholique, 1ère G2,
adhérente) voit la volonté paternelle comme le contre poids
à sa propre volonté irrésolue face au dépistage.
Elle raconte :
« Comme on est une famille catholique, le papa a
décidé que toute la famille allait faire le test. Donc on est
parti ensemble faire le test. »
Mais, comme elle le reconnaît, la peur qui a
hanté ses camardes en face du dépistage au lycée avait
été sienne aussi et sans l'effet de coercition sur sa propre
volonté elle n'irait pas au dépistage :
« En tout cas beaucoup ont peur. Ils se disent que c'est
préférable de ne pas savoir.
C'est la peur surtout, c'est la peur ! Même moi,
peut-être c'est parce que c'était avec la famille, j'étais
un peu contraint sinon volontairement comme ça, c'est pas sûr
que
je serai partie faire le test. »
C'est cette même coercition parentale qui a conduit
Salam (22 ans, musulman, 2ème année topographie,
adhérent) à faire le test. Il confie d'abord :
« Au début d'abord, c'est le papa même qui
nous a obligés de faire le test. Le papa, à partir de ma soeur
qui fait la 3ème, l'an passé c'était elle et moi le papa a
obligés d'aller faire le test puisque les autres là ils
étaient jeunes. Le papa nous a obligés d'aller faire le test et
moi j'ai fait le test. Je ne voulais pas partir prendre le résultat
mais il m'a chauffé plusieurs fois et je suis
allé prendre le résultat mais c'était négatif. Je
suis venu le montrer et depuis lors, bon ! »
Et il ajoute :
« Vous savez, chez nous on est éduqué
à base du Coran. Ça fait que quand notre papa te voit avec une
fille même, il a cette réaction, c'est comme une
malédiction, il parle beaucoup. Ça fait que chez nous on n'est
pas bien placé pour fréquenter les filles. »
La contrainte parentale n'offre pas à
l'élève la possibilité de s'astreindre du
dépistage. La décision de faire le test VIH émane d'une
volonté transcendant la
47 MENDRAS Henri, Eléments de sociologie,
Armand Colin, Paris, 1996, p94 explique que la conformité peut
être enthousiaste ou le fait d'une discipline imposée.
propre volonté de l'élève qui adopte un
comportement y conforme. La religion apparaît comme le facteur
déterminant l'adhésion familiale au dépistage. La
conformité familiale semble alors s'ajuster elle-même à une
conformité idéale religieuse prescrivant un ordre sexuel
(abstinence, fidélité...).De ce fait, le registre
d'intérêt du dépistage (le but proposé par la
Santé Publique étant de connaître pour mieux ajuster les
comportements) peut glisser en moyen de contrôle de la sexualité,
le VIH se transmettant principalement par voie sexuelle.
Cependant, la coercition à l'origine de la
conformité peut aussi provenir d'un membre de la famille et dont le
statut socioprofessionnel a un rapport privilégié avec le champ
de la «santé ». A ce titre, Cader (19 ans, musulman, terminale
topographie, adhérent) tient ce propos :
« Le premier grand frère, c'est un docteur. Comme
lui-même c'est un docteur, donc il est venu faire le test pour tout le
monde. Tout le monde a fait, il n'y a pas eu quelqu'un qui n'a pas voulu.
»
Dans le cercle familial, l'interaction peut être une
contrainte favorable au dépistage.
|